C’est officiel, le culte de la célébrité est mort et enterré. Le virus Warholien est en train de prendre fin, sous nos yeux et en temps réel. En découvrant que le hashtag #guillotine2020 montait en flèche sur les réseaux sociaux français et américains, nous avons immédiatement demandé à la spécialiste du genre, Zoé Sagan, de nous décrypter le phénomène. C’est étourdissant.
A quoi peut bien servir une célébrité au temps du coronavirus ? A rien, cela va de soi. Mais d’ailleurs à quoi servait-elle en temps normal ? C’est assez simple, la célébrité servait juste à assurer la liaison entre les élites et le peuple.
Mais un séisme est en train de se produire. Les citoyens prennent en grippe toutes les célébrités alors qu’elles ne sont pas si riches que ça par rapport à Bernard Arnault ou Jeff Bezos. Mais comme ce sont elles qui sont là pour faire la jonction, le trait d’union, entre les citoyens et l’élite, c’est elles qui ramassent les premières. Ce lien est brisé pour toujours. Ce n’est pas une crise de couple. C’est un divorce violent, rapide et réalisé sous les yeux de tous.
Le monde entier est en crise mais les célébrités ont pourtant continué d’essayer de prêcher la bonne parole. De Paris à New-York. De Los Angeles à Londres. De Tokyo à Milan. Comment se laver les mains. Comment rester chez nous. Comment rester positif. A qui donner vos économies en urgence. Et voici ce qu’il s’est passé. D’abord aux États-Unis puis en France.
Quand Madonna se met en scène, elle est obligée de reconnaître que «le public de ma maison n’est pas amusé par moi». En enchaînant, plus tard, depuis son bain, que le Covid-19 est «le grand égaliseur». Allez voir les commentaires.
Quand Zoë Kravitz devant sa belle et grande cheminée a voulu faire la maligne, son public l’a satellisée.
Quand l’actrice de «Wonder Woman» devant son dressing a voulu montrer qu’elle était importante au monde, ses fans l’ont démolie.
Quand Pharrell Williams a demandé à son public de faire un don pour aider les médecins et les infirmières, les internautes l’ont pratiquement attrapé par le pantalon et l’ont secoué à l’envers, lui disant de vider ses propres poches.
Quand Ellen DeGeneres se prélassait sur son canapé, discutant par FaceTime avec des amis célèbres, disant que dans son château elle devenait « fofolle », cela a produit un tourbillon de vérité où même les gens de la profession ont publié qu’elle était « l’une des personnes les plus méchantes du monde. »
Quand Katy Perry dit qu’elle a perdu la notion des jours qu’elle passe dans son immense maison, je ne vous raconte pas ce qu’elle a reçu en représailles.
Quand certains vont plus loin et expliquent qu’il faut vite aller retravailler, sans vacances ni dimanche, les citoyens déraillent. Les célébrités annoncent tout ça depuis leur loft refait à neuf par des pauvres. Ils disent ça du haut d’un balcon fleuri, sans gêne ni pudeur.
Si nous devions d’ailleurs retracer le début de la vrille ou de la goutte qui a fait déborder le vase, il faudrait regarder du côté de chez Jennifer Lopez. Elle a publié une vidéo de sa famille se réfugiant dans un immense domaine à Miami. Ce jour-là le public a complétement pété les plombs. Il fallait un cas d’école. Il fallait un exemple. Pour que les autres comprennent. Ce fut, miskina, Jennifer Lopez.
Maintenant, la nouvelle mode, quand une starlette fait son instant narcissique sur les réseaux, est de voir apparaitre des tonnes de commentaires ressemblant à : «Nous vous détestons tous #Guillotine2020».
Les célébrités, pour faire simple, devaient offrir un accès indirect au mode de vie de Bernard Arnault. Montrer leurs nouvelles œuvres d’art, leurs fêtes d’anniversaire pour leurs enfants, leurs collections de voitures ou leurs nouvelles propriétés.
Jusqu’ici, Nabilla comme Kim Kardashian, servaient à condenser la haine, en montrant paradoxalement un mode de vie que les terriens ne pourraient jamais vivre.
Le plus étrange dans cette affaire est que ce sont les américains qui ont lancé le hashtag #Guillotine2020 bien avant les français. Même sur la récupération de nos propres concepts, ils vont plus vite que nous. Regardons maintenant ce qu’il se passe en France depuis le début du confinement. A peu près la même chose qu’aux États-Unis.
Kev Adams a dû arrêter son live sur Instagram faute de spectateurs. Il avait moins de 2000 connections par jour et presque aucun n’était français. Plus personne ne s’intéressait à lui, il avait déjà disparu pour toujours. Comme son copain Gad Elmaleh qui, pour se racheter de ses vols, se force à travailler dans un centre d’appel pour parler de sa solitude aux personnes âgées.
Patrick Bruel a dû disparaître de la toile après sa chanson dans son salon-cave à vin. Comme Elsa Zylberstein, Franck Dubosc et Claude Lelouch qui, après leur annonce promotionnelle de sauver la vie des personnes âgées en ayant la bonté de les appeler une fois par semaine, n’ont fait du bien qu’à eux-mêmes.
Les audiences de Cyril Hanouna seul dans son faux salon, s’effondrent. Il en est réduit à lire en direct des fake news pour avoir un regain d’intérêt. Rien n’y fait. Son affaire est terminée.
Arielle Domsballe parle à ses fleurs qu’elle dit avoir le même nom qu’elle. Elle pense éclore sur les réseaux sociaux alors qu’elle est en réalité en train de faner en direct.
Nabilla parle en live avec Brigitte Macron tout en étant dans le même temps dans l’obligation de vendre des codes promos à ses abonnés pour espérer vendre des maillots de bain sur lesquels elle espère une rétrocommission.
Même Michel Onfray se fait démolir comme jamais à cause de son nouveau journal FRONT POPULAIRE (à 12 euros) produit par le producteur d’Ardisson (merveilleux mélange des genres) qui il faut croire, n’a plus de travail à la télévision française. Le gars ne semble même pas savoir qui est Proudhon mais il a dû trouver là une nouvelle faille pour faire du fric sur le dos des pauvres, Onfray lui servant de produit d’appel. C’est si vous voulez un peu sa PLV pour attirer le chaland après ses courses au centre commercial.
Même pour les écrivaines de supermarché c’est difficile. Leila Slimani, en racontant son confinement de nouvelle bourgeoise bohème, a déchaîné des torrents de moqueries. La même chose pour Marie Darrieussecq et les autres. Pas une n’a pu échapper à la foudre. Plus personne n’avait de message essentiel à délivrer. Elles devenaient comme désespérées.
Nicolas Bedos m’a même dit en privé sur Instagram qu’il était au summum de lui-même et qu’il n’avait pas à s’inquiéter pour sa carrière parce que je cite : il va tourner son 3eme film à Los Angeles. La réalité c’est qu’il est plutôt en train de mélanger les anxiolytiques et le whisky seul devant sa glace, comme chaque soir, avant de compter dans le lavabo le nombre de cheveux qu’il a perdus dans la journée.
Je pourrais continuer comme ça des heures. Mais vous avez compris l’idée essentielle. L’ère du culte de la célébrité est morte et enterrée. Tout le superflu, la vanité, le narcissisme, pffft, comme envolés. Un vent nouveau va enfin pouvoir souffler.