La MLF [Mark Lombardi Faction] est un consortium d’écrivain(e)s, de journalistes d’investigation, de chercheurs, d’analystes, de critiques et de spécialistes de la cyber-sécurité. Ça fait deux ans que Zoé Sagan fait tout pour intégrer ce consortium. Coûte que coûte, quoi qu’il lui en coûte. En infiltrant le mariage de Dasha Zhukova et Stavros Niarchos nous pensons qu’elle vient de marquer un point. Voici son œuvre.
Dasha Zhukova qui s’était marié à Paris l’année dernière avec Stavros Niarchos m’a demandé si je pouvais être leur écrivaine de mariage pour immortaliser leur célébration. Ils voulaient offrir un cadeau post-mariage un peu différent. Ils ne voulaient pas de la photo classique. Ils ont tout, possèdent tout, donc ils voulaient offrir à leurs 500 ami(e)s une « satire-chic ». Ils trouvent ça mieux qu’une photo. Je n’ai pas pu refuser, contre 10 pages je pouvais payer mon loyer pendant un an. Il fallait juste livrer 500 exemplaires – signés personnellement par Dasha et Stravos – aux invités présents pour immortaliser leur mariage.
Ça paraissait simple sur le papier, il y avait bien les humoristes de mariage je ne vois pas pourquoi il ne pouvait pas y avoir des écrivaines de mariage. Mais le problème c’est que Dasha était dégoutée d’avoir découvert son futur mari, Stavros, en train de mater son ex petite amie Paris Hilton sur son téléphone avec ses potes. Cette fois ce n’était pas pour une sex-tape mais pour sa dernière vidéo où elle donnait des leçons de cuisine sur Youtube. Ils trouvaient tous l’idée géniale en parlant de ses cheveux. C’était l’ultime preuve du réchauffement culturel en occident. Mais Dasha voulait se venger. Elle n’a rien trouvé de mieux que de m’appeler.
Elles m’avait dit en anglais « tu as carte blanche, tu écris ce que tu veux, tu es là pour ça, je te rappelle que nous on est obligé de réfléchir parfois une heure pour envoyer un simple sms, qu’est-ce que tu veux qu’on écrive des livres, ne me demande pas conseil, fais ce que tu dois faire. » J’ai quand même demandé si je pouvais écrire sans cacher les noms des invités, elles m’a dit que oui « qu’elle n’en avait plus rien à faire de rien, qu’elle voulait la vérité pour une fois », un truc à la Ricky Gervais m’a t’elle demandé, en français et en anglais.
Elle en a profité pour me dire que lorsque sa bande a essayé de lire Kétamine en français ils ont immédiatement conseillé à leurs amis de louer une suite d’hôtel à Paris, d’appeler un ou une call-girl et de lui faire lire en boucle des chapitres. Ils parlaient très mal français, ça les excitait de ne rien comprendre apparemment. C’était leur trip. Bref, ils s’ennuyaient ferme et j’avais l’autorisation de faire ce que je voulais, c’est à dire n’importe quoi.
Alors laissez-moi faire mon boulot, je vais avant toute chose vous les présenter.
Parmi leurs amis les plus fidèles il y avait d’abord Jared Kushner et Ivanka Trump qui passaient en ce moment beaucoup de temps en France. Ils sont maintenant amis avec l’ancien roi du Minitel rose Xavier Niel. A Noël, il leur a même privatisé la Station F à Paris, personne n’en a parlé en France mais c’était pourtant une information de premier ordre.
Il faut comprendre cette bande. C’est très important. Karlie Kloss est avec Joshua Kushner qui est le beau-frère de la fille du président Trump, Ivanka.
Cette bande inconséquente dirige (in)directement le monde. Ils ne travaillent jamais. Ils ne lisent jamais. Ils ne font que des fêtes, des mariages et des relations publiques permanentes. Ils ressemblent tous à des savons en excès d’UV. Et pourtant ils dirigent le monde.
J’avais déjà croisé Ivanka Trump et Jared Kushner quand ils sont venus voir Xavier Niel au milieu de son incubateur, qu’il avait gentiment privatisé pour eux le soir de Noël. Ils avaient bien précisé à la presse qu’ils allaient fêter après Hanoukka avec le président. Ivanka Trump s’étant converti au judaïsme avant d’épouser Jared Kushner en octobre 2009, et donc le couple déclarait ne pas célébrer la fête chrétienne avec Xavier Niel. Ils célèbrent seulement Hanoukka en France et en Floride pendant huit jours. Ivanka Trump a donc juste partagé une photo d’elle et de Kushner au café de la Station F et Jared a signé un deal très secret avec Xavier Niel.
En les recroisant ce soir, je me suis permise de lui demander ce qu’ils pouvaient bien trafiquer en ce moment avec ce français ancien tenancier de peep-shows ? Il a juste ri comme le Joker. C’était une forme de réponse.
Bref, revenons au mariage. Dès le début du week-end, ils ont tous voulu aller au Dracula Bar, le nom de ce lieu leur allait si bien. Diane von Furstenberg avait l’air angoissé en parlant tout le temps de son mari Barry Diller qu’elle présentait comme le parrain dans les Soprano. Elle avait un peu peur de son pouvoir.
David Beckham et Gwyneth Paltrow voulaient danser ensemble. Ils avaient un peu bu dans leur jet privé avant d’arriver. Ils voulaient faire une sorte de « macarena » à l’américaine.
La « créatrice » Diane von Furstenberg se moquait de Liv Tyler pendant que la mannequin Karlie Kloss et son mari Joshua Kushner (je répète, le beau-frère de la fille du président Trump, Ivanka) disaient que la Suisse ce n’est plus ce que c’était.
Dasha et Ivanka restaient copines comme cochonnes, sur les 500 personnes invitées, c’était peut-être sa seule réelle copine. A Manhattan c’étaient les divas. A St Moritz, elles étaient juste deux blondes en moonboots qui ne savaient pas vraiment skier.
Dès mon arrivée, j’ai aussi eu la joie de rencontrer Vito Schnabel, marchand d’art et d’argent, tout en retrouvant Charlotte Casiraghi qui n’était pas très heureuse de son portrait avec Dimitri Rassam et Gad Elmaleh que j’avais eu l’occasion d’immortaliser. Quand elle a compris que Dasha voulait la même satire, pour leur offrir une blague à retardement, j’ai vu le moment où elle ne comprenait plus rien. Pourtant elle disait étudier la philosophie dans des palais de rubis. Heidegger doit apparemment être moins puissant sous les lustres en diamants.
Mais ma rencontre la plus folle fut avec l’inénarrable Lapo Elkann, l’homme le plus riche d’Italie, l’héritier de Fiat et Ferrari. Il portait un manteau de fourrure énorme mais m’a dit « I support the Yellow Jacket » en me faisant un clin d’œil. Il avait l’air super sincère. Il n’était pas à l’aise avec la bande de Dasha. Il donnait l’impression d’avoir déjà couché avec toutes les filles de l’assemblée. Plusieurs fois. Mais pas à la Weinstein, non, c’est comme si c’était lui qui avait du dire oui, un peu comme Leonardo Dicaprio. Il était assez beau, mais fané, par ennui ou nihilisme, je ne savais pas trop.
Lorsque je me suis retrouvé à côté du père du marié Philip et de sa mère Victoria, membre de la famille des bières Guinness, j’ai voulu tenter une blague sur la bière blonde. J’ai fait un énorme bide. Alors mal à l’aise j’ai enchainé en disant : « Le maire de St Moritz, Christian Jott Jenny a dû prendre une grosse enveloppe pour laisser passer tout ça, non ? »
Le DJ qui passait la musique était Mark Ronson. Il leur a fait un prix. 25.000 dollars pour passer des CD en échange, il voulait une place dans un jet-privé et une grande suite dans l’hôtel.
L’hôtel était évidemment fermé au public et j’ai remarqué comme à chaque fois qu’ils organisent une fête, ils adorent mettre des chapiteaux partout, ça les rassure les chapiteaux, c’est leur truc. Une fête, un chapiteau, c’est comme ça, c’est la règle invisible, si tu rates ton chapiteau, tu rates ta fête.
Le père de Stavros Jr, et son oncle Spyros sont les plus grands propriétaires fonciers privés de Saint-Moritz. La famille Niarchos est extrêmement respectée. Elle contrôle tout. La familia…
Le padré a déclaré juste avant la fête aux journalistes : « Je m’attends à ce que les dépenses de ce week-end coûtent plusieurs millions de livres, ce sera également un grand coup de pouce pour la station. »
Le papa du marié Stravos est tellement blindé que ça lui a permis d’attirer dans son lit tout ce qui se fait de pire. Il est l’ex-compagnon de Paris Hilton, Lindsay Lohan, Mary-Kate Olsen et Jessica Hart. Plus des milliers d’autres inconnues. Ses copains le surnommaient le roi Stravos. C’était la grande classe à Dallas.
A 34 ans, Stravos fait toujours n’importe quoi, c’est un adolescent qui ne veut pas grandir. Avant dans la mafia les fils reprenaient rapidement les commandes pour alléger les charges du père et du grand-père. Maintenant ils passent tous leur temps à swiper sur Instagram. Compliqué de reprendre les affaires familiales quand on ne sait pas envoyer un mail sans faute d’orthographe.
Dasha est plus mature, elle est aussi plus âgée que lui. Lui il fait le malin avec ses conquêtes mais elle, elle a vécu à côté des hommes les plus puissants au monde. Quand il lui parlait d’une de ses nuits avec Paris Hilton, elle lui répondait par une de ses conversations avec Poutine. Elle, elle était maman, ses enfants avaient le sang d’Abramovitch. Etait-il prêt à être leur beau-père, aimant et responsable, c’était la question qui faisait rire ses amis le soir du mariage. Ils disaient tous « tu te rends compte, Dasha est la maman des deux plus grands héritiers de la Russie contemporaine. »
C’est fou parce que je me souviens encore du faux couple des débuts, à Paris, ceux que les parisiens appelaient le grec et la cruche. Au début, ça c’était au début, ce n’était pas vraiment un mariage forcé mais quand même. Il y avait derrière des intérêts géopolitiques extra-conséquents. Des intérêts tels qu’ils font des milliers de morts chaque année. Des intérêts avec lesquels on n’a pas intérêt de rigoler. Des intérêts qui font qu’on dit oui à un second mariage.
Mais parlons d’amour, comme ce n’est pas de cela dont il s’agit ici. Dasha a aimé Abramovitch, un temps, au début, avant que Poutine augmente la pression sur lui. Dasha connaît plus de secrets diplomatiques que toute l’assemblée nationale française. Alors à la fin de son union avec Abramovitch, dont je ne peux rien dire, elle a dû partir avec Stravos.
Je sais ça fait Dallas, mais attendez, ça paraît futile mais c’est en fait politiquement très profond. Le père de Stravos est comment dire, un homme « d’affaire » très puissant.
La wedding planneuse avait d’ailleurs pour mission de me contrôler, j’ai passé mon temps à la rendre folle et à l’inquiéter. Juste en disant que j’allais dévoiler son salaire pour le week-end. Plus elle me disait en boucle « you’re crazy, stop…leave me alone », plus je revenais à la charge.
C’était sans doute ma dernière infiltration. Je voulais les prévenir que maintenant on savait. Tous. Que nous savons qui ils sont et ce qu’ils font. Nous les observerons désormais comme ils l’ont toujours fait avec nous.
Pour ce mariage aux 500 invités que j’ai en partie listés dans Kétamine, il y avait l’équivalent de la fortune d’un continent, plusieurs milliers de milliards réunis dans la même pièce. Il y avait de quoi sauver 6 milliards d’êtres humains. Dans un seul hôtel à St-Moritz.
Durant ce week-end, c’étaient les ultra-riches qui faisaient chier les riches-moyen-plus. Le milliardaire dérangeait le millionnaire. Le milliardaire méprisait le millionnaire. C’était en fait comme dans un camping, avec les mêmes problèmes de placement. La place des uns, des autres, tout ça, tout ça. Et pourquoi lui il peut privatiser des pistes et pas moi ? Et pourquoi lui il peut privatiser des hôtels et pas moi ? Et pourquoi il peut arriver en hélicoptère et pas moi ?
Ils payaient en plus pour être certain de faire les gros titres dans la presse anglaise, russe et américaine : « L’ex-femme de Roman Abramovitch, Dasha Zhukova, a fait un caprice pour privatiser St Moritz pour célébrer son mariage avec le grec Stavros Niarchos. » J’avais du mal à croire qu’ils étaient en train de me payer pour les satelliser. Ils voulaient juste payer, tout et tout le monde. Ils voulaient payer pour sortir de l’ordinaire mais ils n’y arrivaient pas. Il y avait tellement d’argent qu’ils pouvaient le brûler à la tonne. Il n’y avait plus de compteur, plus de limite. Unlimited credit-card. Dépense illimitée, sans plafond, sans découvert possible et avec des cartes bleues de toutes les couleurs. Ici l’argent ne coulait pas à flot, il dévalait les pentes.
Il faut comprendre que ce sont des gens qui peuvent payer deux millions d’euros juste pour diner deux heures avec leurs amis. Comme vous, quand vous vous achetez un croissant au beurre à la boulangerie. Il faut comprendre cet écart, ce rapport aux nombres, aux chiffres.
En plus de privatiser les pistes de ski, Dasha a demandé une enveloppe de cash à son nouveau mari de 5 millions de livres pour divertir les 500 copains. Elle tenait à ce que toutes les pentes enneigées de St Moritz soient à eux.
Comme le père du marié a acheté la moitié de la station de ski il a déclaré que ça ne le dérangeait pas de privatiser la station pour les 500 invités. Il a rajouté que la soirée allait lui couter des millions d’euros. Des millions pour divertir 500 personnes pendant 5 heures. Pourquoi pas. C’était le mariage de son fils. Abramovitch comme Poutine validaient l’affaire. Tout allait bien dans le meilleur des mondes.
Comme la moitié des invités allaient ensuite à Davos, j’ai pu m’incruster dans un avion. C’était mon avant-dernière infiltration, la dernière aura lieu à Davos pour le Forum économique mondial. Je savais qu’avec ça j’intégrerais définitivement le consortium international MLF [Mark Lombardi Faction] comme écrivaine et journaliste d’investigation qui collecte toutes les observations sur les milieux de pouvoir. Il y avait dans ce consortium les écrivaines vivantes et les spécialistes de cyber-sécurités que j’idolâtrais le plus au monde. Ils travaillaient tous dans l’ombre sous de fausses identités. Les femmes dirigent ce consortium et les hommes exécutent. Je sais qu’elles me testent en m’envoyant à St Moritz. Je sais que je passe le test ultime. Un roman c’est bien mais parfois la réalité c’est mieux. Mentir-vrai ou vraiment mentir, il fallait choisir.
Avant de partir, Ivanka Trump et Jared Kushner laissaient sous entendre dans leur combinaison de ski que cette année Davos allaient leur appartenir comme St Moritz. Ils riaient d’envahir la Suisse comme les Allemands avaient envahi la France. Tout pour eux avait l’air de ressembler à un jeu vidéo. Toujours est-il qu’ils se moquaient du Président serbe, Aleksandar Vucic, qui n’arrivait pas à trouver de place dans un hôtel ou une auberge de jeunesse à cause de la délégation américaine.
Ce malheureux Président a terminé par écrire un peu seul sur le compte Instagram officiel L’avenir de la Serbie que « les Américains ont occupé tout Davos et nous nous trouvons à Klosters, à une vingtaine de kilomètres du Palais des congrès » en publiant une photo pittoresque. Si vous aviez entendu les éclats de rire. L’une des filles criait « AMERICA, AMERICA » en sautant sur elle-même. Ils avaient l’impression d’avoir gagné un match de baseball contre eux-mêmes. Ils ne se déplaçaient pas en jet privé pour sauver la planète, non eux ils volaient dans les airs pour écraser tout et n’importe quoi, ils ne savaient même pas vraiment quoi, ni qui, ils suivaient tous les ordres respectifs des conseillers stratégiques de leurs parents. Ils recevaient des pluies de sms tous plus troublants les uns que les autres. Bref, je savais que c’est là que je devais être. La suite à mon retour.