La fête ratée de Saint Laurent Productions pour Jim Jarmusch, symptôme des déboires de Kering
Le Festival de Cannes 2025 a été marqué par un fiasco retentissant pour Saint Laurent Productions, une filiale du groupe Kering.
Pourquoi lui ?
Parce qu’un alphabet loufoque et très personnel où l’auteur convoque animaux, philosophes et célébrités déglinguées est forcement objet de curiosité.
Parce que c’est un livre cruel, terriblement inventif et parfois même super-comique.
Et puis parce qu’il y a un an nous nous entretenions avec François Bégaudeau qui nous disait : « Comme j’entends n’importe quoi sur mon compte, la façon la plus rigolote de survivre est de produire mon propre n’importe quoi. J’aime bien m’amuser. »
Pour preuve, regardez sa folle vidéo de promo auto-produite…
Où le lire ?
Sur un banc, dans un zoo.
Le passage à retenir par cœur ?
« Un garçon du sixième arrondissement et un de Drancy sortent à 5h45 d’une boîte de nuit des Champs-Elysées. Configuration crédible : le samedi soir le banlieusard aime bien jouer au riche. Suivons-les.
Le premier attend trois minutes un taxi appelé par le numéro vert refilé par son père journaliste à LCI ; le second marche vingt-sept minutes jusqu’à la station Châtelet-Les Halles puis attend une demi-heure le premier RER. Sur cette séquence, le taux d’exposition au froid du banlieusard est dix fois supérieur à celui du Parisien intra muros. Les deux degrés Celsius, il les sent passer, ainsi que les gouttes d’une pluie fine mais insidieuse. Par la suite, le corps du prolo est le foyer d’un système complexe d’échanges entre lui et l’environnement matériel – banc métallique glacial du quai, ressort de la banquette du train, courant d’air à travers un hublot cassé, agitation plus ou moins agressive d’une bande de fêtards d’Aulnay-sous-Bois. Tandis que notre ami riche aura à peine essuyé les infos du matin sur RMC, à peine deux commentaires creux du chauffeur.
Passons sur les distances contrastées qui séparent d’un côté la gare de Drancy et l’immeuble de Mounir, de l’autre taxi et la porte cochère du 167 rue de Vaugirard que Baptiste a poussée sans efforts démesurés. Passons sur les baskets un peu crottées du banlieusard au moment où il les essuie sur son paillasson. Pénétrons plutôt les appartements respectifs. Dans le deux-pièces de l’un, encastrée au bout du couloir du quatrième étage, la densité d’odeurs et de sons est en moyenne trois fois supérieure à celle calculée chez l’autre – dont la chambre isolée donne sur une cour intérieure feutrée de pelouse entretenue par un jardinier philippin, loin des bruits de rue et des avions de Roissy que Mounir compte pour s’endormir.
Il est vrai que Mounir est sorti de l’école en troisième, et Baptiste major de Polytechnique. Il fallait réfléchir avant, Mounir. »
A qui l’offrir ?
A chaque membre du nouveau gouvernement socialiste.
D’âne à zèbre, par François Bégaudeau, Grasset, collection «Vingt-Six», 252 p., 18 euros
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