Le camion les a laissés à vingt kilomètres de Tamanrasset – s’ils marchent bien, ils y seront avec le jour. Elle est restée en arrière, prostrée, après avoir été tirée du groupe de migrants par la lampe-torche agressive de soldats. Il pense qu’on ne peut pas laisser une femme seule dans le désert. Il va la relever, l’aide à marcher, sans se rendre compte de la responsabilité dont il se charge en la prenant sous son aile. C’est par cette rencontre de hasard que commence « Hope » de Boris Lojkine. On les suit ensuite tous les deux, Leonard et Hope, le Camerounais et la Nigériane, sur la route qui mène vers les portes de l’Europe. Il faut accepter sans mot dire les rackets ; il faut, pour les femmes, décider qu’on ne fera pas que subir la violence sexuelle, mais qu’on fera de son corps un gagne-pain pour se rapprocher un peu du but. Alors que les villes algériennes et marocaines rejettent ces migrants noirs, ils ne sont pas mieux traités dans les ghettos communautaires où les « chairmen » font régner tour à tour leur loi de petit royaume et leurs caprices arbitraires. « Hope » est un film qui agrippe et qui ne lâche plus, qui met des visages et des histoires personnelles sur les migrants dont on n’entend souvent parler qu’en termes statistiques, une fois qu’ils ont fait naufrage ou débarqué sur les côtes européennes. Tourné avec des acteurs non-professionnels, tous bouleversants, fruit d’une immersion de plusieurs mois dans ce monde inconnu que représentent les réseaux d’immigration subsaharienne, le film sort dans peu de salles, faute d’avoir pu s’appuyer sur le financement d’une chaîne. Il est sûr qu’on est loin du feel good movie. Mais Boris Lojkine et son équipe ont fait là une œuvre politiquement indispensable, et magnifique.