Canal + est aujourd’hui à la télévision ce que Technikart est à la presse, un mauvais rêve. Ou plutôt un vague souvenir de ce qu’était le cool à la fin du XXe siècle en France. En 2016, ils ne représentent, l’un comme l’autre, plus rien pour la jeunesse. Aucune pertinence éditoriale. Aucune idée réelle. Aucune vision de l’avenir.
Bref, ils se sont « auto-coup-de-puté » à la vitesse de la lumière, devenant l’opposé de tout ce qu’ils étaient. Les créateurs de Canal + et de Technikart doivent se retourner la nuit dans leur lit. Ils doivent être les premiers à critiquer ce qu’est devenu leur bébé d’origine.
Canal +, c’était pourtant une belle marque. Avec un adn noble, où le talent passait souvent avant l’argent. C’était une marque d’une certaine façon importante pour la France. Les jeunes cinéastes pouvaient faire leurs armes, les jeunes humoristes pouvaient tester de nouvelles formes d’humour et le public, souvent en connivence, arrivait à se divertir honnêtement pour 39 euros par mois. Aujourd’hui il n’en reste rien. Canal + ressemble à une fin de fête de mariage où la mariée est partie en courant et sans se retourner.
Tout ceux qui ont constitué cette chaîne ont été virés les uns après les autres. Comme on doit leur faire miroiter un chèque en échange de leur silence médiatique et juridique, ça passe. L’équipe Bolloré – Bollo’ comme on l’appelle dans les bureaux – écrase ta vie professionnelle en une seconde et arrive en plus à te faire signer une clause de non divulgation des informations qui seraient susceptibles de les gêner. L’esprit Canal quoi.
Et puis, Technikart aussi c’était un magazine important. Essentiel à la jeunesse française au début des années 2000. Et puis il y a quelques temps, l’équipe des débuts tire sa révérence et laisse la place à un vide abyssal.
Est-ce un signe de la mort de la presse culturelle ? A l’heure du tout numérique, pourquoi un lycéen irait s’abonner à un magazine ou à une chaine de télévision prétentieuse et sans âme que plus personne ne veut regarder. Avant c’était bien de lire Technikart, aujourd’hui il est moins honteux de s’abonner à Valeurs Actuelles. Avant, c’était bien d’être abonné à Canal +, aujourd’hui il vaut mieux expliquer comment on a galéré à se désabonner. Des places se libèrent donc. Et c’est tant mieux. Repartir sur un tas de cendre est souvent salvateur créativement.
Terminé, le magazine d’avant-garde, aujourd’hui devenu réactionnaire et racoleur. Un peu comme Canal +, 30 ans pour bâtir une marque solide, 3 mois pour la démolir. C’est l’ambiance du moment. On prend une marque avec de l’avenir et on s’amuse à la détruire en un temps record, le tout face à des consommateurs silencieux.
Avant Technikart osait annoncer la mort de Thierry Ardisson (ce qui a bien été le cas non ?) et aujourd’hui il créé du publi-rédactionnel pour vendre la marque de casquette de son fils Gaston. A l’image du réchauffement culturel actuel en somme. Le népotisme est sans limite. On suce sur papier glacé les enfants de ceux qui ont accumulé assez de pouvoir pour que plus personne n’ose les critiquer.
De la même manière que plus personne ne critique la mode en occident, plus personne n’ose émettre un doute quand au talent – présumé héréditaire – des progénitures de producteurs-réalisateurs-chanteurs-designers-auteurs-éditeurs…
Quel est alors l’avenir annoncé ? Alexandre Arnault possèdera demain 50 milliards d’euros pour s’amuser pendant qu’il portera les casquettes de Gaston Ardisson tout en écoutant et en regardant les films réalisés par Gia Coppola mettant en scène Lily-Rose Depp et Alain-Fabien Delon l’un dans l’autre. Et puis quoi ? On lira les romans névrosés de Chloé Beigbeder racontant comment elle est tombée amoureuse au Montana de Nicolas Bedos pleurant la disparition de son père ? Et puis quoi, il y a quoi après ? Raphaël Enthoven comme Ministre de la Culture ? Charlotte Gainsbourg à l’éducation ? Julie Depardieu à l’écologie ? Et pourquoi pas Marion-Maréchal Le pen à la tête de tout ce petit monde ?
C’est l’atmosphère pour 2027, c’est ça ? On n’a déjà plus le choix ? Sous prétexte que leurs parents dirigent le calendrier culturel, économique et politique, on les laisserait accéder aux mêmes privilèges sans (jamais) rien dire ?