Il faudrait écrire un traité de diplomatie gastronomique. On y retrouverait quelques repas célèbres, comme celui de François Mitterrand et Margaret Thatcher au restaurant « La mère Poulard », au Mont Saint Michel, en 1988 ; ou encore Jacques Chirac et Gerhard Schroeder « Chez Yvonne » à Strasbourg, en 2014, pour une tête de veau ; ou Emmanuel Macron tentant d’amadouer Donald Trump au restaurant du premier étage de la Tour Eiffel en 2017.
Hier soir donc, le couple Macron recevait le couple Scholz dans un grand restaurant parisien ; « dîner privé » a fait savoir l’Élysée en refusant de faire la moindre communication.
Il s’agit pourtant de tout sauf de simple détente
S’ils manquaient de sujets de conversation, le président et le Chancelier allemand pouvaient toujours parler de la visite à Paris du président chinois Xi Jinping ; Olaf Scholz était à Pékin le mois dernier, et la coordination des positions face au géant chinois s’impose. L’Élysée souhaite inviter Olaf Scholz a participer à la rencontre avec Xi Jinping la semaine prochaine, comme Angela Merkel l’avait fait en 2019 à Paris ; c’était une première !
Toujours s’ils manquaient de sujets de conversation, Emmanuel Macron et Olaf Scholz pouvaient discuter de la couverture du magazine britannique « The Economist », paru hier. On y voit le président français avec ce titre : « L’Europe en danger de mort ».
Dans une interview, le président explicite sa petite phrase sur l’Europe qui peut mourir, prononcée dans son récent discours de La Sorbonne. Et il laisse de nouveau la porte ouverte à l’envoi de troupes au sol en Ukraine : « Si les Russes devaient aller percer les lignes de front, a-t-il dit, s’il y avait une demande ukrainienne -ce qui n’est pas le cas aujourd’hui- on devrait légitimement se poser la question ». Fin de citation.
Lorsqu’il avait fait allusion à cette possibilité la première fois, en février dernier, Emmanuel Macron s’était attiré une réaction négative très vive d’Olaf Scholz. Force est de constater que le président français persiste et signe.
La relation franco-allemande est ainsi faite qu’elle dépend en partie de l’alchimie entre les deux principaux dirigeants
Et ce, de De Gaulle-Adenauer, Mitterrand-Kohl, Chirac-Schroeder, etc., mais pas seulement. L’ampleur des intérêts croisés est considérable, et, surtout, les deux pays sont conscients de leur responsabilité particulière au sein de l’Union européenne.
A l’heure de la guerre en Ukraine, et des autres menaces « mortelles » que constituent le risque de décrochage technologique, ou de la guerre froide sino-américaine, il est vital que les deux principales puissances de l’UE s’entendent. Même lorsqu’elles ont des divergences comme c’est le cas depuis des mois.
Le leadership européen ne peut pas être assuré par un seul pays, si puissant soit-il, ni par un seul dirigeant, si ambitieux soit-il. La France et l’Allemagne ne peuvent pas non plus piloter les « 27 » tous seuls, la Pologne est désormais le meilleur candidat à rejoindre ce leadership historique, et diverses coalitions se forment selon les sujets. C’est un processus complexe ; mais qu’y a-t-il de mieux que la diplomatie gastronomique pour aplanir les différences ?
Source : RadioFrance