Pourquoi lui ?
Un roman parle toujours de son époque. Et celui-ci palabre, ne se tait pas, pris d’une logorrhée, en un mot : il balance.
L’histoire ? Deux personnages dotés, soudainement, de la capacité de lire dans les pensées. Leurs noms ? Snowe et Denny. Snowe Denny. Snowden. Oui, le livre nous parle directement d’Edward Snowden, l’informaticien de la CIA qui a révélé les écoutes américaines. Dans le roman, Snowe est flic, alors que Denny est un condamné à mort. Deux antinomies. L’ange et le diable, assis chacun sur une épaule d’Edward Snowden.
Et alors, direz-vous, quelle est la morale du livre ? Difficile à dire. Il y en aurait plusieurs. D’abord, que tout écouter exclut de la société et mène à la mort. Que ceux qui écoutent sont utilisés, puis éliminés. Et enfin, que tout entendre n’aide ni à draguer et ni à faire l’amour, au contraire.
Si, on oubliait, une dernière conclusion : le savoir effondre la hiérarchie. Impossible de respecter un chef quand ses pensées révèlent ses pensées. Humaines, trop humaines.
Le savoir amène à une société horizontale. Et ça, c’est excitant.
Où le lire ?
Caché. Une feuille d’aluminium sur la tête. La carte SIM de son téléphone passée au micro-onde.
Incipit.
Si on lui avait demandé quand exactement tout avait commencé, Snowe aurait dit que c’était au moment où il avait frappé le toxico devant la pharmacie DaVinci.
Le passage à retenir par cœur ?
Pour la première fois depuis qu’il était télépathe, Snowe se trouvait en présence de quelqu’un qui dormait, et il constata que l’esprit de Denny était au repos. il regretta la paix et la tranquillité d’une vie normale où il n’entendait rien des pensées des autres. Quelques images du rêve de Denny flottèrent, une cour devant une maison, une voiture bleue déglinguée dans un paysage plat, mais elles étaient douces et muettes, rien de dur ni d’urgent, comme chez une personne éveillée. Ça lui plaisait. Il existait peut-être un moyen de travailler avec des dormeurs. Dans un centre de recherches sur le sommeil ? À la réflexion, il n’y avait pas beaucoup d’emplois où les collaborateurs dormaient. À moins de trouver un remède à son état, il finirait probablement isolé dans les bois en attendant de se faire dévorer par un ours. Et de l’entendre penser qu’il était goûteux.
À qui l’offrir ?
À Barack Obama.
Ils savent tout de vous, Iain Levison, éd. Liana Levi, 232 p., 18 €