Tout le monde en parle. Ce n’est plus une simple rumeur pour initiés. Du Guardian à Slate, les journalistes commencent à écrire noir sur blanc ce qui n’était qu’une théorie complotiste de plus ces dernières années.
« Cryptomonnaies, immobilier, investissements boursiers ou dans la dette, entreprises de la tech au firmament, fortunes en banque des grands patrons, matières premières: dans cette ère particulière où l’«argent facile» a coulé à grands flots, tout a flambé pour former ce que Business Insider nomme une «everything bubble».
Tout a flambé, y compris l’inflation. Désormais galopante aux États-Unis (où elle bat des records vieux de quatre décennies) comme ailleurs, elle constitue une menace économique suffisamment sérieuse pour que Jerome Powell et la Fed –comme Christine Lagarde et la Banque centrale européenne– annoncent la fin de la récré.
Selon Jeremy Grantham, co-fondateur de la firme d’investissement GMO, basée à Boston, la gueule de bois pourrait être terrible. Comme le rapporte le Guardian, il compare la «super-bulle» actuelle à la situation pré-crise de 1929, à la bulle internet des années 2000 ou à la crise des subprimes.
La grande nervosité de Wall Street ces derniers jours, qui attend avec fébrilité les décisions de la Fed et scrute dans l’angoisse la situation à la frontière ukrainienne, va dans le sens des analyses du Britannique: jamais la super-bulle, qu’il décrit comme étant la quatrième du siècle pour les États-Unis, n’a paru si proche de l’éclatement.
Quelques signes pourraient ne pas tromper. Netflix, l’un des grands gagnants de la pandémie et de ses confinements, l’un des vaisseaux amiraux de la nouvelle ère tech également, a dégringolé de plus de 20% –un cinquième de sa valeur, c’est colossal– vendredi 21 janvier, après la publication de résultats jugés décevants.
Plus curieux encore, Microsoft a réussi la performance plutôt tordue de perdre 5% en bourse mardi après l’annonce de résultats qui, cette fois, ont dépassé les attentes: près de 19 milliards de dollars de profits, de solides performances sur tous les fronts et les belles promesses du rachat gargantuesque d’Activision Blizzard n’ont pas empêché les investisseurs de se délester d’une partie de leurs titres.
Qu’en sera-t-il à l’annonce des résultats de Apple, Tesla, Intel ou Samsung ces jours prochains, puis Alphabet, Amazon et Meta un peu plus tard? Brian Wieser, président de GroupM Global, explique au Guardian que les fondamentaux et perspectives de toutes ces firmes restent solides et se méfie de l’idée d’une bulle sur le point d’éclater.
D’autres notent en revanche que la déconvenue de Netflix pourrait être un tournant, le signal d’un changement de mentalité chez les investisseurs, paniqués par la hausse du prix de l’argent que commencent à dessiner la Fed et d’autres banques centrales.
La panique semble réelle, rampante, les nerfs sont tendus, la simple peur de la douleur et un quelconque déclencheur –une guerre en Europe?– pourrait aboutir à des mouvements massifs et une très sérieuse correction dans les prochaines semaines ou prochains mois.
Et celle-ci ne concernera pas que quelques traders, mais le monde entier. «L’une des raisons principales pour lesquelles je déplore les super-bulles –et en veux à la Fed et à d’autres autorités financière de les faciliter– est qu’on sous-estime les dégâts qu’elles peuvent causer lorsqu’elles se dégonflent en entraînant avec elles notre richesse», écrit Jeremy Grantham, repris par CNN.
«Quand elles se forment, les bulles nous donnent une idée follement surestimée de notre richesse réelle, ce qui nous encourage à dépenser en conséquence. Puis, alors qu’elles explosent, elles démolissent ces rêves et accélèrent les forces négatives qui tirent l’économie vers le bas.»
«Bonne chance! Nous allons tous en avoir besoin», conclut le Britannique: ça promet pour les mois à venir. »