La réinvention, tout le monde n’a que ce mot la à la bouche. Réinventons. C’est bien ce qu’avait dit Arthur Rimbaud sur l’amour non ? Il y a maintenant un siècle et demi. Et on nous parle encore constamment de réinvention. De re-constitution. De re-vivals. Au moins une chose est claire maintenant. Nous sommes une génération spécialiste du recyclage. C’est peut être notre seule marque de fabrique. Une sorte d’éternel recommencement. Qui ne s’arrête plus depuis la naissance de l’art Warholien. Une conséquence de la surproduction d’images, sans doute dû à l’ouverture des outils au grand public.
Qui aujourd’hui, en quelques clics, n’arrive pas à se faire passer (au moins pendant un temps) pour un musicien, un photographe, un réalisateur, un créateur de mode ou encore un artiste d’art contemporain ? Les pessimistes vont parler de la mort de la création, les autres y trouveront un potentiel nouveau, source d’inspiration. En tout cas, les individualités s’affirment. C’est indéniable. Dans un présent se vivant constamment dans le passé.
Nous pouvons donc affirmer aujourd’hui que plus rien n’est linéaire. Tout est cyclique. Et chacun y va de son sampling. Un mixage permanent, quasiment inaliénable. Sommes-nous donc rentrés dans l’air du détournement ? Faute à la suite d’une succession d’innovation, aussi vite créée, que déjà périmée.
Les exemples sont innombrables pour imager notre propos. Essayons quand même d’en sélectionner de mémoire un plutôt symptomatique du phénomène. Dans le monde du clip, le très prolifique Jamie Harley est devenu l’icône du found footage. Une technique qui consiste à récupérer des vieilles pellicules tombées dans le domaine publique pour réenregistrer par dessus. L’artiste arrive clip après clip à réinterpréter des séquences de films et de vidéos amateurs pour en faire une œuvre à part entière, à l’esprit souvent vintage.
Dans le cinéma, nul besoin de citer le succès de The Artist, film muet en noir et blanc bourré de références que le public s’est accaparé.
Dans la publicité, on pense immédiatement aux films Citroën « anti rétro » avec Marilyn Monroe et John Lennon. Pour souligner la nouveauté et l’innovation, étrange d’utiliser des images d’archives.
Concernant maintenant la création digitale, nous vous présentions il y a peu, la web série de quatre épisodes qui a rendu célèbre le réalisateur : Everything is a Remix. « L’idée de la série est née il y a quelques années, au moment où il y avait tous ces procès pour plagiat contre Coldplay, J.K. Rowling et Dan Brown. Je me disais que c’était un peu tiré par les cheveux. Pourquoi dès qu’une œuvre ressemble un tant soit peu à une autre, on pense que c’est une contrefaçon ? Ces procès étaient hypocrites, on aurait pu remonter plus loin dans le passé et trouver des choses qui ressemblaient déjà à l’originale ».
Une réflexion profonde sur l’originalité. Ou tout simplement, est-il possible de dire, de montrer quelque chose qui n’a pas été fait depuis 2.000 ans ? Un questionnement sur lesquels les philosophes se sont penchés et qui pourrait faire écho au travail de Kirby qui démonte point par point, et avec brio avouons le, le travail du ciné en général et de quelques auteurs en particuliers. Par exemple, Star War est longuement montré du doigt et le travail de Lucas semble répondre à cette phrase de Goethe, « les auteurs les plus originaux d’aujourd’hui ne sont pas ceux qui apportent du nouveau, mais ceux qui savent dire des choses connues comme si elles n’avaient jamais été dîtes avant eux ». Ou encore, l’œuvre de Quentin Tarantino truffée de références explicites et assumées donne raison à La Rochefoucauld, « les seules bonnes copies sont celles qui nous font voir le ridicule des originaux ».
Mais, direz-vous, s’il n’est pas possible d’être original, devons-nous arrêter de créer ? Bien sur que non. Et puisque tout a déjà été dit, nous vous offrons la réponse en citation, car tout dans cet article a été copié, digéré et recraché pour donner un goût d’orignal. Écoutons donc deux artistes qui ont passé leurs vies à revendiquer leur escroquerie. Jules Renard : « Pour être original, il suffit d’imiter les auteurs qui ne sont plus à la mode » (là encore, clin d’œil à monsieur Tarantino). Et le paradoxe de Jean Cocteau. « Un artiste original ne peut pas copier. Il n’a donc qu’à copier pour être original ».
Pour résumer, et pour rester dans l’air du temps, un seul conseil, il faut continuer de réinventer le passé pour voir la beauté de l’avenir.