Si nous avions six ou sept millions d’euros, nous miserions sur le premier long-métrage d’anticipation que nous aimerions voir naître sous la direction du duo Stef&Wyt. Malheureusement, nous n’avons que nos mots pour les aider à financer leurs idées. Il fallait donc rapidement immortaliser noir sur blanc ce qu’ils avaient à l’esprit pour que d’autres financent ce que nous rêvons de découvrir…
Vous êtes à la fois directeurs artistiques, réalisateurs, post-producteurs et photographes, comment vous vous répartissez les rôles ?
On vient tous les deux des arts visuels, et on aime toucher un peu à tout et contrôler les différents processus créatifs sur un film. On aime tous les deux autant l’image en mouvement, la photographie, la post-production et la direction artistique. On est relativement interchangeables, on fonctionne plus sur une addition et un tri d’idées pour arriver à un univers visuel et narratif cohérent. Le processus de recherche et de développement se fait toujours sur une étroite collaboration.
Vous posez une question essentielle dans votre dernier clip qui est de savoir ce qu’il restera de notre identité culturelle dans le futur ? Vous pouvez peut-être déjà nous éclairer ?
C’est une question qui nous obsède beaucoup, surtout à l’heure où de plus en plus d’informations sont dématérialisées. Chaque civilisation humaine a laissé une empreinte derrière elle qui permet aux générations suivantes de conserver ou de retrouver un certain savoir. A l’ère du numérique, avec une technologie de plus en plus exigeante et éphémère, qu’est ce qui sera conservé à travers le temps ? Et cela concerne directement notre pratique en tant que réalisateur du numérique. Nous produisons un art éphémère, qui durera tant que la technique permettant sa lecture et son stockage existera. Mais pour combien de temps ?
On pense par contre que ce sera malheureusement avant tout nos déchets qui tiendront le plus longtemps !
Les fantômes sont très présents dans ce film, comme une forme d’énergie inaltérable qui accompagne la musique. Normalement les fantômes ça fait peur, mais pas avec vous, c’est quoi le secret ?
On a voulu aborder les fantômes avant tout comme une forme énergétique, électrique, et lumineuse, comme une image fantôme imprimée sur la rétine.
L’imagerie du fantôme est assez surannée, il n’y a vraiment plus beaucoup de tentatives pertinentes et réussies. C’est dommage parce qu’avec les technologies actuelles on peut faire tellement !
Vous avez mélangé une approche archéologique dans un clip cinématographique, c’est très osé à l’heure du « tout pute à clic ». Pourquoi ce choix ?
Nos références sont toujours cinématographiques. On cherche, et peu importe le projet, à conserver une qualité dans le traitement de l’image comparable à celle des films de cinéma. On pourrait dire qu’on a cette fâcheuse tendance à fétichiser l’image cinématographique, jusqu’à chercher à lui donner une présence matérielle et physique, comme celle de la pellicule. On adore bidouiller l’optique, travailler la texture de l’image, sa densité, la profondeur de champ, utiliser le format scope et des objectifs anamorphiques. L’adéquation entre l’image et le contenu n’est vraiment pas quelque chose a sous-estimer, tout est une question de feeling et d’impact !
C’est donc devenu un combat de continuer à produire des images photo-géniques et incarnées, malgré l’époque du « tout pute à clic », du content YouTube, et le manque d’exigence technique dans une partie du cinéma d’art contemporain.
Les images doivent avant tout vivre.
Vous avez travaillé à la NASA en fait ?
Du tout, mais l’exploration spatiale est ce qu’il y a de plus excitant à l’heure actuelle !
Mais la NASA se rend vraiment accessible, avec leurs archives ou le stream en temps réel de l’ISS par exemple, c’est fascinant comme point de vue sur l’univers !
Comme nous l’avions publié lors de la sortie de votre dernier film, Stef&Wyt mettent en images ce que Philip K. Dick immortalisait dans ses livres, vous pensez comme nous qu’en 2017 Philip K. Dick aurait « liké » votre dernier clip ?
En tout cas on l’espère ! On peut vraiment se demander comment il vivrait dans cette société des réseaux sociaux, qu’il a lui-même prédit sous différentes formes !
Ses livres sont d’une telle richesse, il y aurait encore tant de choses à adapter. C’est d’ailleurs quelque chose qui nous intéresse beaucoup, l’adaptation d’une de ses œuvres au cinéma. Lui et Ray Bradburry.
Vous êtes en train de préparer votre premier long-métrage, ce qui nous intrigue énormément, vous pouvez nous en dire un peu plus ici ?
On prépare l’adaptation d’un scénario écrit par l’écrivain anglais Graham Farrow. Séduits par nos univers respectifs, on a su qu’on devait collaborer sur un projet ensemble. C’est une œuvre très psychologique, avec un vrai potentiel atmosphérique.
Et puis je crois qu’il y a aussi un clip un peu fou qui arrive dans un monde entre Blade Runner et Metropolis ?
Oui, mais on ne peut pas trop en parler à l’heure actuelle. On a hâte de pouvoir montrer les premières images ! Ce sera vraiment un univers visuel comme on en voit rarement dans les clips en ce moment, très ‘roman graphique’.
Revenons maintenant sur terre, êtes-vous représenté en France par une société de production ? Si non, avez-vous un désir en particulier ?
Non pas encore. Mais on aimerait beaucoup être représentés comme duo de réalisateurs pour des projets exigeant des effets spéciaux, de l’animation 3D, de vraies atmosphères cinématographiques. On aimerait avoir l’occasion de développer des univers visuels, des identités riches avec beaucoup d’impact, autant pour des artistes que pour des marques. Mais notre but reste la fiction, dans son intégrité narrative.
Et puis si nous avions une baguette magique, et que donc tout était possible, quel est le projet que vous n’avez pas encore réalisé et que vous aimeriez voir naître avant la fin de l’année ?
Notre Blade Runner à nous ! En réalité Denis Villeneuve est en train d’enquiller tous les remakes SF imaginables.
Mais notre projet ultime serait un long métrage basé sur un livre obscur écrit par un futurologue, dont on ne dévoilera pas le nom pour garder l’effet de surprise, on ne sait jamais !
Ça ferait un grand film d’anticipation avec un vrai point de vue sur notre évolution sociétale…