Le service de renseignement militaire russe GU (ex-GRU) cherche à recruter plus activement des sources et agents d’influence sur le territoire français. Et ce, via son bot Telegram fermé créé fin janvier, dont Intelligence Online a révélé le fonctionnement (IO du 28/02/24 et du 13/02/24)
Suivant le même modus operandi que les campagnes de recrutement précédentes, une chaîne Telegram affiliée à la milice Wagner en Biélorussie (IO du 16/08/23) a publié une annonce le 20 avril permettant au GU de faire la promotion de son bot sous faux drapeau. Le GU y enjoint, en français, les potentiels sympathisants à « empêcher le début d’une nouvelle guerre en Europe » en transmettant des « données sur les militaires, les forces de l’ordre et les services de renseignement de la France, et aussi sur les habitants de la France ».
Des sources moscovites au sein de l’appareil sécuritaire russe ont confirmé à Intelligence Online qu’il s’agissait bien d’une opération du renseignement militaire et non de Wagner.
La France ciblée
Les annonces précédentes ont d’abord ciblé des ressortissants d’Europe orientale et centrale, puis ont élargi le filet au Nord et au Sud, de la Scandinavie aux Balkans.
Paris se retrouve dans l’œil du cyclone depuis l’escalade rhétorique d’Emmanuel Macron qui, suggérant avec insistance d’envoyer des troupes françaises et alliées en soutien de la défense ukrainienne, a causé l’émoi à Moscou. Les propos présidentiels ont renforcé la cohésion d’officiers russes qui demeuraient jusqu’alors mitigés quant aux buts de guerre du Kremlin (IO du 18/03/24). Ces déclarations françaises étaient elles-mêmes motivées par l’inquiétude croissante des renseignements occidentaux observant un renforcement des capacités offensives russes au nord de l’Ukraine (IO du 29/03/24).
Des deux côtés du front, on scrute avec attention l’implication de volontaires français au sein des forces russes comme ukrainiennes (IO du 22/04/24).
Guerre en zone grise
Les officiers traitants du GU, qui prennent rapidement la main sur le bot lorsqu’un candidat engage la conversation, s’enquièrent des motivations politiques et pécuniaires de ce dernier et cherchent ensuite à vérifier son profil sur les réseaux sociaux.
Le recrutement adopte une perspective de moyen à long terme, visant à créer une cohorte d’agents dormants plutôt que de mener des opérations immédiates. Un projet qui s’inscrit dans l’effort de la communauté du renseignement russe depuis plusieurs mois pour préparer des offensives de déstabilisation (ou « guerre hybride ») sur le territoire européen afin d’améliorer ses positions en Ukraine (IO du 12/02/24).
Petits services entre amis
Wagner rend d’autant plus volontiers de petits services au GU que, depuis la disparition d’Evgueni Prigozhin, certaines de ses branches se sont plus étroitement rapprochées de l’état-major russe. Une partie des
combattants a reçu l’ordre très impopulaire de signer un contrat avec le ministère de la défense ou la garde
nationale, la Rosgvardia (IO du 25/09/23).
Certains cercles d’officiers wagnériens ont un entregent particulièrement centré sur le GU. L’organisation militaire para-étatique n’a néanmoins pas été absorbée par l’État dans son entièreté (IO du 18/12/23, du 23/11/23 et du 09/10/23).
Conserver des entités autonomes déployables sous couvert de contrats de sécurité privés – comme en Afrique (IO du 22/04/24 et du 26/03/24) – offre une flexibilité à laquelle l’État russe n’a aucun intérêt à renoncer.
Source : Intelligence Online