Le collectif d’artistes Brandalism a détourné avec beaucoup d’intelligence des affiches publicitaires qu’ils ont exposées sur des abribus à Londres et à Manchester. Et la prise de conscience fut immédiate. Leur idée ? Interpeller les dirigeants et créatifs d’agences de publicité. Avec des messages tels que : « Vous travaillez pour TBWA ? Vous créez le désir. Vous avez du pouvoir et une responsabilité morale. Nous aimerions échanger avec vous. »
Robert Marcuse, l’un des membres de Brandalism, a d’ailleurs expliqué que « l’industrie publicitaire a un impact profond sur nos valeurs et les choses qui nous paraissent importantes dans la vie. Les compétences de milliers de créatifs sont nécessaires, non pas pour nous vendre toujours plus de produits, mais pour surmonter les multiples crises sociales que nous connaissons aujourd’hui, comme le changement climatique, les inégalités sociales, la pauvreté… Nous aimerions ainsi commencer à échanger avec les publicitaires, pour que l’industrie publicitaire ne pousse pas exclusivement à la consommation de masse… »
Un nouveau mouvement anti-pub est donc en marche, et une question nous vient à l’esprit, pourquoi les français sont-ils si timides, pour ne pas dire peureux, à réagir face à ce nouvel appel anglo-saxon ?
En France on a pourtant pour habitude démocratique d’attaquer tous les hommes d’État. On dérange des députés ou des sénateurs parce qu’ils gagnent un peu plus de 6000€/mois mais personne ne s’intéresse jamais à une industrie financièrement décadente, comme la publicité. Encore une fois, on va faire le sale boulot. Même si on a été obligés d’effacer les noms des dirigeants et des agences mentionnées ci-dessous (ils ont des cabinets d’avocats puissants et la menace facile, on n’a pas envie non plus de glisser de scooter). Déjà qu’on ne peut plus critiquer objectivement les groupes LVMH, KERING ou RICHEMONT puisqu’avec l’importance de leur achat d’espace média ils payent indirectement le silence. Puisque si LVMH coupe ses investissements publicitaires à un magazine, le magazine meurt. Les journalistes se retrouvent donc au chômage. Autant alors ne rien tenter, c’est plus sûr…
Par exemple, personne n’en parle jamais mais tout le monde sait que certaines grandes agences ont des « arrangements » avec certaines sociétés de production. Pensiez-vous vraiment que les compétitions étaient honnêtes ? Si oui, vous vous trompiez. Dans ce métier, et à Paris particulièrement, il faut faire ce qu’ils appellent tous de la « politique ». Autrement dit, savoir rincer élégamment ceux qui distribuent les budgets. Et comme dans n’importe quelle industrie commerciale ce sont toujours les plus riches (et non les plus créatifs) qui gagnent. Mais pour combien de temps encore ?
A l’heure où la nouvelle génération de créatifs refuse de plus en plus l’aide des majors publicitaires ou télévisuelles pour financer leurs projets, simplement parce qu’ils ne veulent pas être censurés, on est en droit d’espérer un changement majeur dans les années à venir. Parce que, la liberté à Paris en ce moment a un prix.
Il ne faut donc surtout pas se fier aux discours propagandistes des différents patrons d’agences de pub. Même (et surtout) s’ils essayent de jouer aux jeunes DJ branchés, avec des t-shirts d’adolescents, des jeans slim en glissant partout l’expression magique des nouveaux illettrés : C’EST POP. Ils ont de quoi s’acheter des kilos de cocaïne mais sont incapables dans le même temps de s’offrir des cours du soir pour rattraper leurs lacunes culturelles. Ils sont hautains, condescendants et très souvent extrêmement vulgaires. Ils pensent bien évidemment toujours le contraire d’eux-mêmes. Ils se croient essentiels au monde de la création. Vendre des yaourts, de la lessive ou de l’eau sucrée revient à leur yeux à être des demi-dieux. Rien de bien grave pensez-vous ? Et bien si, ils sont responsables de ce que nous appelons ici le RÉCHAUFFEMENT CULTUREL.
Il y a par exemple un cas d’école flagrant. Prenons le cas d’une grande agence parisienne soit disant indépendante, qui passent leur temps à se vendre comme des experts du digital, et qui en réalité, achète uniquement des contenus sponsorisés pour gonfler de « like » leur ego en mal de sensation. Ce genre d’absurdité numérique ne choque même plus. De la même façon qu’aucun de leurs clients ne se questionne sur la véracité de ce qu’ils achètent comme conseils.
Alors une dernière question se pose. Comment peut-on confier son budget de communication à des publicitaires qui ne savent même plus communiquer sur leur propre marque ? Et qui doivent sans cesse s’acheter des gestes d’amour pour s’assurer qu’ils sont encore aimés. L’idée bien sûr étant de faire croire à leurs clients qu’ils sont incontournables. Mais franchement qui est encore dupe ? Le directeur marketing de Lotus Confort ou celui des déodorants Air Wick ? La question méritait d’être posée.