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Josua Hoffalt

Josua Hoffalt

De la danse, on nous en met à toutes les sauces. Ciné, pub, photo… Mais certains has-been la pratique encore sur une scène d’opéra. C’est le cas de Josua Hoffalt, étoile du Ballet de l’Opéra national de Paris, membre de 3ème étage , alliant le classicisme français à la modernité. Paradoxe d’autant plus intéressant qu’il fait parti du conseil d’administration de l’opéra.
Représentant d’un art que les néophytes regardent comme extra-terrestre, luttant contre la gravité terrestre, la lourdeur de nos corps, représentants du sur-homme nietzschéen dans nos inconscients,  une sorte de perfection quasi angélique.

Tout d’abord, la question que chacun se pose, je pense, en regardant un danseur étoile évoluer : que ressent-on en dansant ? Est-ce juste une concentration, un travail ? Ou y a-t-il une libération, une forme de transcendance ?
Cela dépend du moment, de ce que l’on danse, de la présence de narration ou pas. Parfois pour des choses très techniques, j’ai besoin d’une concentration énorme sur chaque action de mon corps pour réussir le mouvement, bien que cela ne se voit pas, je suis dans une sorte d’extrême lucidité sur ce que je fais. Inversement, pour certains rôles très narratifs je suis tellement imprégné de mon personnage, que j’ai l’impression d’être un autre, de ne plus avoir les commandes. Ce sont les meilleurs moments !

Vous êtes né au Pertuis. N’étiez-vous pas censé jouer à l’Olympique de Marseille plutôt que faire de la danse ?
Bien que j’apprécie énormément le sport, ce n’était pas du foot que je pratiquais à l’époque mais du tennis. J’en regarde d’ailleurs toujours beaucoup et suis moi-même un cliché de supporter de Roger Federer ! La danse n’était effectivement pas la discipline la plus à la mode dans ma région, mais mes parents ont une grande ouverture d’esprit, et quand l’occasion s’est présentée de faire de la danse, c’était pour eux une occupation comme une autre pour moi.

Sinon, être un passionné de danse quand on est un petit garçon, c’est dur ? Surtout, dans un coin de foot ?
Après je n’ai pas forcément énormément souffert des éventuelles moqueries de mes camarades à l’époque. Ça pouvait arriver de façon très isolée, mais ça restait bon enfant. Bizarrement les moqueries étaient plus nombreuses entre jeunes danseurs.

Un danseur travaille son corps, ses mouvements, ses attitudes. Au final, même dans  le quotidien, il y a en permanence du beau en vous. Comme une aura. C’est quoi le beau pour vous ? Et, est-ce que c’est une drogue ?
Je ne sais pas si il y a en permanence du beau en moi … Je ne me tiens pas vraiment de la même manière dans la rue et sur scène. Après je remarque fréquemment que mon métier, la danse, m’a aussi appris un rapport à l’autre, une notion des distances, une vision du mouvement de l’autre. En cela, j’imagine que l’on peut avoir une forme d’élégance même au quotidien.

Le jour où Romain Gary, gamin, passe le bac à l’oral, son prof lui demande ce qu’est la grâce et il répond : « la grâce, c’est le mouvement ». Il a eu 20 sur 20. Ça vous va aussi comme définition ?
Je suis d’accord avec cette phrase dans le sens où beaucoup de chose démarrent hors le mouvement. Le peintre avec son pinceau, l’écrivain avec sa plume, le réalisateur avec sa caméra, et l’exemple le plus marquant le danseur avec tout son corps. Donc oui, d’une certaine manière la grâce c’est le mouvement.

Votre carrière est une progression constante. Vous allez fêter vos 31 ans au printemps, que visez-vous dans les prochaines années ?
Avec l’Opéra et la venue de Benjamin Millepied, j’espère beaucoup de collaborations avec de grands chorégraphes, déjà établis ou émergents. En parallèle, j’espère que le spectacle que je crée actuellement Tchaikovsky : récits du royaume des songes, et qui sera donné les 13 et 14 juin au théâtre André Malraux à Rueil Malmaison, sera un succès et qu’on pourra le faire tourner dans d’autres théâtres par la suite. J’espère également que la ligne de vêtements que je crée avec mon frère designer Lucas Hoffalt et qui sera en vente début février à la Galerie de l’opéra au Palais Garnier se développera de manière significative. Enfin je rêve de pouvoir tourner un jour dans une comédie musicale au cinéma !

Quel est l’oeuvre que vous avez préféré danser ?
On va parler d’un rôle plus que d’une œuvre. Je pense à Frollo dans l’adoption de Notre dame de Paris par Roland Petit. C’était un rôle très sombre, au bord de la folie, très stylisé. Si je peux en voter un autre c’est Onéguine adapté de Poushkine. C’était un personnage qui passait par beaucoup d’états très différents, le mépris, l’ennui, l’amour, la culpabilité. Peu de rôle offrent une telle palette de sentiments. Et encore une fois c’était un personnage pas très sympathique… L’inverse de ce que j’essaie d’être, mais peut être que c’est ça qui me plait dans ces rôles, sortir de moi-même.

Et le lieu où vous avez préféré vous produire ?
Le palais Garnier

Celui où vous rêveriez de danser ?
Le palais Garnier

Les danseurs ont un souci tout de même, c’est le costume de travail. Quel est celui que vous avez préféré et celui que vous avez détesté le plus ?
Celui que j’ai préféré, c’est celui de Solor dans la Bayadère. Déjà, pas de collant… Et puis les tissus sont sublimes, directement importés d’Inde et vieux de 100 ans pour certains, c’est absolument incroyable. Celui que j’ai détesté le plus, c’est celui d’Hippolyte dans Phèdre de Serge Lifar. Je portais un académique (sorte de collant de la tête aux pieds, mains incluses) jaune fluo, ainsi qu’une perruque blond platine. J’ai détesté danser ce rôle, je voulais m’excuser à chaque fois que je rentrais en scène tellement je trouvais ça ridicule.

On s’habitue à bosser en collant ?
Oui on s’habitue aux collants mais franchement si ça ne tenait qu’à moi, je n’en porterai plus…

Parlons fringue d’ailleurs. Vous sortez avec votre frère Lucas une ligne de vêtements. Quel est le principe ? Est-ce une façon de préparer le retraite ou de simplement se diversifier ou une envie profonde ?
C’est venu à la fois d’un besoin, celui d’avoir des vêtements élégants et de qualité pour travailler en studio, et d’une envie, celle de créer un projet commun avec mon frère designer. Ces vêtements nous les avons pensés pour les danseurs, mais nous avons aussi fait en sorte qu’ils puissent être portés au quotidien, par tout le monde.
Pour moi ce projet, c’est un prolongement de ce que je fais en tant que danseur, tout comme le spectacle que je crée.

La danse est un art particulier, puisque l’artiste, son outil et son œuvre ne font qu’un. Comme si le peintre, le pinceau et la toile n’était qu’un. Une trinité en un seul corps, c’est un peu divin tout ça.
Personnellement, je ne mettrai rien de divin dans tout ça…plus ça avance, plus j’ai l’impression d’être un artisan de la danse, qu’un « artiste ». J’ai l’impression d’apprendre sans cesse de nouvelles méthodes, d’éviter de reproduire les même erreurs, j’essaie d’être lucide sur mes forces et mes faiblesses, j’expérimente. Au final, je construis quelque chose comme un artisan. La « grâce divine » ça ne me parle pas trop…

Question un peu perso : il y a quelque chose d’éminemment sensuel dans la danse. Même pour vous, on imagine, qui travaillez les corps en permanence. Alors, est-ce un univers sexuel ?
Sexuel peut être pas, bien que quand j’avais 14-15 ans j’étais ravi de pouvoir être en contact avec les filles sans passer pour un obsédé… Mais aujourd’hui, on va dire que ça reste quelque chose de sensuel bien sûr. Il y a toujours des filles avec lesquelles j’aime ou je n’aime pas danser parce que je les trouve plus ou moins sensuelles, entre autres raisons. Et on va pas se mentir, il y a beaucoup de jolies filles dans mon métier.

Vous êtes membre du CA de l’Opéra de Paris. On a toujours l’impression que c’est un nid de vipères. Au niveau des décisionnaires, est-ce encore un lieu de passions ou un lieu politique ?
C’est à la fois un lieu de passion et forcément un lieu politique. Aujourd’hui les deux sont forcément liés, les enjeux aussi. Ce n’est pas forcément une mauvaise chose, c’est d’ailleurs ça qui m’intéresse. Je pense que le fait de gérer à la fois des enjeux financiers et artistiques par exemple peuvent pousser à créer de grands projets. De tous temps, cela s’est passé comme ça. Charlie Chaplin avait des contraintes à son époque pour ses films, il n’en a pas moins réalisé des chefs-d’œuvre. C’est quelque chose qui m’intéresse à l’opéra car c’est une maison qui me passionne, mais ce sont aussi des enjeux que je connais pour mon projet Tchaikovsky que nous auto-produisont avec 3e Étage.

On finit par un message : quel est le plus gros cliché sur les danseurs que vous aimeriez voir disparaître ?
Un des nombreux grands philosophes du football, Djibril Cissé, a encore déclaré récemment que le football était « un sport d’homme » et que pour ceux que ça dérangeait, mieux valait faire de la danse… Quand je discute avec des médecins de l’INSEP de ce que je fais, ils m’expliquent qu’aucun sport ne demande des efforts aussi différents les uns des autres que la danse classique, qu’aucun sport ne demande des qualités aussi différentes les unes des autres (souplesse, endurance, explosivité, puissance) que la danse classique, et que c’était la seule discipline qui demandait des amplitudes de travail aussi grandes. Pas besoin d’en dire plus.


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