Il est loin le temps des contes de fées avec ses héros jeunes, beaux et intelligents. Il est loin le temps des esprits chevaleresques, courageux et courtois. Loin le temps où le héros faisait rêver, où tous pouvaient s’identifier. Dans un climat de doutes, d’incertitudes et de crises, les Losers parlent plus aux publics que les héros. Pour une raison simple, la vision manichéenne du monde n’est plus valable, le public a comprit que le bien ne triomphe pas sur le mal.
Important de souligner qu’il n’y aurait pas de Losers sans auditoire. Le Loser plait, il est en train de devenir si attachant qu’il est en passe de devenir séduisant.
Le Loser n’est peut être alors rien d’autre qu’un homme qui arrive à se laisser aller. A affronter la réalité sans honte. Ce personnage sans quête qui est en train de devenir héros malgré lui.
A quoi aujourd’hui reconnaît-on un Loser ? D’abord à son apparence, à sa condition physique (sa taille, son poids, etc) puis à sa condition psychologique. Le Loser peut être sans qualité, négatif, déceptif ou décalé mais jamais vraiment détesté.
Le cinéma, les séries TV, les jeux vidéo, Internet et la musique utilisent le Loser comme fond de commerce. Les exemples concernant juste ce début de XXIème siècle sont innombrables. Notons simplement les plus marquants.
Récemment au cinéma on a pu voir dans le rôle de l’antihéros Jack Sparrow dans Pirates des Caraïbes, Rinzler dansTron : L’Héritage, Danny Archer dans Blood Diamond ou encore Lester Burnham dans American Beauty.
Inspiré entre autre de Losers plus « anciens » comme The Dude dans The Big Lebowski, Alex dans Orange mécanique, Dawn Weiner dans Bienvenue dans l’âge ingrat ou Max Rockatansky dans Mad Max.
Dans les Série TV, plus contemporaine, c’est la même histoire. De Walter White dans Breaking Bad en passant par Hank Moody dans Californication, Lincoln Burrows dans Prison Break ou encore, David Brent dans The Office. Les héros sont des Losers malgré eux. Sans parler des ineffables antihéros que sont Tony Soprano, Larry David, Dr House ou Bart et Homer Simpson.
Concernant maintenant les jeux vidéo, la liste est aussi longue que pour les séries TV. Les plus connus sont Tommy Vercetti dans Grand Theft Auto: Vice City, Le Prince dans Prince of Persia : L’Âme du guerrier, Marcus Fenix dans Gears of War, Altaïr Ibn La-Ahad dans Assassin’s Creed.
Sur Internet, c’est le déferlement, l’apogée, le terrain de jeu du Loseur est maintenant sur le Web, c’est, ici, sa cour de récréation, son lieu de toutes les consécrations. La culture LOL ne serait elle pas en train de devenir la culture du Loser ? Pour le prouver 3 vidéos récupérées de mémoire qui totalisent à elles seules 111 000 000 de vues. Vous avez dis plus qu’un phénomène ?
Numa Numa Dance – Gary un jeune américain délire sur une chanson en playback chorégraphie sur la musique d’Ozone avec plus de 44 000 000.
Chris Croker « Leave Britney Alone », la vidéo qui l’a rendu célèbre avec plus 42 000 000 de vues sur Youtube
Ghyslain Raza, se filme en train de faire le Jedi avec un manche à balai, cette vidéo sera diffusée sur internet et Ghyslain sera vite surnommé Star Wars Kid au 24 000 000 de vues.
Dans la musique maintenant on pense au chant générationnel « Différent » d’Orelsan : « Là où j’vis on s’ennuie à mourir. Une bonne soirée c’est une soirée dont j’ai aucun souvenir. Anti-héros j’raconte mes aventures sur le net en vidéo. J’suis la version humaine de Calimero. »
Dans la même veine, le titre « Beautiful Losers » d’Hocus Pocus : « J’ai la pupille carrée, les yeux injectés de sang. A force de fixer l’écran dans l’écran. Je rentre dans les rangs, lentement, sans élan, Égarant mon temps dans l’errance, plan sur plan ».
Serge Gainsbourg aussi chantait en bon visionnaire, « le masque tombe, l’homme reste, et le héros s’évanouit. »
La littérature reste la source d’inspiration originelle pour chacune des créations que l’on vient de citer. La preuve en listing. Tyler Durden dans Fight Club, Mark Renton dans Trainspotting, Raoul Duke dans Las Vegas Parano, Humbert Humbert dans Lolita, Jay Gatsby dans Gatsby le Magnifique. Sans oublier bien sur les inoubliables Holden Caulfield dans L’Attrape-cœurs et Raskolnikov dans Crime et Châtiment.
Même en politique le Loser est en train de prendre le pas sur le héros. Le NouvelObs titre « Hollande, un anti-héros qui doit rassembler pour défier Sarkozy ». Puis le journal de Zurich, Tages-Anzeiger, titre c’est « l’ascension d’un anti-héros ». De là à en tirer des conclusions…
Le Loseur est donc le nouveau catalyseur des frustrations de la société moderne. Le nouveau rebelle, c’est bien lui. Face à la religion, à la famille ou au travail, il étouffe. Son héroïsme est de reconnaitre ses défauts, ses failles, ses imperfections. On pourrait le penser par simplification cupide, névrosé, antipathique, amoral, opportuniste et calculateur mais l’affaire est bien plus subtile puisque ces anti-héros modernes attirent de plus en plus empathie et sympathie. Le loser, héros de demain ?