THIS IS NOT RADICAL CHIC
Le documentaire Le capital au XXIe siècle, inspiré du livre éponyme de Thomas Piketty, met en lumière des inégalités économiques criantes qui résonnent profondément dans le monde de l’art contemporain.
La gauche française doit vraiment chercher à comprendre comment, au-delà des erreurs tactiques, elle a pu, en des circonstances historiques pareilles, se montrer incapable d'obtenir une majorité absolue qui aurait dû lui être acquise.
Prenons l'exemple de son programme économique, qui pose des questions irrémédiables, notamment à l'égard des classes populaires, en se concentrant sur l'accroissement du revenu disponible au détriment du faire société.
Il y a d'abord la question structurelle. En ne disant et ne proposant strictement rien à l'égard de la politique monétaire, le NFP n'a d'autre choix, pour tenter de financer ses propositions redistributives, que de proposer d'accroître une pression fiscale déjà importante sur l'appareil productif de notre pays.
Paradoxalement, ce faisant, la gauche protège et nourrit la finance, appelée à capter une part toujours croissante de la plus value. Elle se retrouve à devoir lui courir derrière avec des mécanismes toujours plus complexes et incertains de taxations sur les hauts revenus, à l'applicabilité incertaine, faute de réguler à la source la création monétaire qui nourrit cette inflation des grandes fortunes au détriment des moins favorisés.
Ce point aveugle majeur d'une force politique qui n'arrive toujours pas à penser la mondialisation, l'intégration européenne et la monnaie unique est à l'origine du rejet toujours plus massif qu'elle génère en grand part de la population. La gauche est ainsi toujours plus obligée de ponctionner, et toujours plus largement, alors que le peuple ne cesse d'exiger et de crier: souveraineté.
C'est du miel pour ses adversaires idéologiques, et cela explique l'aisance avec laquelle la droite libérale peut se permettre de l'attaquer et de lui faire des procès en irresponsabilité. L'absence de pensée politique de l'économie se ressent à toutes les échelles.
La priorité quasi-exclusive donnée au renforcement de la consommation des particuliers, par l'accroissement du revenu immédiatement disponible, n'induit aucune rupture avec notre modèle productif et renforcera au contraire notre dépendance à un appareil industriel qui n'est plus logé en France, avec ce que cela implique en termes de balance commerciale, mais également de perte d'identité et de conformation de la société française à des canons esthétiques, sociaux et in fine spirituels et moraux pensés, élaborés et fabriqués à des milliers de kilomètres de distance.
La "gauche Zara" est une réponse encore plus faible au RN que celle que Macron a proposé, et ne fera in fine que de renforcer notre acculturation et accroître le désespoir au sein de nos sociétés. Ces deux éléments combinés sont affligeants. La quasi-totalité des mesures proposées, qui ont trait à la mobilisation immédiate de ressources disponibles pour les ménages, accompagnée de la captation de ressources massive par des organismes étatiques et para-étatiques à cette fin, peut sincèrement interroger, surtout au regard des prévisions extraordinairement optimistes concernant certains de ces dispositifs, comme la taxe sur les superprofits.
Il va y avoir, il y aura, les effets électoraux de court-terme d'un tel aveuglement. Les TPE et PME, étranglées par le n'importe quoi des politiques publiques post-COVID (distribution aveugle de ressources, sans ciblage aucun) peuvent légitimement être furieuses de ce programme, alors que leur taux de défaillance explose et que la pression sur les organismes de crédit, dont les bilans sont devenus illisibles de ce fait, présente une menace systémique sérieuse, que Bâle III ne saurait compenser.
Ceux qui croient en une planification industrielle sérieuse par l'Etat, avec non seulement un contrôle sur la politique monétaire mais une orientation de l'investissement par le contrôle de la puissance publique sur le crédit, également.
Les mesures proposées à cette fin sont faméliques, tout comme l'absence de prise en compte du décrochage catastrophique de notre système universitaire et de recherche. Qui sait que la France propose à ses chercheurs, après dix ans d'étude, un smic et demi de salaire d'entrée ?
Comment en ces conditions préparer la société de demain ? Les professions libérales et toute personne confrontée à l'enfer bureaucratique français également, particulier ou entreprise.
On semble mal mesurer à quel point, pour un particulier, le lancement de tout projet est devenu un calvaire en ce pays. La création d'un service public de la comptabilité devrait être une priorité pour toute force de gauche. Toute personne ayant cherché à recruter et payer correctement quelqu'un, c'est-à-dire au dessus du SMIC, en sera également pour ses frais: rien n'est proposé en ce qui concerne le système actuel qui fait reposer le poids des cotisations sur les classes moyennes, et les trappes à bas salaire qu'elle implique depuis les lois Fillon.
La multiplication de propositions catégorielles propres à une "gauche de la subvention" ne fera par ailleurs qu'accroître les césures entre ceux qui, au sein de la société, ont l'impression de ne jamais en bénéficier et de lourdement les financer, et ceux qui, aveuglés par la "naturalité" de ces bénéfices, ont fini d'oublier combien il en coûtait de générer des ressources.
Enfin: rien de sérieux n'est détaillé en ce qui concerne ce qui devrait être la priorité absolue, à savoir le sauvetage urgent des services publics, qui seuls peuvent légitimer un interventionnisme massif de l'Etat dans le circuit économique. La gauche qui se gargarise d'égalité des chances sait-elle comment sont formés et recrutés nos professeurs aujourd'hui ?
Les éléments suggérés à cet égard sont non seulement vagues mais parfaitement insuffisants, en tous domaines, qu'il s'agisse de la crise sanitaire et hospitalière que connaît notre territoire, de sa crise éducative ou de son effondrement judiciaro-sécuritaire lié à l'expansion massive des trafics et des mafias au sein de notre pays. Comment l'expliquer ?
Il y a bien sûr la précipitation, qui se ressent notamment sur les questions sociétales, et des oeillères idéologiques liées à la condition sociale des caciques des partis qui composent la coalition.
Mais il y a plus fondamental. Je vais être provocateur, mais on sent que ce programme a été élaboré par des personnes qui ont toujours vécu de l'argent public.
Ils n'ont, semble-t-il, aucune idée que leurs salaires, leurs revenus et leur confortable vie parisienne sont le fruit des efforts et des sacrifices de millions de français, ponctionnés pour les alimenter.
La France sombre, et ne dispose plus de quelques années pour se détacher du bateau coulant dans lequel elle s'est embarquée. Notre priorité, commune, doit être de mettre à bas ceux qui se sont pris de nous gouverner.
Mais il faudra y arriver sans ne rien concéder à ceux qui, tapis, aspirent à les remplacer pour ne rien changer.
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