Cette broderie millénaire, longue de près de 70 mètres et haute de 50 centimètres, qui relate la conquête de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant en 1066, est au cœur d'une controverse qui met en lumière un contrôle draconien de l'information par le pouvoir exécutif.
Annoncé le 8 juillet 2025 par le président Emmanuel Macron, le prêt de cette œuvre fragile au Royaume-Uni de septembre 2026 à juillet 2027 soulève une tempête de protestations. Mais ce qui choque le plus, c'est le black-out total imposé par l'Élysée sur les documents clés, évoquant les méthodes opaques d'un régime comme la Corée du Nord, où l'État dicte ce qui peut être su ou non.
Un prêt historique... ou un risque irresponsable ?
Rappelons les faits. Le 8 juillet 2025, lors d'une visite officielle, Emmanuel Macron a déclaré que la France prêterait la tapisserie de Bayeux au British Museum de Londres, marquant un geste diplomatique symbolique. Ce prêt, envisagé depuis 2018 mais relancé récemment, coïnciderait avec des travaux de rénovation au musée de Bayeux.
Selon l'entourage présidentiel, il s'agit de renforcer les liens franco-britanniques post-Brexit, en rappelant que l'œuvre n'a pas quitté la France depuis des siècles – sauf brièvement sous Napoléon en 1803-1804 et pendant la Seconde Guerre mondiale pour des raisons de sécurité.
Pourtant, les experts en conservation textile sonnent l'alarme. Cette "tapisserie" n'en est pas une : il s'agit d'une broderie sur toile de lin, extrêmement fragile. Des spécialistes mondiaux, interrogés par La Tribune de l'Art, affirment que tout transport pourrait causer des déchirures, des extensions de dommages existants, des pertes de matière et des cassures de fils. "Il est totalement impossible de prêter cette œuvre sans risque majeur", insistent-ils. Même un fac-similé – une copie fidèle – est proposé comme alternative, une pratique courante pour protéger les originaux.
La ministre de la Culture, Rachida Dati, a relancé le projet en janvier 2025, affirmant que "après plus de 10 ans d'études, les travaux vont enfin commencer". Mais où sont ces études ? C'est là que le scandale éclate.
L'Élysée, forteresse du silence
Le 10 août 2025, Didier Rykner, fondateur de La Tribune de l'Art, a révélé sur X (anciennement Twitter) avoir interrogé l'Élysée un mois plus tôt pour obtenir l'"Étude de faisabilité pour le transport de la tapisserie de Bayeux", datée du 4 mars 2022. Aucune réponse. Pire : le ministère de la Culture renvoie systématiquement vers l'Élysée pour toute information sur le sujet. "C'est comme si cette œuvre d'un musée de France était devenue un document secret défense", dénonce Rykner dans un thread qui a cumulé plus de 250 000 vues.
Face à ce mur, Rykner a saisi la Commission d'Accès aux Documents Administratifs (CADA), respectant le délai légal. "Drôle de démocratie que celle qui refuse aux journalistes l'accès à des documents qui leur permettent de travailler", s'indigne-t-il. Et d'ajouter : "Qui peut penser qu'ils n'ont rien à cacher ?" Cette opacité totale rappelle les régimes autoritaires où l'État contrôle l'information comme un bien précieux, interdisant toute transparence. En Corée du Nord, par exemple, les médias sont muselés et les faits dissimulés pour préserver l'image du pouvoir. Ici, l'Élysée semble adopter une posture similaire, transformant un débat patrimonial en affaire d'État verrouillée.
Des sources proches du dossier, contactées pour cette enquête exclusive, confirment que l'étude de 2022 pourrait révéler des risques trop élevés, expliquant ce silence. Pourquoi sinon refuser de la communiquer ? Frédéric Petit, un expert cité dans les médias, estime que "le président ne taperait pas du pied si on lui dit que ce n'est pas possible". Mais sans accès au document, comment juger ?
Une mobilisation populaire contre le "crime patrimonial"
La résistance s'organise. Une pétition lancée par La Tribune de l'Art sur Change.org, adressée directement à Emmanuel Macron, dénonce ce prêt comme un "crime patrimonial". Elle met en avant la fragilité de l'œuvre et accuse le gouvernement d'ignorer les recommandations des restaurateurs, risquant de discréditer leur expertise.
À ce jour, elle a recueilli plus de 33 234 signatures, avec des appels à manifester en août. "Les Anglais qui la verront chez eux ne viendront plus à Bayeux", regrette un signataire, soulignant les pertes touristiques pour la Normandie.
Sur X, les réactions fusent. Des utilisateurs comme @michel_viot appellent à la "résistance forte" pour protéger le patrimoine, suggérant même aux Britanniques de traverser la Manche pour la voir. D'autres, comme @OLLIERChris, partagent la pétition et organisent des rassemblements. Les Patriotes Normands, via des vidéos YouTube, mobilisent contre ce qu'ils voient comme une spoliation culturelle.
Vers une crise de transparence ?