RICARD BURTON: Christine Angot merci d’être venue nous raconter la teneur de votre prochain roman. Pour alors ce titre l’Anusale ?
CHRISTINE ANGOT: Je voudrais tout d’abord revenir sur le procès du Dr Maure et lui apporter mon soutien. Rater un livre, rater un gâteau, rater un créneau, vous savez, cela arrive. Alors pourquoi lui tomber dessus s’il a raté quelques unes de ses patientes ? Il faut être congruent dans la vie et je crois que la société devrait remercier le Dr Maure au lieu d’en faire une tête de turc. Je suis passé entre ses mains il y a deux ans. Cela a été le point de départ de mon nouveau livre. Je me suis rendue compte juste avant l’opération que j’étais vaginale. Alors qu’est ce que j’ai fait ? une fête avec mes cent-vingt plus proches amis et nous avons dit au revoir à mon anus. Tout le monde l’a pris dans ses bras, lui a fait les baisers nécessaires afin qu’il parte tranquille. Le lendemain, j’étais dans la charcuterie du Docteur et je me suis faite greffer un deuxième vagin, celui de ma mère. Lorsque je lui avais parlé de ce projet et de ma difficulté à accepter la greffe du sexe d’une inconnue, très vite, très gentiment, elle s’est proposée. Nous avons fait un échange. Son sexe ne lui servait plus… et comme elle s’ennuyait à cent sous de l’heure, elle s’est dit qu’elle préférait passer deux fois plus de temps aux toilettes à déféquer. Ca la changerait de France 3 toute la journée. Voilà donc pourquoi j’ai appelé mon nouveau livre Anusale comme vaginale, parce que le terme sodomie me paraît extrêmement grossier. Ce livre sera donc écrit à quatre mains avec ma chère maman. Je parlerai des joies d’avoir deux sexes et ma mère deux anus.
RICARD BURTON: Vous ne parlerez donc que de vous deux ?
CHRISTINE ANGOT: Nous je parle aussi évidemment de la tentative de Bayrou de vouloir coucher avec moi. Je parle de mon histoire avec Doc Gynéco. J’ai d’ailleurs eu du mal à pouvoir dire la vérité sur lui. Plusieurs des chapitres qui lui étaient consacré ont disparus. Au début je mettais cela sur le compte de la bière mais j’ai vite compris que les services secrets étaient de la partie. Il est devenu très dangereux d’écrire aujourd’hui sur mon ex. Je n’ai pas été tendre avec lui, je le reconnais. Il est con, violent. Il m’a cassé quatre molaires, fait quelques bleus. Au début je trouvais ça plutôt drôle, cela donnait du piquant à ma vie et une base solide pour un roman. J’ai trouvé ça nettement moins drôle lorsqu’il s’est mis à en taper une autre. La jalousie fait des ravages. Même si je risque ma vie en vous parlant de lui, je n’ai pas peur de dire qu’il a un sexe de la forme d’un melon. Demain je serai peut-être morte pour avoir oser dire ceci mais je crois qu’il faut prendre ses responsabilités et dire ce que nous pensons.
RICARD BURTON: Pour revenir sur cette opération, qu’est ce que cela a changé dans votre vie ?
CHRISTINE ANGOT: C’est simple et évident, ce que je ne dépense plus en papier hygiénique, je le dépense en autre chose. Cela ne change pas grand chose d’autre. J’ai eu de nouvelles propositions, de nouvelles personnes qui se sont intéressées à moi.
RICARD BURTON: On sait que vous êtes une écorchée vive, qu’est ce qui vous fait réagir encore ? Qu’est ce qui vous irrite ?
CHRISTINE ANGOT: Essentiellement les autres, ceux qui se prétendent écrivains. Ceux qui pensent avoir la légitimité d’écrire, les vedettes du petit écran qui se mettent à faire des livres, qui nous parlent de leur homosexualité. Qu’est ce que nous en avons à foutre de leur déviance ? Les gens qui les éditent m’irritent tout autant. J’ai dit à mon éditeur d’aller se faire foutre. Je ne chercherai plus à être éditer. Je ferai des lectures chaque mercredi à mon domicile. Il y a Facebook aussi qui m’irrite. Tous ces gens incapables d’avoir une vie et qui se réfugient dans cette énorme communauté ridicule où le sexe est proscrit. Tous ces gens qui foutent des petites phrases devant leur photo pour prouver au reste du monde qu’ils sont drôles, inspirés, au fait de l’actualité, qu’ils sont anarchistes, artistes, écrivains. Facebook m’a permis de me rendre compte que le monde est bourré d’artistes ratés. Les pauvres, je les plains à chaque fois que je ferme les yeux, ils me donnent le vertige, celui de la mort.
RICARD BURTON: Pourquoi avoir choisi de sortir quelques pages de votre roman dans Le Figaro à la rentrée ?
CHRISTINE ANGOT: Parce que j’estime que c’est le seul quotidien qui reste concentrer sur sa ligne. Tous les autres font volte-face, se réclament de d’un tel ou un autre. Par exemple ce faux cul de Laurent Joffrin est un type tout bonnement insupportable. Pour moi il incarne la défaite de la gauche. En plus, il est né à Vincennes, ce qui n’arrange rien, j’ai une haine excessivement prononcée pour cette banlieue suicidaire. Le Monde, que dire de ce naufrage… ne restait que Le Figaro qui, malgré la conjoncture, ne fait qu’afficher les classements des acteurs les plus riches, des chanteurs les mieux payés, des groupes ayant attirés le plus de gens à leurs concertes, des fortunes les plus rapides. Ce quotidien est en avance sur tous les autres, c’est un journal d’analyses et de chiffres. Il me semblait alors très juste de leur faire profiter de ma plume. En plus j’adore Monsieur Dassault, c’est un homme charmant. Bien qu’il vienne d’une famille fortunée, il connaît la souffrance. Je me verrais bien finir mes jours avec lui et je suis certaine que lorsqu’il connaîtra ma particularité, il lourdera sa vieille.
*Interview réalisée avec la fausse Christine