* C’est finalement Cédric Klapisch qui ira verser de l’eau par hélicoptère dans le réacteur 4. Interview avant impact.
RICARD BURTON : Cédric Klapisch, votre dernier film qui sort ce mercredi ressemble à un appel à l’aide, n’est ce pas ?
CECRIC KLAPISCH : Tous mes lundis, les jours qui suivent aussi, sont des lueurs de désespoir. Je suis extrêmement faible et si je continue à faire des films c’est pour croire et faire croire qu’il me reste des choses à dire alors que l’on sait bien que cette période de ma vie est derrière moi.
RICARD BURTON : Pourtant, le Péril Jeune, est celui qui m’a donné envie de devenir boat people, de prendre le risque de traverser la Méditerranée sur une petite embarcation en plein cagnard au risque de me faire ensuquer pour voir de plus près cette sympathique vie de jeunes que vous proposiez alors. Comment s’assèche t-on aussi vite ? Et surtout comment parvient-on à continuer à faire du cinéma alors que vous aviez déjà tout exprimé depuis vos premiers courts-métrages ? Expliquez un peu aux jeunes gens ne sachant rien faire comment ils peuvent s’en sortir ?
CECRIC KLAPISCH : Il faut raconter des choses évidentes, c’est le plus important. Ensuite, exploiter la piste jeune, c’est la meilleure façon de devenir culte : que cela se passe dans un lycée, dans une famille défavorisée. Ne pas lésiner sur les instants comiques mais touchants aussi. Raconter une histoire avec des personnes dans lesquels tout le monde peut se reconnaître et où à la fin tout le monde se réconcilie. Il faut faire des films anti-vie. Je ne vous promets pas le million mais 600.000 et une carrière qui démarre avec quelques festivals de l’humour dans des stations de ski ringardes avec des acteurs de séries françaises dans le jury.
RICARD BURTON : Serait-ce pour cette raison que vous avez sombré dans une dépression chronique qui vous a entrainé à enchaîner des films à l’âme vague ?
CECRIC KLAPISCH : J’aurais aimé être un William Wyler ou un Capra. Quand j’ai vu que ce n’était pas possible, j’ai alors pensé à Woody Allen. Et de Woody Allen, j’ai rétrogradé vers Mike Nichols pour ensuite me rendre compte que peut-être James L. Brooks était plus adéquat. Encore que… vraiment, en me regardant dans la glace, j’ai vite compris que j’étais plutôt de l’étoffe d’un Edouard Molinaro. J’ai cravaché toute ma vie pour passer l’Atlantique et ramener de leur savoir faire. En me délitant, jour après jour, je m’aperçois bien que je n’ai d’américain que le cul usé par trop de bacon-cheeseburgers.
RICARD BURTON : Pour évoquer votre dernière œuvre, qui ne doit pas être simple à assumer, vous avez pensé à quelque chose de très humaniste et en même temps de temps de très ingénieux, voire malin. Pour venir en aide à la population japonaise victime d’un combo de catastrophes, vous avez proposé de reverser une partie de vos recettes à ce peuple en détresse. C’est ainsi que vous espérez gonfler vos entrées ?
CECRIC KLAPISCH : Le cinéma est une industrie mon petit caillou de charbon, si je peux bouffer quelques miettes de sushis sur le dos de cette population, pas plus mal lotie qu’une africaine, je ne me gênerais pas. Ici en Europe on chiale surtout parce qu’il y aura pénurie de PlayStation 3, de Toyota hybride et tout le bordel mais en vérité, le quidam français se contrefout d’un japonais auquel il ne ressemble pas du tout. Il veut se montrer solidaire dans l’espoir de l’appartenance à un groupe de pleurnichard. Moi, je ne sais as vraiment si je suis content que cette catastrophe ait eu lieu, parce que suite à cela, on va voir émerger non seulement une nouvelle vague de réalisateurs qui vont causer du désastre mais aussi de nouvelles œuvres qui vont certainement glaner toutes les récompenses de tous les festivals. Nous laissant nous français dans la panade. Alors bon… vous voyez, c’est un mal pour un bien. C’est pour cela que notre cinéma est si malade en France. Nous ne souffrons de rien, juste de médiocrité. Il doit y avoir une relation de cause à effet. Vous ne croyez pas ma petite abeille ?
* Interview réalisée avec Cédric Klapisch moi-dessus.