Un jour, l’homme est sorti du nécessaire, du vital, pour aller vers le confort. Il a alors découvert le beau. C’était il y a très longtemps. Un jour l’homme a mis du beau partout, dans le moindre meuble, le moindre objet. Et le beau est devenu nécessité. Vital. C’était il n’y a pas très longtemps.
Roger Scruton est l’un des grands penseurs du beau. Son film documentaire, Why Beauty Matters est une pépite que nous vous présentions. En français, nous vous conseillons la lecture de L’esthétisation du monde: Vivre à l’âge du capitalisme artiste (Broché) de Gilles Lipovetsky et Jean Serroy.
Pour nous, amoureux du beau et de ses acteurs, parler avec Roger Scruton était comme un Graal. Nous lui avons donc demandé un peu de son temps. Il nous répond dans la foulée. « Ok, mais envoyez des questions par mails, et pas trop, et j’aurai ou je n’aurai pas le temps d’y répondre, je ne sais pas. »
Du temps, il en a trouvé, mais peu. Réponses lapidaires mais précieuses. Entretien express avec la gueule de Redford et le cerveau de Chomsky.
-Si vous deviez résumer ce qu’est la beauté en une phrase ?
La beauté nous réconcilie avec les choses sans désire de les acheter.
-Qu’est-ce qu’il y a après l’esthétisation du monde ?
C’est juste une de ces idées fantaisistes qui dominent la vie intellectuelle française pendant une semaine ou deux avant de devenir une thèse aux États-Unis.
-C’est quoi aujourd’hui être un esthète ?
Chérir les belles choses, mais aussi reconnaître leurs portées morales à un âge de profanation.
-Pour vous, quels sont les réalisateurs qui vont marquer le XXIème siècle ?
Le siècle vient juste de commencer.
-Vous avez créé pour l’édition, la télévision, l’opéra. Pourquoi pas internet ?
Je ne suis qu’un. Et puis, j’ai forgé mon savoir-faire à l’ère pré-internet. Mais je suis sur qu’il y a énormément à faire pour créer de belles choses pour internet. Il y a beaucoup de laideur sur le net. Contrairement aux livres ou à la musique, internet n’offre aucun système de filtre avant que les déchets n’entrent dans le flux.
-Au 18ème siècle, Voltaire soulevait la question du To Kalon dans L’Encyclopédie. La question a-t-elle toujours un sens aujourd’hui ?
Bien sur, la question est aussi importante aujourd’hui que pour Voltaire. Les gens ont faim de beau et d’excellence sous toutes ses formes. Mais ils sont bombardés d’ordures de tout côté. C’est pourquoi ils ont besoin de gens comme moi, qui sont prêts à être impopulaires selon les critères standards.