Guillaume Cagniard et Virgile Texier viennent de réaliser un film-ovni absolument remarquable pour Clément Froissart (qui a décidé de mettre son groupe Concorde entre parenthèses) à l’occasion de la sortie de son premier album solo.
Extrêmement efficace dans sa mise en scène grâce à leur concept « de la vidéo-texto en vertical », les deux professionnels de l’imaginaire offre une vision ultra-pertinente de l’adolescence, loin, très loin de toutes les inepties que l’on peut voir en ce moment sur le sujet.
Certains penseront aux Kids de Larry Clark, d’autres à l’esthétique de Xavier Dolan, nous personnellement on pense simplement que l’addition de ces deux talents que l’on aime suivre depuis des années, risque de faire des ravages si un diffuseur de séries-courtes avait la bonne idée de leur confier le développement d’une série sous la forme d’un prolongement de ce premier film signé à deux. Pour en être malgré tout certain, on a voulu leur poser quelques questions. On n’a pas été déçu. Producteurs et diffuseurs, à vous de jouer maintenant.
Comment avez-vous eu l’idée de faire ce clip?
– Guillaume : Clément Froissart, l’ex leader du groupe Concorde, est venu vers moi pour me présenter son projet d’album Solo. C’est d’abord le titre « Dreamers » qui m’est apparu comme une évidence. J’ai adoré le morceau, j’ai appelé Virgile pour qu’on en parle, et je l’ai invité à venir bosser dessus, ça s’est fait naturellement. C’est d’abord le titre de la chanson « Dreamers » qui nous a mis sur la piste de l’adolescence. C’est la période de mutation majeure chez l’individu. Pour moi c’est une période d’oscillation, de contraste entre le rêve, la fiction d’un personnage qu’on s’invente et une réalité qui peut être très dure et même parfois dangereuse.
– Virgile : Oui on a une attraction folle et commune pour ce thème de l’adolescence, je trouve qu’il charrie tous ce qu’il y a de plus important, les premières amours, les romances déçues, la naissance du corps et du désir, les pleurs, la joie, l’insouciance et la douleur. J’aime qu’à cette période tout soit extrêmement grave (les baisers, les douleurs) mais jamais sérieux. J’aime que tout se résume aux sentiments, à cette question de savoir qui a embrassé qui. Le thème du léger-profond est ce vers quoi on tend, Romain Gary disait qu’il y a quelque chose d’extrêmement grave dans la légèreté. Au fond, c’est peut-être ça l’adolescence.
– Guillaume : Une fois le sujet choisi, on a casté le personnage principal du film grâce a Clément Froissart qui nous a présenté Zia, 15 ans, elle nous a immédiatement séduit par sa personnalité. Elle a une force et une beauté incroyable, et une fragilité qu’elle retient, ça nous a beaucoup plu. C’est elle ensuite qui nous a guidé vers toute une bande de son âge. On a décidé de s’imprégner, de mieux connaitre ces ados pour être au plus juste de l’esprit adolescent d’aujourd’hui.
– Virgile : Au fond, notre idée était de saisir cette nouvelle adolescence. On n’avait pas encore écrit le clip tel qu’il est aujourd’hui, on avait simplement écrit une série de scènes qui devait chacune faire naître un sentiment. On voulait vraiment garder ce temps de la rencontre avant de trop écrire. Et on s’est aperçu très vite qu’on avait une vision trop romantique, trop lyrique de l’adolescence. On s’est heurté, grâce à cette période d’immersion à une réalité beaucoup plus brute, plus violente même.
– Guillaume : Oui on a justement voulu jouer et assumer cette double vision dans le clip dans la narration même de l’histoire. On a donc passé quelques jours avec eux afin de mieux comprendre et on a fini par les interviewer chacun à l’iphone qui nous semblait être le moins intrusif pour eux, étant leur outil de communication par excellence. Les échanges texto qu’on avait avec eux étaient ce qui nous paraissait, le plus naturel, le plus direct, le plus fort et d’un point de vue de réalisateur, le plus moderne. Le concept de la vidéo-texto en vertical est né à ce moment-là. On a immédiatement testé l’échange en maquette, ne sachant pas si ça allait fonctionner. On se l’est envoyé par message dans la foulée et ça a été une évidence. On avait 20 secondes en format vertical et c’était pour nous une claque.
Pensez-vous qu’il serait intéressant de l’adapter en série ?
– Guillaume : L’idée d’une série-docu, on l’a évoquée tout de suite, dès les interviews avec les ados, alors même que le clip n’était pas encore tourné. Il y avait tellement à dire, à montrer, leur vision de l’adolescence, de l’amour, des réseaux sociaux. On était fasciné par ce qu’ils nous racontaient. On a fait ce clip, mais on a déjà commencé à réfléchir à une mini-série, dans le même format, le format smartphone, vertical. C’est selon nous le format le plus adapté pour dire cette génération.
Pensez-vous que les contenus pour les téléphones par les téléphones sont l’avenir de la production audiovisuelle?
– Virgile : On leur a posé une question avant le tournage dont la réponse nous a sidéré. On leur a demandé s’ils allaient au cinéma. Des 15 jeunes qui étaient présents, un seul était allé voir un film dans l’année, la plupart n’était jamais allé au cinéma. (Ils ont entre 15 ans et 17 ans). On leur a demandé alors ce qu’ils regardaient. La réponse est unanime : des séries sur Netflix. Ils regardent très peu la télé, ne vont pas au cinéma mais passent leur temps sur leur smartphone à streamer du contenu sur les plateformes youtube, Netflix et autre. C’est pour nous une évidence, le cinéma s’essouffle au profit d’un nouveau type de contenu.
Savoir par quoi il sera remplacé vient ensuite ; après avoir remplacé l’appareil photo, le portable risque surement de devenir l’outil privilégié de la fiction. Pour nous ce constat n’est pas alarmant, il faut accueillir ce changement et profiter de toutes les possibilités qu’il offre, et avec un peu de chance le cinéma existera encore pour notre premier long…
Donc idéalement votre mini-série vous préféreriez la diffuser sur Studio+ ou Blackpills ?
G&V : Black +
Et quels sont vos projets pour le futur ?
G&V : Se faire embaucher par Netflix. Sinon on a adoré bosser ensemble, on va surement réfléchir à d’autres collaborations. La mini-série est peut-être le format le plus excitant du moment.