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Tonnerre de Guillaume Brac

Tonnerre de Guillaume Brac

De Guillaume Brac, on connaissait son moyen-métrage Un monde sans femmes. Il était de ces films qu’on voit au détour d’un écran 15,6’’, l’alimentation du pc qui brûle les cuisses, le son qui sature et le fichier qui se finit par « DVDRip_ReférenceGeekIncompréhensiblePourLeQuidam.avi ». Autant dire que tu ne donnes pas toutes ses chances à un film lorsque tu le regardes dans ces conditions. Et pourtant, le film était parvenu à me sortir de ma torpeur. Ne soyons pas bégueule, il a fait bien plus que cela, il m’avait ému. J’y découvrais Vincent Macaigne, sa formidable voix et sa grâce pataude. Un monde sans femmes m’avait plu par sa sensibilité, sa délicatesse, sa mise en scène des solitudes qui ne se rencontrent jamais vraiment.

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Dans Tonnerre, on retrouve la province (l’Yonne au lieu de la Picardie) façon Guillaume Brac, c’est-à-dire belle mais morne. Vincent Macaigne encore. Ici, il est un auteur/compositeur/interprète qui peine à faire un deuxième album après un premier demi-succès. Il tombe amoureux d’une belle (évidemment prénommée Mélodie). Il se la dispute avec un footballeur de l’A.J.A. Et dans tout ça, il habite chez son père (Bernard Ménez, qui est bon acteur d’ailleurs. Si si, avec des émotions et sans trop de grimaces, bien quoi).

Côté écriture, Guillaume Brac n’est pas conventionnel (on réalise d’ailleurs avec ce genre de films qu’on avait intériorisé sans le savoir les codes scénaristiques). Pas de nœud dramatique surligné, on ne sait pas exactement où on récupère nos personnages ni où on les laisse. Le rythme n’y est pas dicté par la dramaturgie mais par le monde créé. Héritier d’un cinéma réaliste où ce qui prévaut est la véracité de ce qu’on raconte sans sacrifier toutefois quelques échappées lyriques. L’histoire est assez belle. Une muse dont ont désespérément besoin deux hommes pour se révéler (l’un dans son sport, l’autre dans sa musique). On regrette la passivité de Mélodie ; elle tergiverse et choisit  alternativement le plus possessif, le plus agressif. Visuellement, même si Un monde sans femmes était déjà très abouti dans sa mise en scène et sa photo Guillaume Brac se dépasse. On vous conseille donc de partir vous réfugier chez Guillaume Brac et ses films à fleur de peau. On y est comme la maison, c’est familier mais pas idyllique.

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Tonnerre est aussi l’occasion de découvrir ce souffle nouveau du cinéma français. Un groupe de jeunes cinéastes (Antonin Peretjatko, Guillaume Brac, Sébastien Betbeder, Djinn Carrenard, Vincent Macaigne) font du cinéma autrement. Comment ? On ne sait pas. On ne peut même pas dire si ce groupe est réel ou s’il n’existe qu’entre les colonnes des Cahiers du Cinéma. Chose certaine, c’est du cinéma autrement. Comme dans les autres arts, les sujets s’épuisent vite au cinéma. Une fois qu’on a bien parlé de l’amour, de la guerre, de la mort, …, on fait des films sur des gens au camping. C’est alors qu’il faut se réinventer.

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Bonus :
Lors d’un repas avec son fils, Claude (Bernard Ménez) récite quelques vers (La nuit d’octobre d’Alfred de Musset) à son chien. Reproduisons-les ici (accompagnés de la réponse de « la muse ») un peu parce que ça aide à comprendre le film et surtout parce que c’est beau :

Le Poète

Honte à toi qui la première
M’as appris la trahison,
Et d’horreur et de colère
M’as fait perdre la raison !
Honte à toi, femme à l’œil sombre,
Dont les funestes amours
Ont enseveli dans l’ombre
Mon printemps et mes beaux jours !
C’est ta voix, c’est ton sourire,
C’est ton regard corrupteur,
Qui m’ont appris à maudire
Jusqu’au semblant du bonheur ;
C’est ta jeunesse et tes charmes
Qui m’ont fait désespérer,
Et si je doute des larmes,
C’est que je t’ai vu pleurer.
Honte à toi, j’étais encore
Aussi simple qu’un enfant ;
Comme une fleur à l’aurore,
Mon cœur s’ouvrait en t’aimant.
Certes, ce cœur sans défense
Put sans peine être abusé ;
Mais lui laisser l’innocence
Était encor plus aisé.
Honte à toi ! tu fus la mère
De mes premières douleurs,
Et tu fis de ma paupière
Jaillir la source des pleurs !
Elle coule, sois-en sûre,
Et rien ne la tarira ;
Elle sort d’une blessure
Qui jamais ne guérira ;
Mais dans cette source amère
Du moins je me laverai,
Et j’y laisserai, j’espère,
Ton souvenir abhorré !

La Muse

Poète, c’est assez. Auprès d’une infidèle,
Quand ton illusion n’aurait duré qu’un jour,
N’outrage pas ce jour lorsque tu parles d’elle ;
Si tu veux être aimé, respecte ton amour.
Si l’effort est trop grand pour la faiblesse humaine
De pardonner les maux qui nous viennent d’autrui,
Épargne-toi du moins le tourment de la haine ;
À défaut du pardon, laisse venir l’oubli.
Les morts dorment en paix dans le sein de la terre :
Ainsi doivent dormir nos sentiments éteints.
Ces reliques du cœur ont aussi leur poussière ;
Sur leurs restes sacrés ne portons pas les mains.
Pourquoi, dans ce récit d’une vive souffrance,
Ne veux-tu voir qu’un rêve et qu’un amour trompé ?
Est-ce donc sans motif qu’agit la Providence
Et crois-tu donc distrait le Dieu qui t’a frappé ?
Le coup dont tu te plains t’a préservé peut-être,
Enfant ; car c’est par là que ton cœur s’est ouvert.
L’homme est un apprenti, la douleur est son maître,
Et nul ne se connaît tant qu’il n’a pas souffert.
C’est une dure loi, mais une loi suprême,
Vieille comme le monde et la fatalité,
Qu’il nous faut du malheur recevoir le baptême,
Et qu’à ce triste prix tout doit être acheté.
[…]


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