Chaque soir, il est l’autre moitié de Quentin Margot dans Le Petit Journal. Mais Éric Metzger n’est pas qu’un trublion qui bouscule les citoyens, pourtant bien assis dans leur salon. Éric Metzger est aussi un écrivain. Depuis peu, mais un écrivain tout de même. Il publie son premier roman chez L’Arpenteur, La Nuit des Trente. Une déambulation nocturne sur fond de crise existentielle.
Télé, littérature, crise existentielle… évidemment, nous avons voulu lui poser quelques questions.
Tu n’as même pas de page Wikipedia. C’est quoi cette vision dépassée de la célébrité que tu as ?
Mince ! En fait, la célébrité, je n’y crois pas trop. Ca va, ça vient. J’ai débuté en tant qu’auteur télé pour Omar et Fred au SAV. J’écrivais pour les autres et vivais à l’ombre : ça m’allait très bien. Ça n’a jamais été un but d’être célèbre. Mais écrire un livre oui !
En ce qui concerne Wikipédia, j’ai une page, mais partagée avec Quentin, mon acolyte à l’écran ! C’est Eric et Quentin. Finalement, la célébrité, je la partage avec Quentin.
D’ailleurs, tu n’as même pas joué de plan communication pour ton livre, alors que tu es un personnage médiatique ?
J’ai tout à prouver dans le monde littéraire ! Débarquer avec un « plan com’ » aurait été déplacé. Et être un « personnage médiatique » n’est pas un gage de qualité. Je préférais que le public et les critiques découvrent le roman petit à petit, et c’est ce qui s’est passé. Les retours sont bons et j’en suis ravi !
Tu décris une crise de la trentaine qui est une crise de sens, une crise du quotidien. La crise de la trentaine n’est-elle pas ce qu’on appelait il y a encore dix ou quinze ans, la crise de la quarantaine ?
Aucune idée, je n’ai jamais eu quarante ans à la fin des années 90 !
Ne serions-nous pas une génération de vieux ?
Probablement. On s’indigne plus qu’on agit. Pour marquer notre mécontentement, on va sur les réseaux sociaux, et on critique d’un tweet ou d’un commentaire, en restant assis chez soi.
Il y a tout un travail autour de la lâcheté dans le livre. La lâcheté de l’homme face aux femmes. La lâcheté sociale. Selon toi, qu’est-ce que le courage ?
C’est d’avouer d’être lâche ! Plus sérieusement, je ne sais pas, je n’ai de leçon à donner à personne. Il s’agit d’une appréciation très personnelle. Mais disons que le courage, selon moi, c’est de ne pas regarder mais d’agir, et d’agir en assumant la responsabilité de son action.
La crise du sens de l’existence, c’est aussi l’apprentissage de l’absurde. Si on est frappé plus tôt par l’absurde de la vie, est-ce par que notre époque est vraiment absurde, pour ne pas dire complètement conne même ?
Attention, tu as une réaction de vieux con. Notre époque est ce qu’elle est. Cependant, je ne la trouve pas plus absurde qu’une autre. Au moyen-âge, je peux te jurer que ça devait paraître complètement absurde pour certains d’être condamnés à obéir toute leur vie à un type, tout ça parce qu’il était né noble ! Et plus récemment, il y a 70 ans, les femmes n’avaient pas le droit de vote.
En revanche, peut-être qu’effectivement nous sommes frappés plus tôt par cet absurde à cause ou grâce à l’accès à l’information et aux réseaux sociaux. On peut donc comparer, s’étonner, s’agacer de tout ce qui nous entoure beaucoup plus vite.
Mais j’ajouterai qu’en soi, l’absurde n’est pas forcément négatif. Il faut avoir des attentes démesurées, tant pis si notre expérience du monde nous déçoit.
Camus disait qu’une fois réalisé l’absurde, on a deux solutions : s’engager dans le combat pour trouver du sens, ou sombrer dans le cynisme. Tu es d’accord avec Albert ?
On ne peut qu’être d’accord avec Albert. Mais on peut aussi considérer le cynisme comme un combat en lui-même pour trouver du sens.
On suit ton personnage avec plaisir dans son périple et on a l’impression aussi de suivre un propos, une idée. Plutôt limpide d’ailleurs. Sauf que le petit twist final remet en question la simplicité du propos.
C’est exactement pour cette raison que je suis très content de ce twist final ! D’ailleurs, les questions les plus simples ne sont pas forcément les plus faciles à résoudre.
La Nuit des Trente m’a d’abord fait penser au concile de Trente. Le concile qui établit le péché originel. Félix serait-il un pêcheur ?
C’est au lecteur de le décider, notamment en prenant en compte le twist de la fin. Mon opinion, c’est que oui, Félix est un pêcheur. D’autres me disent que non. Il s’agit d’une question morale. Certains placent la barre du pêché beaucoup plus haut, d’autres, plus bas.
Félix, ton personnage, souffre du poids du théâtre social. Démonter ce théâtre, en montrer les limites et les coulisses, c’est ce que tu fais dans le livre et en un sens, c’est aussi ce que fait toute l’équipe du Petit Journal ?
Houlà ! Peut-être que oui en effet. On montre les limites, les coulisses, mais dans le rire.
D’ailleurs, chaque génération rejette un peu le jeu social de ses aînés, mais j’ai l’impression que notre génération le fait de façon plus profonde. Peut-être trop nourrie à la communication et aux médias, les ficelles nous apparaissent comme des cordes.
Les ficelles apparaissent comme des cordes, oui, mais nos aînés ont du mal à le comprendre. De toute façon, d’autres ficelles, neuves et invisibles, vont apparaître. La preuve avec les multiplications des buzz. Notre génération tombe dedans avec une facilité déconcertante. Un simple tweet suffit. Et ces buzz ne sont jamais gratuits. Une vidéo qui buzz, par exemple, débute la plupart du temps par une page de pub…
Tu es né en 1984, donc on est obligé de faire un amalgame entre toi et ton personnage. Tu as mal vécu le passage des trente ans ?
Non. Mais le hasard fait qu’il m’est arrivé beaucoup de choses, bonnes et mauvaises, dans ma vie personnelle. Si on m’avait raconté à 29 ans tous les changements qui sont apparus dans ma vie à 30 ans, je n’y aurais pas cru.
Continuons à parler de toi, j’ai cru lire quelque part que tu avais fait khâgne. Quel est ton parcours ?
Hypokhâgne, khâgne, fac de lettre, stage à la radio, stage chez Canal + au SAV d’Omar et Fred, ensuite auteur pour le SAV puis pour le Petit Journal.
Tu avais entamé une thèse comparative entre Solal et Sorel. Quel est le personnage romantique par essence selon toi ?
Toujours très difficile de sortir UN personnage. Sorel, Solal, mais aussi Jacques Thibault (Les Thibault), et Lucien le personnage de Splendeurs et misères des courtisanes.
Revenons un instant à ta modestie évidente. Quand on voit son visage dans les journaux américains, qu’est-ce qu’on ressent ?
Modestie évidente, c’est gentil, mais je ne sais pas, c’est à mes proches de le dire. Pour la photo dans le New-York Times, disons qu’on l’a pris comme une bonne blague. On a bien rigolé en découvrant l’article. Mais ça n’a rien changé dans ma vie. Je suis bien plus fier du roman La Nuit des trente.
Combien de fois t’a-t-on demandé : il est comment dans la vie Yann Barthès ?
27.867 fois. À noter que lorsque les gens ont trop bu, ils me posent la question deux fois.
Au Petit Journal, tu bosses en duo avec Quentin Margot. Écrire un livre à l’inverse est une activité solitaire. Tu as besoin des deux formes de travail ?
Pas un besoin, un plaisir. Deux plaisirs différents. Écrire avec Quentin, qui est très talentueux, me fait beaucoup rire, on s’amuse bien, il s’agit d’un travail créatif très exaltant. Écrire seul est un plaisir solitaire qui correspond peut-être mieux à mon caractère finalement.
Disons qu’entre ces deux écritures, il y a autant de différences et de points communs qu’entre le jour et la nuit.
Il y a également le cinéma qui s’ouvre à vous, avec la Véritable Histoire de Robin des Bois. Quelles sont tes références en ciné ?
J’adore les films de Leslie Nielsen. Pas du tout intello, plutôt lourds même, mais ils me font tellement rire. J’apprécie aussi beaucoup l’univers de Wes Anderson, tant dans pour ce qu’ils racontent que pour leur réalisation. De toute manière, je regarde un peu de tout…
Pour finir, il est comment dans la vie Yann Barthès ?
Très sympa. Et c’est un vrai bosseur, ce qui est super motivant ! Voilà, ça fait maintenant la 27.868eme fois que je réponds à cette question.