THIS IS NOT RADICAL CHIC
Le documentaire Le capital au XXIe siècle, inspiré du livre éponyme de Thomas Piketty, met en lumière des inégalités économiques criantes qui résonnent profondément dans le monde de l’art contemporain.
Le documentaire Le capital au XXIe siècle, inspiré du livre éponyme de Thomas Piketty, met en lumière des inégalités économiques criantes qui résonnent profondément dans le monde de l’art contemporain.
Comme le souligne Ludovic Bernhardt dans son édito très pertinent, « nous sommes dans un retour aux XVIIIe et XIXe s. : 1% de la population possédant 70% des terres en Grande Bretagne » et « 2 tiers de la population dans les économies développées devenant plus pauvres que leurs parents ».
Ce constat d’un « renouveau presque féodal » trouve un écho dans le concept de « réchauffement culturel » développé par Zoé Sagan dans son premier roman Kétamine (2020), où elle dénonce la dérive d’une culture dominée par les algorithmes et les élites, au détriment de l’authenticité et de la justice sociale.
Bernhardt pointe du doigt un paradoxe amer : les artistes, « encore pleins d’illusion » quant à leur « sacro sainte liberté créative », évoluent dans un marché de l’art « fabriqué » par les ultra-riches. Ces derniers, avec « les chiffres ahurissants » qu’ils génèrent, transforment l’art en un espace réservé à une « super-élite », où la valeur des œuvres échappe à toute logique artistique pour devenir un pur produit du capital. Ainsi, « il n’y a plus à espérer quoi que ce soit du milieu de l’art », un milieu qui reflète et renforce les inégalités globales mises en évidence par Piketty. ARTWORLD IS DEAD. NEXT. NEXT IS CONSCIOUSNESS.
La situation des artistes, et en particulier des artistes visuels, est alarmante. Bernhardt note qu’ils sont « les plus touchés » par des « mauvaises conditions de travail » et un manque d’« accès à une protection sociale suffisante ». Beaucoup doivent occuper « plusieurs emplois le plus souvent hors du champ artistique » ou dépendre d’un « système d’assistance familiale » pour survivre. Pour certains, la seule issue est d’« abandonner la pratique artistique tout simplement, ceci pour pouvoir économiquement vivre ». Cette précarité n’est pas un accident, mais le symptôme d’un système où les créateurs sont écrasés par les « géants du capital ».
Face à cette injustice, Bernhardt propose des mesures concrètes : « taper sur les transactions du marché de l’art » et « redistribuer à la masse des artistes indigents ». Il va plus loin en appelant à « un recours à l’impôt sur la propriété et la circulation du capital dans l’art », dépassant la simple reconnaissance de l’artiste comme « travailleur » ou « producteur ». Cette idée vise à rééquilibrer un système où les richesses générées par l’art profitent quasi exclusivement à une élite, laissant les artistes dans une « extrême précarité économique ».
Bernhardt établit un lien clair entre l’art et les dynamiques du capital, affirmant que « le cœur du problème de l’art est situé exactement là où se trouve le capital ». Il évoque une « instrumentalisation politique semblable aux années 1920-1930 », où l’art servait à « détourner les populations des problèmes de classe » dans un contexte de montée des fascismes. Aujourd’hui, « le conservatisme, voire le caractère réactionnaire de l’art actuel » refléterait cette précarité et cette dépendance au capital, un phénomène que les artistes eux-mêmes abordent rarement : « qui parle de classes sociales chez les artistes ? ».
Le documentaire Le capital au XXIe siècle, adapté avec succès du livre de Thomas Piketty pour le grand écran, se distingue par sa capacité à rendre des concepts économiques complexes accessibles à un large public. Le film utilise des images d’archives, des entretiens et des animations pour illustrer visuellement les arguments de Piketty sur l’inégalité des richesses et ses racines historiques. Cette approche de narration visuelle peut être considérée comme une forme d’art en soi, transformant des données abstraites en un récit compréhensible et percutant.
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