Ce projet de couverture du VOGUE Lagos est un exemple de la philosophie et plus largement de la technique utilisée par Steve Oklyn de journalisme prédictif. Avant cette couverture il y a eu un travail de référence sous le nom de « Beyond 2014 … BEYOND Vogue ». C’était une œuvre d’anticipation de ce qu’il allait se passer dans le monde de la mode jusqu’en 2023. Il est important de souligner que ce travail a été publié le 18 septembre 2013. Il y a plus de 5 ans. Voici un exemple de ce que nous avions édité :
« J’écris ces lignes depuis ma chambre d’hôtel à Lagos, au Nigéria. Je loge au Soho House de Lagos. Je suis ici pour la fashion week de Lagos. Le lieu appartient à Jay-Z et Pharrell et géré par Roc Nation Media. À noter que la plupart des grandes marques ont abandonné Paris pour venir défiler à Lagos, en raison de la détérioration démographique de la capitale française.
Alors que la jeunesse de Lagos soutient le marché des créateurs de mode. Vogue Lagos est désormais considéré comme l’édition la plus influente des 28 versions nationales de Vogue. Le numéro le plus influent n’est plus le numéro de septembre américain, mais celui de septembre de l’édition de Lagos.
En fait, Vogue Lagos a plus de rendement publicitaire que de toutes les autres éditions. Il a de meilleures ventes et plus d’influence à travers ses modèles en couverture. Le rédacteur en chef de Vogue Lagos est Edward Enninful. Son directeur créatif est Jenke-Ahmed Tailly. Le responsable culture, Shala Monroque. Roc Nation Fashion possède Vogue Lagos en partenariat avec Conde Nast International. Willow Smith est en couverture du numéro de septembre 2023. »
Rappelez-vous que ce que nous étudions et développons ici est l’histoire concernant le journalisme prédictif.
Février 2019 a été pour nous le moment de visualiser la prédiction originale de 2013. Février est également le Mois de l’histoire des « Noirs Américains ». Ce qui a ici une importance de première ordre.
Expliquons maintenant le titre NOIRWAVE présent sur la couverture. Pour faire simple, NOIRWAVE est le premier mouvement punk d’Afrique. Au départ, c’était une pratique artistique du musicien de 28 ans Petite Noir (alias Yannick Ilunga – et sa co-collaboratrice et épouse, Rochelle « RhaRha » Nembhard) qui est rapidement devenu un état d’esprit. C’était une manière d’exprimer l’identité puissante mais fragmentée de la diaspora africaine d’aujourd’hui.
C’est d’une certaine façon la réaction d’une nouvelle génération face à un climat angoissant et xénophobe. Pour vous donner un seul exemple, en 1989, il y avait 15 frontières dans le monde, il y en a maintenant 77 et ce n’est qu’un début. Il s’agit aujourd’hui de transformer l’expérience des réfugiés en une chose que les Africains peuvent célébrer plutôt que mépriser. L’idée étant d’être sans limites et intemporel.
NOIRWAVE, c’est un peu une Afrique sans frontières, un idéal utopique et sans limites du mouvement. A savoir maintenant si la philosophie NOIRWAVE peut s’appliquer en dehors de l’Afrique ?
Rochelle «RhaRha» Nembhard a déclaré a ce sujet : « C’est une vague noire, mais pour tout le monde, car le noir est infini. C’est la source, c’est d’où tout vient. Et il s’agit d’utiliser cet espace infini pour mener votre vie. » Les adeptes du mouvement NOIRWAVE reconnaissent la créativité comme un catalyseur de changement transcendant.
Le mouvement né à un moment crucial de l’histoire du monde. Entre le Brexit, Trump, les Gilets Jaunes, la montée des nationalismes partout en Europe, beaucoup sont inquiets du changement global de politique anti-immigration. Comme le dit Nembhard : « La bête est en train de s’éveiller ». Et tout comme le punk rock dans les années 1970 qui a craché sur la politique ultra-libéral, NOIRWAVE tourne le dos au statu quo actuel de l’isolationnisme. « Nous venions tous les deux de milieux très divers et nous nous sentions tous comme si nous n’appartenions à rien », dit elle. « Noirwave est devenu un état d’esprit; sans frontières en termes de musique et sans frontières en termes de ce que signifie avoir une identité africaine. La maison est un lieu global – c’est l’univers. »
Mais revenons à notre couverture prédictive. Vous avez remarqué que nous avons délibérément omis d’inscrire le nom de Virgil Abloh. Il n’y a d’ailleurs aucun nom présenté sur la couverture. Alors que nous avons mis en lumière dans ce numéro d’autres personnalités pour illustrer dans le réel le mouvement NOIRWAVE. Il y a le polymathe du 21ème siècle Virgil Abloh, la mannequin et activiste Adwoa Aboah, la fashion designer Grace Wales Bonner et l’architecte Francis Kéré.
Ce dernier est né en 1965 à Gando, au Burkina Faso, et a étudié à l’Université technique de Berlin. Parallèlement à ses études, il a créé la Fondation Kéré et, en 2005, il a fondé Kéré Architecture. Sa pratique architecturale a été reconnue aux niveaux national et international. Kéré a entrepris des projets dans divers pays, notamment au Burkina Faso, au Mali, en Allemagne et en Suisse. En 2017, la Serpentine Gallery lui a confié la conception du pavillon Serpentine à Londres. Kéré continue de réinvestir ses connaissances au Burkina Faso et dans d’autres sites répartis sur quatre continents. Il a développé des stratégies de construction innovantes associant des techniques et des matériaux de construction traditionnels à des méthodes d’ingénierie modernes. Il représente clairement le mouvement NOIRWAVE.
Il y a aussi la modèle et activiste Adwoa Aboah. Elle est née à Westminster, à Londres, en Angleterre. Ses parents sont Charles Aboah et Camilla Lowther. La famille Lowther, dirigée par le comte de Lonsdale, fait partie de la noblesse britannique. L’arrière-grand-père maternel d’Aboah était Anthony Lowther, vicomte Lowther . Son père est né et a grandi au Ghana et a émigré en Angleterre. Elle est déjà apparue sur la couverture du British Vogue. Elle a également fait la couverture de Vogue américain, du Vogue Italie et du Vogue Pologne, il était impossible de ne pas l’intégrer dans le premier numéro de Vogue Lagos. En 2017, l’industrie de la mode l’a élue Modèle de l’année pour models.com.
Il nous manquait plus que le fashion designer. Steve Oklyn a immédiatement pensé à Wales Bonner. Elle qui explore une notion distinctive du luxe via une combinaison hybride d’approches européennes et africaines. Grace Wales Bonner a obtenu son diplôme de Central St. Martins en 2014. L’année suivante, Wales Bonner a été récompensée par le prix Emerging Menswear Designer ‘aux British Fashion Awards. Peu de temps après, en 2016, elle a reçu le LVMH Young Designer Prize. Obtenant une large reconnaissance, Wales Bonner a été présentée à la Serpentine Gallery et au Victoria and Albert Museum, tout en donnant des conférences à Parsons à New York.
Nous avons évidemment produit cela évidemment sans les équipes de Condé Nast ce qui ne cesse de les rendre complétement fous. Comment une si petite équipe produit plus vite que nous et surtout de façon plus pertinente. C’est notre manière douce et créative pour vous expliquer que vous êtes hors de propos. Votre logiciel est resté bloqué sur la fin du 20ème siècle. Nous sommes au 21ème siècle, il serait peut-être temps de sortir du passé et d’entrouvrir la porte du 22ème, non ?
Nous ne voulons plus de propagande sponsorisée par les conglomérats de mode, nous voulons du journalisme prédictif.