En dépouillant nos boites mails, parfois on tombe sur une merveille. On remercie alors, d’ores et déjà, le jeune réalisateur Kevin Frilet de nous avoir écrit qu’il voulait nous présenter ici son film Under qui est sa première réalisation. Pour reprendre ses mots : « C’est un film « visuel » avec une construction narrative mais c’est avant tout un film métaphorique. » Sous l’eau évidemment comme son titre l’indique. D’une maitrise hallucinante pour un premier film. En même temps Kevin Frilet a su apprendre avec les meilleurs, il a été assistant réalisateur sur des longs-métrages comme Inception, Lucy et bientôt sur Taken 3. Autant donc, tout de suite, immortaliser notre avis noir sur blanc, Kevin Frilet est un réalisateur en devenir, il faut lui proposer de tourner son premier clip vite, très vite.
Pour le reste nous avons laissé le soin au réalisateur d’expliquer sa démarche et ses intentions :
« Je suis un jeune réalisateur, né à Paris et le film Under est ma première réalisation.
J’ai travaillé pendant près de 10 ans dans le cinéma comme assistant réalisateur. Je
viens de finir, en tant que réalisateur 2nd équipe, le tournage des épisodes 1&2 de la
nouvelle série Canal+ « Versailles » réalisée par Jalil Lespert.
Under m’a demandé beaucoup de préparation. Tourner un film sous l’eau n’est pas
aussi simple que de tourner un film « classique ». Cela demande beaucoup de
travail en amont et de répétitions in situ. Contrôler sa respiration, maîtriser ses
déplacements dans de telles conditions n’est pas chose facile, surtout pour des
acteurs non professionnels (seul l’homme est acteur) qui n’ont jamais tourné sous
l’eau.
Avec Human Films, toute jeune maison de production, nous avions des intentions
très hautes mais un budget assez réduit. L’équilibre était périlleux. Nous avons
tourné le film en une nuit dans une fosse à plongeon de la région parisienne. Ce fût
une nuit épique dont beaucoup je pense se rappelleront.
Under est un film « visuel » avec une construction narrative mais c’est avant tout un
film métaphorique.
«Il me semble que je me retrouve et me reconnaisse quand je reviens à cette eau
universelle ». Je pense que cette phrase, extraite du court texte « Nage » du poète
français Paul Valéry, fut inconsciemment le point de départ de Under.
L’eau comme lieu de nouvelle naissance et de tous les possibles mais aussi comme
première matrice qui enfante dans ses eaux. J’avais envie de créer un univers
liquide, où le temps est suspendu, l’espace infini et la profondeur inconnue. La
matière eau comme lumière liquide. La volonté était ici de tourner un film
entièrement sous marin, sans aucun plan tourné « à l’extérieur ».
Le lien entre la naissance et le liquide, entre la vie et l’eau est un lien fort, quasi
intrinsèque. Associer donc cette idée de naissance à une matière mais aussi à un
corps, celui d’une femme nue, qui va prendre possession de cet univers, dont les
profondeurs l’appellent, l’attirent vers l’abîme et finalement la rendent à la vie.
Reprenant l’image biblique de la Genèse des eaux d’en haut et des eaux d’en bas,
cette créature spirituelle quitte la surface du monde des « mortels » pour se
déployer au milieu de ce vaste ciel liquide avant de s’émanciper vers une lumière
divine provenant d’en bas. Un nouveau monde.
Entre ces deux mondes, là où la lumière peine à éclairer les profondeurs, un
homme apparaît sortant de l’obscurité. « Le corps de l’eau ». Il symbolise la limite
de ces deux mondes. Evoquant la vie, la mort et la réincarnation, ce « corps à
corps » animal et sensuel laisse entrevoir une certaine harmonie mais cet équilibre
est rompu car ces deux créatures ne peuvent fusionner. Il appartient au monde des
ombres, elle au monde de la lumière.
Le choix du noir et blanc s’est imposé tout de suite. Je voulais créer un univers
infini, voir invisible, un peu comme ce désert blanc dans « THX 1138 » dont on ne
distingue aucune frontière, aucune profondeur de champ. Je voulais des contrastes
et des ombres sur les corps. Le travail photographique de Trent Parke fut une
réelle source d’inspiration. L’idée était d’utiliser uniquement une source lumineuse
à l’extérieur de l’eau, à la surface, telle une lumière divine.
Le film étant non sonore, le choix de la musique était déterminant. La musique
devait s’adapter au mouvement de l’image, épouser le rythme des corps. Je voulais
accentuer ce sentiment de vide et de légerté où ces corps planent comme en
apesanteur. Un son qui puisse exprimer un long vertige d’où résonne parfois un
écho avec le néant. Valentin Stip a composé la bande sonore du film. Je connaissais
ses compositions et j’ai notamment été très sensible à son dernier album « Sigh »
(label Other People) qui fut aussi une importante source d’inspiration pour le film… »