Certains succès publicitaires récents prouvent que, bien accordés, image et bande-son augmentent l’efficacité d’une campagne.
«La musique reste le parent pauvre de la synchro», se désole Fanny Dupé, responsable de la synchronisation chez Chrysalis. Côté maisons de disques et sociétés de production, ce sentiment domine toujours. «La musique devrait être traitée beaucoup plus en amont dans le processus créatif», renchérit Pierre-Marie Dru, producteur chez Pigalle Production.
Année de crise, 2009 n’a pas été des plus débridées: «On a pris de bons gros tubes pour se rassurer», souligne Stéphanie Giraud, fondatrice de Bonus Track. À souligner quand même, côté nostalgie, le choix judicieux (a posteriori) de BETC Euro RSCG pour la campagne du Loto, à savoir le mythique Don’t Stop Til You Get Enough de feu Michael Jackson. Quand la réalité a rejoint la synchro…
Certains ont tenté de sauver les meubles en surfant sur la reprise. Faire du neuf avec du vieux: le concept a fonctionné dans les parfums. On a ainsi entendu le célèbre Close To Me de The Cure (revu par Shina Daag) pour le parfum Scarlett de Cacharel, ou encore Come Wander With Me, de Bonnie Beecher, repris par la jeune Émilie Satt pour Love of Pink de Lacoste.
Dénicheurs de talents
Mais le vrai hit musico-publicitaire est à chercher du côté du «Roller Breakdance» des bébés Evian sur un rap de 1979, Rapper’s Delight, remixé par le producteur de hip-hop californien Dan The Automator.
De fait, en tendant bien l’oreille, on constate que 2009 a réservé de belles suprises côté bandes-son publicitaires, avec quelques tendances émergentes. Un trio de tête s’impose sans conteste: les campagnes Nokia Xpress 5800 avec les Naive New Beaters, Fanta avec les Ting Tings, et enfin Ebay avec Empire of The Sun ou Black Kids. À chaque fois de jeunes talents électro ou pop-folk. Des artistes souvent choisis au tout début de leur carrière, mais en passe de devenir très à la mode.
Cela fait déjà plusieurs années qu’Apple a montré l’intérêt du modèle. Les chanteuses Yael Naim ou Feist lui disent encore merci… D’autres succès, comme les bandes-son des publicités McDonald’s en 2008 (merci Christophe Caurret et Fabrice Brovelli chez BETC Euro RSCG), sont venus confirmer la règle.
«Lorsque la promotion du titre et la campagne publicitaire démarrent au même moment, cela a beaucoup de chances de fonctionner», explique Stéphanie Giraud, à l’origine de l’effet Cocoon. Les musiques de ce jeune groupe de Montpellier ont en effet séduit Volkswagen et Taillefine en 2008, puis Peugeot en 2009.
Certains jeunes talents sont remarqués avant même d’avoir un album dans les bacs. C’est le cas de Jil Is Lucky, dont le titre The Wanderer se retrouve en bande-son de la dernière campagne Kenzo Flower. Signé chez Roy Music, ce jeune groupe français a en réalité été repéré via la plate-forme de production musicale communautaire Buzz My Band (ex-No Major Musik).
Cette visibilité publicitaire accélère la notoriété, facilitant la sortie d’un futur album. En témoigne le groupe français The Chase, choisi pour illustrer des films Web de Van Cleef & Arpels. «The Chase a signé depuis chez une maison de disques, et leur album va sortir d’ici quatre à cinq mois», confie Stéphanie Giraud.
En pleine crise, la publicité offrirait donc à ces artistes un début de carrière que l’industrie du disque ne peut plus leur promettre. Cette nouvelle «love story» entre marques et jeunes talents n’est toutefois pas sans risque. «Le danger, c’est qu’ils deviennent uniquement des groupes de synchro», estime Fanny Dupé.
Envie de création
Il y a également eu de belles histoires en 2009 côté compositions originales. En tête de gondole: Nespresso. La bande-son de la montée au paradis de George Clooney a été composée par un artiste encore peu connu, Karma Leon. Elle a tellement plu à la marque qu’elle se décline aujourd’hui sur le site Nespresso What Else et sera bientôt en vente sur les plates-formes du type I-Tunes.
Une seconde vie et «un réel atout de communication pour la marque qui est, elle, perçue comme découvreuse de talents», détaille Pierre-Marie Dru, producteur du titre. Autre composition originale remarquée, la bande-son du spot Nissan Pixo avec le titre Go to be back home, composé par Tiery F et Salem Benjamin.
Signe que le marketing musical progresse, des artistes se mettent à composer pour les marques. La jeune Yelle a ainsi chanté pour Dove, mais ses paroles un peu mièvres ont déçu. Simone elle est bonne a quant à elle écrit une ode audacieuse au gazon pour Wilkinson. «Simone assume cette chanson, qui fait désormais partie du répertoire qu’elle chante sur scène», raconte Franck Botbol, directeur associé du studio média Arthur Schlovsky, à l’origine de l’opération.
Même envie de création chez Universal Mobile, où ce sont carrément les créatifs de l’agence Saatchi & Saatchi qui ont écrit une chanson, Jeunes et limités, avec l’aide du collectif de jeunes clippeurs The Mega Force. «À l’origine d’un projet comme celui-ci, il y a aussi une marque qui accepte de jouer le jeu de la création», souligne Clément Chovin, directeur général adjoint Saatchi & Saatchi.
Ces modèles gagnants ne sont pas forcément déclinables.La musique se méfie des modes… «Le clip, genre idéal pour séduire les jeunes, pourrait vite se périmer», prédit Julien Chesne, directeur artistique chez Saatchi & Saatchi. De la même manière, ajoute Pierre-Marie Dru, «vouloir à tout prix le dernier petit groupe pop-rock à la mode devient vite contre-productif pour les marques. D’autant que le répertoire musical est suffisamment vaste».
À chaque annonceur de trouver l’artiste à son diapason. Une chose est sûre: si elles veulent réellement laisser une empreinte musicale, les marques devront aller encore plus loin pour que les consommateurs suivent.
Source : Stratégies.