Les écrans prolifèrent dans notre univers quotidien. Pour maîtriser et analyser cet afflux d’images, un nouveau langage reste à inventer. Courrier International vient d’ailleurs de traduire un article remarquable du New York Times qui en dit long sur l’omniprésence des écrans. Extrait.
« Ou que l’on regarde, il y a des écrans. L’autre jour, j’ai vu des extraits de film tout en prenant de l’essence pour ma voiture. L’autre nuit, j’ai vu un film dans un avion sur un écran accroché au fauteuil devant moi. On nous fait voir des films n’ importe où. La prolifération de ces écrans crée une demande pour des courts métrages de trois minutes, tandis que les outils de création numérique bon marché font éclore une nouvelle génération de cinéastes, qui s’empressent d’alimenter ces écrans. Nous allons vers une omniprésence des écrans. Nous devenons des gens de l’écran.
Toutes sortes d’outils apparaissent, qui permettent de créer facilement de la vidéo numérique. En septembre 2008 sur youtube, certaines vidéos ont été regardées plus de dix milliards de fois. Les plus populaires ont autant de spectateurs que n’importe quelle superproduction. Beaucoup d’entre elles sont des mashups de ses séquences existante. Remixer de la vidéo peut même devenir une sorte de sport collectif. Certains amateurs le pratiquent aussi vite que vous tapez un texte.
En fait, le mashup est structuré comme un langage : il consiste à déplacer des images comme s’il s’agissait de segments de phrase. […] le nouveau langage de l’écran implique la capacité d’analyser et de manipuler des images en mouvement avec la même aisance. Par exemple, si je veux comparer visuellement la récente série de faillites de banques dont il est question dans un classique du cinéma, La vie est belle (de Frank Capra), il n’y a pas moyen de pointer vers cette scène avec précision. Nous n’avons pas encore l’équivalent d’un lien hypertexte pour le cinéma. Je devrais pouvoir faire une recherche dans l’index visuel d’un film, parcourir une table des matières visuelles ou un résumé visuel de tout le film.
Mais comment feuilleter un film comme on feuillette un livre ? Y a-t-il un moyen de réduire le contenu d’un film à un répertoire d’images dont on pourrait prendre connaissance rapidement, comme la table des matières d’un livre ? […] Le comble de la vidéo serait de permettre des recherches dans une cinémathèque comprenant la totalité des films, à la manière dont Google peut explorer le web.
Tout le monde attend un outil qui permettrait de taper des mots clés, mettons « bicyclette et chien », et de retrouver ainsi des scènes de n’importe quel film ou il y aurait un chien et une bicyclette. […] Le nombre de vidéos créées par les utilisateurs est tel qu’il exige à lui seul l’acquisition de ce nouveau langage. Les vidéos les plus populaires sur le web peuvent atteindre des millions de téléchargements. Et les meilleures parodies engendrent de nouvelles parodies. Le site Time tube propose un arbre généalogique des vidéos les plus populaires et des leurs descendances. Toutes ces petites innovations vont dans le sens dune meilleure maitrise des écrans.
Nous sommes d’ores et déjà des gens de l’écran. L’année dernière, les fabricants d’écrans numériques ont produit 4 milliards de nouveaux écrans, et ils s’attendent à en produire des milliards de plus dans les années qui viennent. Le texte, le son et les images animées vont continuer à fusionner en un seul média mixte en affluant sur un réseau toujours allumé » […]