Seule l’une des deux boîtes piégées a explosé. Il était un peu plus de 19 heures, mardi 13 septembre, et le campus de la Northeastern University, à Boston, s’était vidé. La déflagration n’a fait que des dégâts légers et a légèrement blessé un employé officiant dans le Holmes Hall, où sont hébergés les laboratoires de médias immersifs. Une lettre de revendication, assez confuse, s’en prenait pêle-mêle aux méfaits de la réalité virtuelle et au métavers, la nouvelle lubie de Mark Zuckerberg, qui n’a lui-même aucun rapport avec cette université. Si ce n’est les cinqs kilomètres qui la séparent de celle de Harvard, où le gourou technologique a brièvement étudié et inventé Facebook, en 2004.
Facebook au centre de toutes les attaques
Dix-huit ans après sa création, le réseau social est au centre de toutes les attaques. Et plutôt que de rassurer, son fondateur n’en finit pas de semer le trouble: dans la société américaine, sur les marchés et jusqu’à l’intérieur de son entreprise qui emploie aujourd’hui plus de 83.000 personnes à travers le monde. Environ trois milliards de personnes passent chaque jour sur l’une de ses plateformes, Facebook, Instagram ou Whats App.
Une puissance phénoménale. Mais Zuck, le visionnaire, semble désormais en panne d’inspiration sur la suite des événements. Sa décision de concentrer toutes les forces du groupe sur la réalité virtuelle et le métavers, accompagnée du changement de nom de Facebook en Meta, n’a fait qu’ajouter à la confusion au sein des équipes et parmi les clients. Devancé par la concurrence, ciblé par les autorités antitrust, critiqué et sanctionné pour son utilisation excessive des données de ses utilisateurs, le groupe californien n’inspire plus confiance. En début d’année, pour la première fois de son histoire, Facebook a annoncé une baisse du nombre de ses utilisateurs actifs, et au deuxième trimestre, autre grande première, le groupe a accusé un recul de son chiffre d’affaires. La sanction en Bourse est sévère: le 31 août 2021, sa valorisation dépassait les 1.000 milliards de dollars. Elle a fondu depuis de 60%.
Succès inquiétant de TikTok
Mais le début des ennuis est plus ancien. Il y a tout juste trois ans, le 19 septembre 2019, Mark Zuckerberg se trouvait face à Donald Trump dans le bureau ovale de la Maison-Blanche. Tenue secrète, la rencontre avait été racontée par deux journalistes du New York Times dans leur livre L’Inquiétante Vérité (Albin Michel). Entourés des plus proches conseillers du président, parmi lesquels son gendre Jared Kushner, les deux hommes s’étaient entretenus durant une bonne heure, dissertant sur l’avenir du monde et notamment sur la menace posée par la puissance technologique chinoise. Et plus particulièrement sur l’inquiétant succès de l’application TikTok, l’une des plus téléchargées au monde.
Dans les mois qui suivront, et jusqu’à la fin de son mandat, le président Trump n’aura de cesse d’essayer de faire interdire l’appli aux Etats-Unis. Sans succès, au grand désespoir de Mark Zuckerberg, qui voyait la croissance de son groupe sérieusement entravée par l’ascension de ce jeune concurrent. Faute de pouvoir le faire éliminer, « Facebook s’est “tiktokisé”, en copiant tous leurs codes », observe le spécialiste du marketing digital Stéphane Zibi. Une stratégie classique dans l’univers de la tech, qui n’a pas empêché le rival chinois de s’installer en tête des classements des magasins d’applis d’Apple et d’Android. Et de placer les équipes de Mark Zuckerberg face à ce constat accablant: TikTok a détourné le temps disponible de leurs utilisateurs.
Apple devenu transparent sur son trackage, Facebook borgne
C’est donc avec des positions fragilisées que le géant californien a encaissé le vrai gros choc de marché, au printemps 2021. Voilà plusieurs mois qu’Apple repoussait un changement de règles dans le fonctionnement de son App Store. Le 26 avril 2021, il a finalement mis en place l’App Tracking Transparency: à partir de cette date, l’utilisateur doit obligatoirement consentir à être tracké dans une appli téléchargée dans le magasin d’Apple. S’il refuse, l’éditeur de l’application ne peut pas accéder à son identifiant publicitaire et ne peut donc collecter aucune donnée sur son comportement. Or, par réflexe, le consommateur aura naturellement tendance à refuser d’être suivi à la trace lorsqu’il utilise son smartphone. « C’est là que les problèmes ont vraiment commencé, estime un ancien cadre du réseau social. A partir de ce moment, Facebook est devenu borgne. »