–Dans le Périgord noir, une région du sud-ouest de la France à cheval entre le Lot-et-Garonne et la Dordogne, Robert Maxwell, le père de Ghislaine Maxwell avait acquis, au nom de son épouse, des terres, des châteaux et des forêts afin de constituer une enclave privée pour sa famille.
–Ghislaine Maxwell a vécu dans cette enclave familiale où sont installés ses cousins. Lors de ses démêlés financiers aux États-Unis, sa sœur Isabel Maxwell y avait déjà trouvé refuge.
–Dans le testament de Robert Maxwell apparaissent par ailleurs trois appartements en France où la famille de Ghislaine Maxwell possède aussi des attaches en région parisienne ainsi qu’en Provence.
–La famille Maxwell est bien connectée avec l’establishment parisien. La France n’extrade pas ses ressortissants.
Par Xavier Poussard
Publié le 23 avril 2020
Depuis le « suicide apparent » de Jeffrey Epstein, la recherche de sa présumée complice Ghislaine Maxwell se retrouve au centre de l’enquête menée par le FBI. Si les investigations évoquant les pistes israélienne ou britannique n’ont pas apporté de résultats probants, la lettre confidentielle Faits & Documents a publié en exclusivité une enquête sur les liens entre Ghislaine Maxwell et la France, pays où elle est née, dont elle possède la nationalité et où vit une partie de sa famille. Voici, à destination de la presse anglophone, les conclusions résumées de notre enquête parue dans les numéros 476 et 477 de Faits & Documents (datés du 15 janvier et du 1er février).
Le français est la langue maternelle de Ghislaine Maxwell. En France, son père avait discrètement constitué une enclave familiale. Située dans une région recluse du Sud-Ouest de la France, cette enclave n’est pas identifiable à partir du fameux Livre noir, le carnet d’adresses regroupant les contacts de Jeffrey Epstein et de Ghislaine Maxwell. Ce qui explique que cette piste soit passée jusque là sous les radars et que la France ait sans doute été la solution privilégiée par la fugitive.
Une discrète enclave familiale
Avant son décès en 1991, le magnat très controversé des médias Robert Maxwell avait discrètement acquis, dans le Périgord noir, plusieurs châteaux mais aussi des terres et des forêts afin de constituer une « enclave familiale ». Des propriétés acquises au nom d’Elisabeth Meynard, son épouse française, comme le soulignait The Evening Standard dans son édition du 10 décembre 1991.
Les neuf enfants de Robert Maxwell sont nés en région parisienne, à Maisons-Laffitte, où sa belle-sœur Yvonne Vittoz-Meynard (1918-2011) était gynécologue.
Les Vittoz, qui constituent la branche française de la famille de Ghislaine Maxwell, apparaissent dans le Livre noir où l’on retrouve deux des cinq enfants d’Yvonne Vittoz-Meynard, à savoir Martine Moniot-Vittoz, gynécologue à la retraite domiciliée rue Vauban à Maisons-Laffitte, ainsi que son frère Patrick Vittoz, un architecte installé à Londres. Spécialisé dans la rénovation de bâtiments classés en Dordogne pour une riche clientèle britannique, Patrick Vittoz a rénové, pour le compte de Robert Maxwell, le manoir de Fraytet à Montagnac-sur- Lède dans le Périgord noir.
À la fin de sa vie, Elisabeth Meynard, la mère de Ghislaine Maxwell, a passé de plus en plus de temps au manoir de Fraytet « ne recevant qu’un seul visiteur régulier – sa fille Ghislaine, qui a une maison près de Bordeaux » comme le notait alors le DailyMail (24, février 2007).
Outre Patrick et Martine Vittoz, figurent dans le Livre noir les trois enfants de leur sœur, Élisabeth Vittoz et de son époux Jean-Marie Polu, à savoir Emmanuelle Polu, banquière à La Nef, une société financière active dans les projets écologiques et dans l’économie sociale et solidaire, Isabelle Polu, une ancienne responsable du marketing chez Microsoft devenue traductrice spécialisée en psychologie chez l’éditeur parisien JCLattès et Clary-Élisabeth Polu, successivement directrice du marketing de Lycos et de Meetic, épouse du « startupeur » Christophe Schaming, coactionnaire de Winamax, la société de paris en ligne cofondée par la mystérieuse passagère du Lolita Express Nicole Junkermann…Cette branche de la famille a ses attaches au lieu-dit Maillardou, à Montagnac-sur-Lède, dans l’ « enclave familiale » des Maxwell.
Toujours dans cette enclave, vit également à Montaut (Dordogne) le cadet des enfants d’Yvonne Vittoz-Ménard et cousin germain de Ghislaine Maxwell, Michel Vittoz, un écrivain et traducteur, bien connu dans le milieu parisien du théâtre. Son fils Samuel Vittoz dirige, toujours dans le Périgord noir, le Festival de Villeréal. Villeréal est le village où est domiciliée la SCI du domaine d’Élisabeth Meynard veuve Maxwell, la société civile immobilière qui regroupe les propriétés de la famille dans la région.
Après l’organisation, en 2011, de Mindshift, un colloque réunissant le gratin du monde scientifique à Little Saint James, l’île privée d’Epstein, Isabel Maxwell, la sœur aînée de Ghislaine et son compagnon Al Seckel ont été accusés par Ensign Consulting, une mystérieuse société basée aux îles Vierges américaines (comme tant d’autres entreprises d’Epstein), d’avoir détourné 500 000 dollars. Et comme à chaque fois que des membres de la famille Maxwell se sont retrouvés en difficulté, Isabel Maxwell et Al Seckel se sont réfugiés dans la base arrière de la famille, cette fois à Vézac, au château de la Malartrie.
D’autres adresses en France
En plus de l’enclave familiale qui avait été constituée à son nom, Élisabeth Meynard a hérité de trois autres appartements en France, comme le révèle le testament de Robert Maxwell publié dans le Financial Times (19 juin 1992) qui ne précise toutefois pas les adresses.
Christine Maxwell, la sœur jumelle d’Isabel, a été aperçue au mois d’août 2019 en plein déménagement à proximité de Manchester-by-the-Sea (Massachusetts) où a vécu un temps Ghislaine Maxwell. Christine Maxwell a fait savoir par le truchement d’un domestique que la famille n’aidait pas Ghislaine Maxwell et qu’elle la « dénoncerait » si elle savait où elle se cachait (DailyMail, 3 septembre 2019). Cette déclaration était destinée à éteindre l’incendie provoqué par le faitque dans le Livre noir, l’essentiel des contacts de Christine Maxwell renvoient à la France et à une adresse qui a circulé dans l’establishment new-yorkais comme un refuge crédible pour Ghislaine Maxwell. Cette éventualité a été écartée par une enquête du Telegraph (16 août 2019) qui évoque la revente de cette propriété en 2015. Située à Meyreuil (Bouches-du-Rhône), à proximité d’Aix-en-Provence, cette localisation s’explique par le fait que son époux Roger-Frank Malina a été directeur de recherche au CNRS au sein du Laboratoire d’astrophysique de Marseille (LAM). Toujours en France Roger-Frank Malina dirige la revue trimestrielle Leonardo déposée sous forme d’association au 17, rue Émile-Dunois à Boulogne-Billancourt en région parisienne. Aujourd’hui éditée par MIT Press, cette revue portant sur les interactions entre l’art contemporain, les sciences et les nouvelles technologies a été fondée par son père, l’ingénieur américain, Frank Joseph Malina, un proche de Robert Maxwell qui s’installa en France en 1947 comme fonctionnaire international à l’UNESCO après avoir été suspecté pour ses accointances communistes aux États-Unis.
Ghislaine Maxwell protégée par les autorités françaises ?
Il est connu que Jeffrey Epstein possédait un somptueux pied-à-terre à Paris, à deux pas des Champs-Élysées, et qu’il fut arrêté, en juillet dernier, alors qu’il revenait de la capitale française. En outre, l’intendant parisien d’Epstein a évoqué les visites « de ministres en fonction aujourd’hui ou ayant appartenu à des gouvernements passés » comme le rapportait France Info le 30 août 2019 : « Parmi eux figure Jack Lang […] qui a convié Jeffrey Epstein en mars 2019 aux célébrations des 30 ans de la pyramide du Louvre. Les deux hommes se sont rencontrés il y a plusieurs années lors d’un dîner organisé en l’honneur de Woody Allen.»
Jack Lang est un homme politique bien connu en France. Membre du Parti socialiste, reconduit à la présidence de l’Institut du monde arabe à Paris par Emmanuel Macron, il a été à plusieurs reprises ministre de l’Éducation nationale et de la Culture. Jack Lang, dont la fille Caroline Lang figure dans le Livre noir, était également un proche de Robert Maxwell. Il avait appuyé son introduction en France, à la fin des années 80. Cet appui, mais aussi celui de Jacques Attali qui était alors le « sherpa » du président François Mitterrand et qui allait devenir le parrain en politique d’Emmanuel Macron, avait permis à l’époque à Robert Maxwell de devenir le deuxième actionnaire de TF1, la première chaîne française de télévision ainsi que l’actionnaire majoritaire de la société édificatrice de la Grande Arche de la Défense.
Parmi les appuis dans la haute société parisienne apparaissent également dans le Livre noir d’Epstein Alberto et Linda Pinto, les architectes d’intérieurs préférés de Jeffrey Epstein qui ont également aménagé les appartements privés de l’Élysée, le palais présidentiel, du temps du président Jacques Chirac. À Paris, les Pinto ont pignon sur rue. Leur cabinet est situé au 11, rue d’Aboukir dans le IIe arrondissement et Linda Pinto vit aujourd’hui Quai d’Orsay dans le très chic VIIe arrondissement de Paris. Notons enfin que figure dans le Livre noir, à la rubrique concernant le volet le plus explosif de l’affaire Epstein, à savoir Little Saint-James, l’ «île de la pédophilie», l’influent Madison Cox, actionnaire du Monde, le quotidien français de référence, par ailleurs « veuf » de Pierre Bergé, patron d’Yves Saint Laurent, grand argentier de la gauche française et soutien d’Emmanuel Macron.