RICARD BURTON : Il n’est évidemment pas simple pour moi de recevoir quelqu’un que je ne respecte dans aucun compartiment artistique qu’il a pu ouvrir. Mais en me forçant un peu, je vais bien pouvoir vous vomir quelques questions. Qui intéressez-vous réellement à part Agnès b. ?
DAVID LYNCH : Elle est un mécène formidable. Elle fédère les auteurs américains qu’elle aime. Moi, Jarmusch, Larry Clark. J’ai tout de suite accepté sa contribution financière si elle ne me forçait pas à porter ses vêtements faits pour tapettes rentières.
RICARD BURTON : Vous défendez une esthétique, une approche narrative symptomatiques des artistes qui ne savent pas faire un film normalement. Vous distordez la réalité parce qu’elle vous dépasse, vous ne savez pas quoi en faire. Vous êtes un vendeur d’élixir frelaté.
DAVID LYNCH : Vous avez raison, je ne sais pas faire de films dits normaux alors je m’en sors comme je peux et lorsque je ne maîtrise plus mon sujet, je mène mon histoire dans des méandres complexes pour perdre le spectateur et lui faire oublier que je ne contrôle plus aucune manette de mon histoire. Mais aussi pour me foutre un peu de sa gueule.
RICARD BURTON : Comment expliquez-vous, malgré tout que des starlettes se bousculent aux portillons pour jouer dans vos films ?
DAVID LYNCH : Vous avez tout à fait raison mon petit Bailey’s au réglisse. Des starlettes. Isabella Rosellini commençait déjà à nourrir sa culotte de cheval, Hopper personne n’en voulait plus. Cage était connu pour être le neveu de Coppola et les deux de Mullholland vivaient dans leur voiture avant que je ne les engage. Je n’ai droit qu’à des acteurs de direct to DVD. Je m’en contente, je les modèle et ensuite, advienne que pourra.
RICARD BURTON : Tout comme Woody Allen, dans un tout autre registre, les gens en France, à Paris, à Odéon en particulier, semblent apprécier vos films dès le générique, avant même qu’ils ne sortent. Qu’est ce qui différencie un fan crétin disons, de la saga du Seigneur des Anneaux d’un fan crétin de votre œuvre ?
DAVID LYNCH : Je donne de la consistance aux gens. Grâce à moi, certains peuvent se sentir cinéphiles, croire qu’ils dépassent d’autres car ils disent ressentir, comprendre mes propositions de cinéma. Ils commencent à inventer des choses que je n’ai jamais voulu dire et ils s’en gargarisent. Ils en font des livres torche-cul, des thèses. Ils se permettent d’interpréter sans la moindre pertinence, vont chercher des références dans leurs cultures rachitiques. Je les déteste en vérité et les entendre débattre sur l’inverse de mes idées est tout bonnement scandaleux et me donne envie de les finir à coups de coudes. Heureusement la méditation transcendantale est arrivée dans ma vie.
RICARD BURTON : Vous estimez-vous être comme un accident artistique ?
DAVID LYNCH : Très dear Ricard, franchement, puisque votre espace est celui de la liberté de parole, je dois avouer que oui. Eraserhaed c’est l’histoire d’une caméra que j’ai laissée tourner pendant que je me faisais tripoter les pieds par un pédicure thaïlandais. L’art c’est de la chance. Allez pas chercher plus loin Ricard. Le reste c’est du montage médiatique que l’on vous vend comme un St Honoré trop écoeurant.
RICARD BURTON : Pour terminer, pouvez-vous nous raconter en transpirant, en clignotant des cheveux, en faisant sortir de la fumée de votre poitrail, en chantonnant une musique menaçante avec vos nasaux et en terminant par une crise de tétanie ce que vous avez déjeuné ce matin ?
DAVID LYNCH : Vous voyez mon ami à la couleur pneu, vous venez de lynchéiser votre perception de la réalité. Peut-être pourriez-vous prétendre à diriger une MJC dans le 20ème, c’est bien là-bas que vit une majorité des culs-terreux croyant connaître mon œuvre pas plus épaisse que le CV d’un chômeur, n’est ce pas ?
* interview réalisée avec David Lynche moi de toutes tes pensées impures et flagelle moi avec tes mots durs comme de la pierre