Combien d’entre vous savent qu’ils sont scrutés en permanence sitôt qu’ils sont connectés ? Tout le monde ? Ok, c’est bien ça: Big Brother is watching you. Mais le fantasme de Georges Orwell va bien plus loin de nos jours. Big Brother ne se contente plus de vous regarder, il vous dissèque carrément. Et son voyeurisme total compulsif sert de socle à une énorme part de l’économie du web. Cette « nouvelle économie » vient à peine d’éclore. Dans sa façon d’opérer, elle est déjà redoutable pour tout un chacun au quotidien. Et ce n’est vraiment que le début !! A terme vous risquez de vous retrouver à acheter des trucs qui ne servent à rien, sans réfléchir. C’est votre ordi qui vous dira quoi acheter, quand et où.
Hein ? C’est déjà le cas ?
Mais c’est plus fort que nous: on veut se montrer au monde. On veut être en contact. Et à bien y regarder on n’a pas vraiment le choix. Faites l’expérience: éteignez votre portable et votre ordinateur. Quand vous allez les rallumer (si vous le faites) n’allez-vous pas crouler sous le déluge de vos « amis » vous demandant où vous êtes, pourquoi vous ne répondez pas aux mails, aux coms, aux likes, aux tweets.. ? Sans parler de la faille « sociale » dans laquelle vous allez tomber… Personne ne pourra vous inviter à boire un verre, au resto, à l’anniversaire de votre nièce…etc… et vous finirez au fond des bois dans une cabane en torchis, vêtu de peaux de bêtes et traqué par une horde de touristes venus, via un tour-operator, prendre en photo cette étrange personne qui vit comme à l’époque de Néhendertal, sans même l’électricité, vous vous rendez compte ?!
Le pire c’est qu’on nous pousse sans cesse à rester connecté car + vous serez actif sur votre fb ou twitter ou autre, plus vous resterez connecté, plus la machine pourra récolter des données et les analyses seront de plus en plus poussées. N’est-ce pas super cool pour les plus jeunes d’entre nous d’être connecté en permanence à plusieurs réseaux en même temps ? D’être populaire ? Le plus populaire. Presque indispensable, non ? Si on veut exister socialement en tant qu’ado en 2015, on ne peut pas faire autrement. Si on veut exister, il faut s’inclure dans le troupeau. Et on ne parle que des ados mais la plupart d’entre nous font de même.
Que l’on soit homme ou femme, jeune ou vieux, cadre ou chômeur, quelle que soit la frange de la population à laquelle nous appartenons, nous confions désormais nos existences à des algorithmes, à des programmes d’analyses de données. Le tout avec le sourire, simplement en likant la photo de sa cousine qui boit un verre dans telle discothèque, de son pote qui est allé à tel endroit faire du kayak…etc… Nous sommes analysés en permanence, scrutés, mesurés, passés au microscope, filmés. Nos habitudes sont disséquées ainsi que tous les liens que nous établissons avec d’autres personnes tout au long de nos jours, semaines, mois… et il en va de même pour chacune de ces autres personnes. Tous les lieux où tout le monde se rend, combien de temps il y reste et avec qui il y était. Toujours plus précises, bientôt les analyses incluront, grâce à l’avènement de la monnaie électronique, l’historique des sommes que nous avons dépensées, où nous les avons dépensées, avec qui, combien cette personne a dépensé….. Perpétuellement.
Evidemment toutes ces données sont stockées sur des serveurs. Toujours en expansion, toujours plus nombreux. Car le flux de données collectées grandit à des vitesses incroyables. Les chiffres sont vertigineux (90 % des données collectées l’ont été durant les deux dernières années).
Tout ceci à l’aube des objets connectés. Bientôt, vous pourrez monter dans une voiture et lui dire: « Marcel, ramènes moi à la maison, je suis bourré ». Géo localisée en permanence, cette voiture enregistrera sur un serveur qu’à telle heure, à tel endroit, vous avez demandé de rentrer à la maison. Dans le même temps, votre frigo connecté, après l’inventaire hebdomadaire de son contenu, établira la liste de courses de la semaine, l’enverra par mail au supermarché du coin qui chargera une voiture autonome qui viendra vous livrer demain. Votre compte bancaire sera automatiquement débité. Tous ces achats seront enregistrés sur serveur et prétendront coller à votre profil, à vos préférences. Votre chemise connectée (offerte par votre femme pour la saint-valentin grâce à une application de son smartphone qui lui a rappelé qu’on était bientôt le 14 février et que le magasin devant lequel elle était en train de passer faisait des soldes monstres), votre chemise connectée, donc, a détecté que vous aviez une légère carence en vitamine C et a demandé au frigo de rajouter »3 kilos d’oranges » sur la liste de courses. Votre maison, évidemment bardée de capteurs en tous genres, gèrera l’arrosage automatique et vous préviendra de l’état de mûrissement des tomates et des courgettes de votre potager, établira des statistiques comparatives par rapports aux mesures des légumes des années précédentes et, après analyse de la terre, rajoutera sur la liste des courses les produits nécessaires. Les volets s’ouvriront automatiquement quelques minutes après votre réveil et tandis que la maison analysera la courbe solaire du jour pour orienter les panneaux, le café commencera à couler alors même que vous presserez la poignée de la salle de bain….
Adieu les surprises. Adieu l’instinct. Tout sera prévu. L’enfer.
L’ensemble des choses connectées enverra des données dans le Big Data qui sera utilisé pour mettre au point des objets connectés. Sans cesse plus pointus, plus précis, plus personnalisés, plus intrusifs.
Et je ne parle même pas de l’avènement de l’Intelligence Artificielle et de la nouvelle génération de robots domestiques. Il faudra encore attendre un tout petit peu plus pour y assister. Mais vous qui lisez ceci, tremblez car vous y assisterez.
Au bout d’un certain temps, il ne sera plus humainement possible de vivre sans être connecté au réseau. Sans être le réseau. Il ne sera plus humainement possible de vivre tout court.
Tous à l’Eglise du Grand Cloud. Saint Network priez pour nous..
Il faut admettre qu’il y a aussi, au-delà du côté « pub-mercantile-nouvelle économie » du moment, des tas de côtés positifs dans le développement et l’utilisation du Big Data. Dans le domaine de la santé, de la conquête spatiale…. Mais il faut aussi admettre qu’on n’arrive à peine à imaginer ce que Google X (pour ne prendre que cet exemple) a dans ses cartons. Ce que j’en dis, moi, c’est qu’on n’est pas encore prêts pour le déluge de « révolutions » qui va nous tomber dessus. Et, croyez-le ou pas, ce sera avant longtemps. On ne peut même pas en dresser la liste. Je considère qu’on n’était déjà pas prêts pour internet et que la « Machine 3.0 » qui arrive aura toutes les compétences pour nous dérouter de notre essence humaine, pour nous asservir à nous-mêmes par le biais de cette dépendance technologique qui nous frappe de plein fouet alors qu’on en est qu’au début. Et au final, pour nous détruire. Le processus a déjà commencé.
Parce qu’on ne fait plus les choses pour s’en servir, on fait de plus en plus les choses seulement parce qu’on est capables de les faire.
Aujourd’hui, 2015, nous avons à peine commencé à déterrer le sommet d’une gigantesque pyramide des possibles technologiques. On met sans cesse au point de nouvelles matières (comme le graphène par exemple, autre révolution imminente). C’est déjà un retentissant changement qui s’amorce dans le monde alors que l’on effleure simplement le haut de l’édifice. Imaginez l’impact quand nous aurons fini de déterrer l’ensemble. D’aucuns se retourneront pour voir le Vieux Monde et souriront de satisfaction devant les « progrès » accomplis. Moi je me retournerai pour voir le Vieux Monde et entre deux larmes je me demanderai: « Mais qu’avons-nous fait ? ». Et je ferai encore demi tour et je me demanderai: »Mais quel monde de merde nous ont-ils concocté ? »
Google Earth aura bientôt filmé la surface entière de la planète. Nous sommes les témoins de la naissance du clone digital du monde IRL. Pourquoi sommes-nous en train de numériser le monde ? A quelles fins ? Le Big Data prétend prédire l’avenir (ce qui ne semble choquer personne, comme si c’était là la chose la plus naturelle qu’on puisse envisager) mais dans quel intérêt ? Comment allons-nous protéger nos enfants de ce rouleau compresseur, maintenant que le codage informatique est sur le point d’être enseigné dans les écoles primaires et que nos gamins sont de toute façon bien plus compétents que nous dans les domaines informatiques ? Ai-je raison de m’alarmer, moi qui ai vu grandir cette frénésie numérique à une vitesse exponentielle, de façon totalement incontrôlable, alors qu’au jour de ma naissance un ordinateur désignait une machine plutôt rare qui n’était pas capable d’effectuer à la seconde le millième des opérations dont est capable le portable sur lequel j’écris cet article ? Pourquoi est-il sans cesse question de galvauder, de grimer la réalité ? Comment pouvons-nous laisser faire ça et même participer à cette mascarade ? Comment allons-nous faire pour contrecarrer l’orientation de la pensée, aiguillée par les réseaux sociaux dont les concepteurs ont mis au point des algorithmes rompus aux penchants grégaires de la masse humaine ? Pourquoi, chaque semaine, 380 millions d’applications voient le jour ? Les frères Wachowsky étaient-ils visionnaires quand ils ont tourné « Matrix »? Quelle est la place de l’humain dans tout ça ?? Qui va gagner le championnat 2016 de curling en Australie ? Sommes-nous vraiment sous la coupe d’un complot mondial ? Où ai-je encore foutu mes clefs ? Suis-je paranoïaque ?
Oui, je suis sûrement paranoïaque. On en reparlera dans pas longtemps, disons une quinzaine d’années…. et vous m’offrirez une camisole (connectée).
Mais nous sommes aujourd’hui. Et qu’allez-vous faire aujourd’hui ?
Nous n’avons pas 23 options. J’en vois 2.
1. – Vous pouvez oublier cet article moyen et alarmiste, accepter le déluge technologique permanent et même vous vautrer dedans en déployant néanmoins tout un éventail de boucliers (obsolètes devant l’avancée perpétuelle des hackers et des espions, d’où qu’ils proviennent), conscient que vous êtes totalement largué dans le domaine de l’informatique (compte tenu de la vitesse à laquelle il se développe), que vous êtes scruté et analysé en temps réel et que ça ne fait que commencer puisqu’il va de soi que la moindre feuille de papier cul se verra, à terme, dotée d’une puce électronique et transférera des données pour nourrir le Big Data.
2. – Vous pouvez suivre le conseil suivant: éteignez cet ordinateur. Remplacez votre smart par un bon vieux 33/10 et lisez un livre »full paper made » (vous vous souvenez de ces objets ?). Ensuite faites de vrais cookies que vous partagerez en toute conscience avec de vrais humains avec qui vous pourrez parler de votre dernière lecture. Prenez soin de vos plants de tomate (ou de n’importe quelle autre végétal qui vous passionne), passez du temps avec vos voisins, vos parents, votre chéri(e). Vous pourrez même envisager de passer la nuit à faire l’amour avec cette personne au lieu de surfer jusqu’à 3 heures 37 du matin, temps perdu à jamais de façon stérile et au seul profit d’une obscure régie publicitaire qui n’attend que ça de vous. Et qui vous y encourage fortement (une des dernières versions de cet encouragement consistant, par exemple, à lâcher un peu de vos données contre des ristournes sur vos abonnements).
Allez, c’est totalement vain. Internet est devenu trop indispensable au fonctionnement du Monde. Ceux qui pensent le contraire sont des tarés arriérés (comme moi) qui ne rêvent que de cultiver des chèvres et de fumer des joints dans une Ardèche rurale utopique où rien n’est pollué. Mais je reste convaincu que personne n’arrêtera l’exploitation incontrôlée des données numériques. Les lois ne pourront rien contre des pirates toujours plus doués, toujours en avance et la protection des données, même si ceux qui y travaillent sont combatifs et sincères, n’est probablement rien d’autre qu’une des meilleures blagues du siècle. D’ailleurs les mecs qui bossent sur Memex n’en peuvent plus de rire.
Money first, pas vrai !?
Même si ça peut paraitre « cool », voire indispensablement « sexy » ou » swag » ou dieu seul sait quelle autre connerie d’expression à la mode, il faut garder à l’esprit que:
Fb n’est pas votre ami.
Twitter n’est pas votre ami.
Google n’est pas votre ami.
Amazon, Apple…..ne sont pas vos amis.
La liste n’est pas exhaustive.
L’important est de conserver ce lien que les humains entretiennent depuis le début. Un lien charnel, fruit de notre faculté à ressentir et réagir à des émotions. Sans le besoin impérieux de les expliquer, de les analyser, de les envoyer à l’autre bout du monde. Un regard, une caresse, un sourire, une poignée de main……
La liste n’est pas exhaustive.
Eteignez cet ordinateur.
Pour tout savoir du Big Data voir : le documentaire en plusieurs épisodes intitulé DO NOT TRACK.