Le « Billet dur » est devenu le rendez vous favori des amateurs de mauvais esprit, est-ce qu’il existe, selon vous, un concurrent potentiel dans la presse française qui arrive à écrire avec autant de liberté contre des personnalités publiques ?
Non, il n’y a pas d’équivalent, c’est pour cette raison d’ailleurs qu’il détone. Il y a sans doute des choses similaires sur des blogs, mais sa position à la proue d’un journal comme les Inrocks et sur le site lui donne une visibilité et une diffusion qui ne seraient pas les mêmes si j’écrivais ça dans mon coin. Je crois qu’il s’agit d’un format, la lettre, qui permet de de dire des choses de manière familière tout en offrant la possibilité d’une écriture un peu littéraire, parfois lyrique, et c’est ce mélange des genres assez abrupt et inattendu qui a fait que cette rubrique s’est distinguée. Après, il y a des gens comme Nicolas Bedos, Didier Porte ou Stéphane Guillon, plus connus que moi, qui se situent dans un registre assez proche du mien.
Quand vous écrivez « cette page est dévolue à la défouraille, à la crucifixion verbale des people ou des politiques qui ont l’art de nous briser les nerfs – voire les oreilles, voire plus » on a l’impression que c’est presque thérapeutique comme exercice, à la façon d’une boule anti-stress géante, n’est-ce pas ça finalement la solution pour remonter le moral du pays : chaque citoyen se doit d’écrire un « billet dur » de son choix ?
Je ne suis pas particulièrement stressé et je n’éprouve pas non plus un besoin irrépressible de m’énerver. Simplement, dans mes chroniques musicales auparavant j’avais déjà développé un style acide qui fonctionnait assez bien, puisqu’on me parlait essentiellement de ces papiers-là, et je me suis dit que je pouvais étendre ce mélange de mauvaise foi et de mauvaise humeur à d’autres domaines. Je ne sais pas si c’est une solution pour remonter le moral du pays mais c’en est une pour faire rire certaines personnes. Tout le monde aime dire du mal, j’ai déjeuné un jour à une table de Michel Drucker, il n’arrêtait pas de balancer sur tout le monde. Même Michel Drucker !
Si vous ne deviez justement retenir qu’une seule de vos lettres ?
Celle adressée à Dieudonné, parce qu’elle était utile à l’époque pour pointer les travers de ce personnage alors qu’on n’en parlait pas vraiment dans les médias. J’étais un peu en avance sur ce coup-là, comme quand j’ai fait Frigide Barjot avant qu’elle ne devienne une égérie des médias. Elle a d’ailleurs relayé le Billet sur son blog, je pense qu’involontairement j’ai servi à sa propagande. C’est le risque parfois.
Avez-vous déjà été attaqué pour diffamation ou autre par l’une de vos cibles ?
Jamais. Certains en ont fait la menace mais c’est toujours resté sans suite. Simplement parce que c’est une rubrique satirique, et les avocats savent bien que c’est quasiment impossible de gagner contre la satire, qui est par nature violente.
A force de n’embrasser publiquement personne, à qui avez vous envie de rouler une pelle ?
A vous. Et à Francis Heaulme.
A quoi ressemblent d’ailleurs vos lettres d’amour, peut-on imaginer après les « billets durs », les « billets d’amours » ?
Je fais un Billet doux deux fois par semaine chez Pascale Clark, sur France Inter, et désormais il y a des gens qui m’abordent pour me dire qu’ils m’écoutent à la radio alors qu’ils n’ont jamais lu un Billet dur. Il doivent me prendre pour un mec hyper sympa, eux. Elles, en fait, car ce sont en très grande majorité des femmes.
Est-ce que vous vous êtes déjà interdit de publier une formule ou un aphorisme un peu trop piquant ?
Oui ça arrive. Je m’autocensure en permanence parce que j’ai des limites que mon inconscient dépasse parfois. Alors je reviens en arrière. J’évite les trucs liés à la vie privée ou au physique. Sauf pour Eric Zemmour que j’ai traité de Tête de cul.
Pensez-vous qu’il existera une saison 3 de vos « billets durs » ?
Peut-être, si je continue la rubrique encore suffisamment longtemps pour la remplir. Mais je ne veux pas me cantonner à ça. Je fais en ce moment un livre sur la musique en France avec le dessinateur Charles Berberian et un documentaire sur le compositeur de musiques de films François de Roubaix, ce sont des projets qui m’excitent plus parce que je parle de ce que j’aime.
Et dernière question, peut-être la plus importante, pour répondre indirectement à vos détracteurs, comment commenteriez vous cette phrase de Nietzsche : « Les insectes piquent, non par méchanceté, mais parce que, eux aussi, veulent vivre ; il en est de même des critiques ; ils veulent notre sang et non pas notre douleur. »
Ah ah, excellent ce Fredo, je la ressortirai en prétendant que c’est de moi.