Scénario d’exception : une démocratie sous tension
Le 5 mars 2025, Emmanuel Macron s’adressait aux Français, alertant sur une éventuelle escalade du conflit ukrainien et sur la menace que ferait peser une guerre mondiale. Une question, longtemps cantonnée à la fiction politique, surgit aujourd’hui avec acuité : en cas de guerre impliquant la France, le président pourrait-il voir son mandat prolongé au-delà de 2027 ?
La Constitution face aux situations extrêmes
Loin des régimes ordinaires, la Constitution française prévoit des dispositifs permettant de suspendre le cours normal des institutions en période de crise. Trois articles principaux pourraient permettre au président de rester en fonction au-delà de son mandat initial :
1. La loi de 1955 : un état d’urgence adaptable
Instaurée pour faire face aux insurrections en Algérie, la loi 55-385 du 3 avril 1955 permet au gouvernement d’adopter des mesures d’exception pour rétablir l’ordre en cas de troubles graves à l’ordre public. Utilisée lors des attentats de 2015, elle reste un outil puissant mais temporaire. En revanche, elle ne permet pas de prolonger directement un mandat présidentiel.
2. L’article 36 : l’état de siège, une option militaire
L’article 36 de la Constitution introduit la notion d’état de siège en cas de guerre ou d’insurrection armée. Il transfère alors les pouvoirs de police des autorités civiles aux militaires, et les libertés publiques peuvent être drastiquement restreintes. Toutefois, même dans ce cadre, la Constitution précise que la tenue de l’élection présidentielle reste obligatoire, sauf si la guerre compromet la « régularité du scrutin ».
3. L’article 16 : les pleins pouvoirs du président
L’article 16 est la véritable « arme absolue » constitutionnelle. Il permet au président de concentrer tous les pouvoirs en cas de menace grave et imminente sur la Nation. C’est le général de Gaulle qui l’a utilisé en 1961, face à la crise algérienne.
Son mécanisme est le suivant :
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Le président consulte le Premier ministre, les présidents des assemblées et le Conseil constitutionnel.
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Il informe officiellement la Nation.
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Il peut gouverner par ordonnances, en contournant le Parlement.
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Ce régime dure jusqu’à un « retour à l’ordre normal ».
Si une guerre mondiale éclatait, les conditions pour l’application de l’article 16 pourraient être réunies, permettant ainsi à Emmanuel Macron de prolonger son règne sans avoir besoin de réélection.
Un scénario plausible ou une fiction politique ?
Bien que les textes prévoient des mesures pour garantir la continuité de l’État, leur application reste délicate. L’article 16, par exemple, peut être contesté par le Parlement après 30 jours, puis par le Conseil constitutionnel après 60 jours. Or, en période de guerre, ces contre-pouvoirs pourraient être paralysés.
Autre point clé : la volonté politique. La prolongation du mandat d’Emmanuel Macron supposerait un climat de crise extrême, avec une justification indiscutable. Dès lors, la question qui se pose n’est plus tant juridique que politique : la population accepterait-elle de voir la démocratie s’effacer au nom de la sécurité nationale ?
Dans un monde où les conflits se numérisent, où la peur est un levier de gouvernance, la question du maintien prolongé du pouvoir ne relève plus seulement de la Constitution. Elle touche au cœur même de la légitimité démocratique. Reste à savoir si l’Histoire nous répétera, encore une fois, que les crises forgent les régimes d’exception.