Coordinateur national pour la sécurité des Jeux olympiques à Paris, le préfet Pierre Lieutaud n’a pas attendu 2024 pour gagner la médaille d’or, catégorie mélange des genres. Le 14 décembre dernier, il se trouvait (l’épisode est inédit dans les bureaux de la police des polices alias les « boeuf-carottes »). En tant que témoin, il devait préciser son rôle dans l’affaire de l’OPA manquée du groupe de luxe LVMH sur son rival Hermès. Cette saga, qui a donné lieu à une enquête judiciaire, n’en finit pas de se ramifier.
L’une de ses vedettes se nomme Bernard Squarcini. Cet ancien grand commis de l’Etat (flic, préfet, premier patron de la DGSI) est parti pantoufler chez LVMH, histoire de s’offrir une retraite dorée.
Le renseignement mobilisé
Depuis son bureau, situé dans les locaux du géant du luxe, « le Squale » (son surnom) met grandement à contribution Lieutaud, qu’il appelle « Pierrot » ou « mon petit lapin ». Pratique : ce dernier, à l’Elysée, est le numéro deux du Conseil national du renseignement. Au cours du mois de mars 2013, il répond aux nombreuses sollicitations de son « ami Bernard ». Motif ? Pierre Godé, le numéro deux de LVMH (aujourd’hui décédé), s’inquiète : Hermès, dénonçant des pratiques irrégulières dans l’OPA, a déposé une plainte contre le groupe de Bernard Arnault. Le Squale espère que le parquet va classer l’affaire, mais rien n’est moins sûr.
Lieutaud s’efforce alors (les écoutes judiciaires l’attestent) de le rassurer. Une juge d’instruction va haut magistrat (aujourd’hui détaché chez LVMH). « Car je ne joins jamais personne pour avoir des informations de nature judiciaire. » Ça ne crève pas les yeux…
Mais le bon préfet Lieutaud, ancien de la DGSE, prodigue aussi des conseils d’ordre stratégique et, pour juguler l’offensive judiciaire d’Hermès, propose de lancer « une contre-attaque médiatique ». « Le but, précise-t-il aux boeuf-carottes, était de faire passer des messages aux deux groupes dans l’intérêt économique deêtre désignée, mais, pas de panique, c’est « la petite Bilger… elle connaît rien au droit boursier ». Et, ajoute Lieutaud, « le parqueta conclu à une absence d’infraction pénale ». Ces infos, il les tient, à l’en croire, d’un haut magistrat (aujourd’hui détaché chez LVMH). « Car je ne joins jamais personne pour avoir des informations de nature judiciaire. » Ça ne crève pas les yeux…
Mais le bon préfet Lieutaud, ancien de la DGSE, prodigue aussi des conseils d’ordre stratégique et, pour juguler l’offensive judiciaire d’Hermès, propose de lancer « une contre-attaque médiatique ». « Le but, précise-t-il aux boeuf-carottes, était de faire passer des messages aux deux groupes dans l’intérêt économique de ces entreprises et de la France. » Un patriote, un vrai !
Doublé, évidemment, d’un grand serviteur de l’Etat, « toujours rigoureux (c’est lui qui le précise) sur la mise en oeuvre de toute procédure et sur le respect de celle-ci ».
Sans doute est-ce pour cette raison qu’il répond favorablement à une nouvelle demande de Squarcini (d’un tout autre ordre). Ses employeurs, cette fois, s’inquiètent de la montée de la « mouvance gauchiste », incarnée par toute l’équipe du film « Merci patron ! », qui met en scène Bernard Arnault.
Via un collaborateur, Lieutaud refourgue alors au Squale une note rédigée par le Conseil national du renseignement sur le sujet.
Interrogé par la police des polices sur cette drôle de pratique, le préfet tempère : « Il s’agit d’une information sociologique, très générale (…). Les services de renseignement communiquent sur tous les types de menaces. » Peut-être, mais pas auprès de n’importe qui …
Contactés par « Le Canard », le Squale et le petit lapin sont restés silencieux…
Huit mois plus tard, le préfet est mis en examen. Ce haut fonctionnaire affecté au secrétariat général du ministère de l’intérieur et ancien des services secrets, toujours sous le nom de Pierre Lieutaud a été mis en examen en novembre dernier dans l’affaire des barbouzeries du leader mondial du luxe LVMH. La lumière va t-elle être faite un jour ? Nul le sait vraiment.