L’enquête ouverte il y a plus de dix ans avait révélé des liens troubles entre figures de la police, du renseignement et des intérêts privés, dont LVMH: le parquet de Paris a requis un procès pour l’ex-patron du renseignement intérieur Bernard Squarcini.
Les juges doivent décider de la tenue d’un procès
Selon une source proche du dossier, confirmée par le parquet de Paris, le ministère public a dans un réquisitoire définitif signé le 23 décembre, demandé le renvoi de M. Squarcini et dix autres personnes.
Il appartient désormais aux juges d’instruction chargés des investigations de décider ou non de la tenue d’un procès.
Surnommé « le Squale », Bernard Squarcini et ses liens avec le groupe de luxe LVMH constituent le fil rouge du dossier.
Le parquet a demandé qu’il soit notamment jugé pour trafic d’influence passif, faux en écriture publique et complicité et recel de violation du secret professionnel et de l’instruction.
Contactés, ses avocats n’ont pas donné suite.
LVMH pas touché par les réquisitions
Ces réquisitions ne concernent en revanche pas LVMH, qui a payé fin 2021 une amende de 10 millions d’euros pour éviter des poursuites pour trafic d’influence.
« Une étape décisive a été franchie dans un dossier inédit qui montre l’instrumentalisation des moyens des services de renseignement à des fins privées, au moment où les prérogatives de ces même services ne cessent de croître », ont salué Mes William Bourdon et Vincent Brengarth, avocats de Franck Alioui, un policier qui s’est porté partie civile dans l’enquête.
Elle a débuté avec la reconversion de Bernard Squarcini après son éviction en 2012 de la tête de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, devenue DGSI) par François Hollande, qui le jugeait trop proche de Nicolas Sarkozy.
Devenu patron d’une société de conseil en intelligence économique baptisée Kyrnos, l’ancien maître-espion a notamment proposé ses services au groupe de luxe LVMH.
Les juges le soupçonnent d’avoir profité de ses relations dans la police et de ses réseaux pour obtenir des privilèges ou des informations confidentielles sur des enquêtes en cours, au profit de LVMH.
Les charges contre Bernard Squarcini alourdies en 2021
En 2016, il a été mis en examen, notamment pour recel de violation du secret de l’instruction, trafic d’influence et détournement de fonds publics.
Cinq autres personnes ont été poursuivies dans la foulée, notamment Christian Flaesch, ancien patron de la police judiciaire parisienne, dont le cas a finalement été disjoint et qui sera jugé à Paris le 14 février 2023.
En juin 2021, les charges à l’encontre de M. Squarcini ont été alourdies notamment en raison de soupçons de surveillance de l’actuel député LFI François Ruffin et l’équipe de son journal Fakir, qui réalisaient un documentaire satirique sur LVMH et son tout-puissant patron, Bernard Arnault.
Mais en décembre 2021, le groupe de luxe a conclu une convention judiciaire d’intérêt public avec le parquet de Paris lui permettant d’éviter des poursuites en échange du paiement d’une amende de 10 millions d’euros.
Bernard Arnault entendu comme témoin
Bernard Arnault a été entendu comme témoin dans ce dossier tandis que l’ex-numéro 2 de LVMH, Pierre Godé, présenté par plusieurs mis en cause comme l’un des principaux protagonistes, est décédé début 2018.
Dans son réquisitoire, le parquet a également demandé un procès pour un ancien magistrat de la cour d’appel de Paris, Laurent Marcadier, et pour le préfet Pierre Lieutaud, qui était numéro 2 du Coordinateur national du renseignement (CNR) à l’époque des faits, notamment pour complicité de violation du secret professionnel, de l’enquête et de l’instruction et recel de ces violations.
Les deux hommes contestent les faits…Mouais.
Source : Medipart – lavoixdunord.fr