Louise Brévins, c’est un pseudonyme, quatre années de prostitution racontées crûment. Une activité choisie, toutefois rien de romantique, ni de glamour là-dedans. Seulement, la lucidité d’une jeune mère de famille qui avait besoin d’argent et qui, pour l’avoir vécu et être sortie de la « puterie » – comme elle dit – juge que ça aide, que ça rapporte, mais que ça bousille, aussi.
Louise Brévins raconte comment elle en est venue à se prostituer
Louise Brévins témoigne « On s’en sortait vaille que vaille jusqu’à cette invasion de punaise de lit. Il n’y a pas de mystère quand on devient mère à 19 ans, en première année d’université, qu’il n’y a plus de papa, les problèmes financiers ne sont pas loin. J’ai donc pris un, puis deux boulots, des jobs de jour, de nuit, des boulots de week-end. Mais on était toujours sur le fil du rasoir et ça peut basculer très vite. Là, cela a été cette invasion de punaises de lit qui coûtait littéralement un rein pour la désinfection qui m’a fait basculer. J’ai dû prendre un autre appartement… Et donc j’ai eu recours à la « puterie ».
La « puterie »
Louise Brevins a intitulé son livre Pute n’est pas un projet d’avenir, mais elle avoue que se prostituer lui a apporté bien plus qu’elle ne lui a pris : « Cela m’a permis d’élever ma fille dignement, et entre deux maux, j’ai choisi le moindre. Car on connaît les dégâts de la précarité dans l’enfance. On sait comment les enfants grandissent, quand ils voient leurs parents galérer et vivre dans le stress. »
A tous les parents qui se disent : « Ma fille ne se prostituera jamais »
Dans son livre, elle répond à ceux qui pensent que leur fille préférera travailler en fast-food, elle répond « Dans les deux cas, que ce soit avec une b* dans la bouche ou avec une charlotte sur la tête et les mains dans la graisse, elles perdront temporairement leur dignité. » Elle ajoute : « Il y a des tas de jobs précaires qui tirent à balles réelles sur les jeunes, des boulots dans lesquels, on n’est pas libre, on est déshumanisés, où on se fout de tes ambitions, de tes projets… Au moins, dans « la puterie », je pouvais faire des pauses, j’avais des revenus très substantiels qui me permettaient de le faire. »
L’argent
120€, la « passe » et 480€ pour les massages… Louise Brévins : « Il y a énormément de choses qu’on ignore quand on se lance là-dedans. Il n’y a pas un manuel. J’étais « pute pure », c’est-à-dire que j’étais ce qu’on pourrait considérer comme escort-girl. Lorsque je me suis mise en couple… J’ai trouvé un compromis comme « masseuse naturiste » : masser des hommes nus en étant nus soi-même et les faire jouir, par une fellation protégée ou une masturbation. Je me voyais comme une semi-pute. L’idée de la pute est souvent associée à l’idée de l’argent facile par l’ensemble de la société. Mais les hommes associent souvent l’idée que ce serait pour les femmes un job qui lierait l’utile à l’agréable. C’est un concept qui me fait beaucoup rire. Si la « puterie » était de l’argent facile qui joint l’utile à l’agréable, mais toutes les femmes seraient putes !
On gagne certes sa vie, mais on a beaucoup de frais : du loyer du local, aux capotes en passant par la lessive… Comme l’argent ne rentre plus par mois, mais de façon régulière, il est difficile d’arrêter. Pour passer de 4000€ à 1000€, il m’a fallu un changement drastique.»
Les clients en veulent toujours plus
Louis Brevins témoigne : « Les clients sont des enfants à qui tu donnes la main et qui veulent prendre le bras. Ils viennent et ils essaieront d’en avoir davantage. Et ça pour 80 % des clients au moins ! Ils le feront d’une façon plus ou moins subtile, et d’une façon plus ou moins respectueuse. Mais c’est ce qui fait qu’on se sent souillée. Même si certains m’ont respectée, tous tentent !
On se fait souvent une idée de qui sont les clients de la pute, alors qu’ils sont la société tout entière. Je pensais écrire sur les hommes. Mais je n’ai écrit que sur des clients de la « puterie ». Mais c’est un panel énorme de la société qui passe entre nos murs. Ces clients ont tous les âges, toutes les nationalités, toutes les religions, viennent de tous les milieux sociaux. Ils ont tous un besoin similaire : le besoin de jouir. Or, on n’en parle pas assez souvent : la sexualité des hommes comme besoin. Jouir n’est pas pour eux un luxe, un caprice, ou un désir, mais bien un besoin. »
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