Le LSD, plus à la mode que jamais, fait son grand retour un peu partout en Occident. Et le phénomène est totalement hallucinant, c’est bien le cas de le dire ici. Le LSD s’est infiltré de partout ces derniers temps, des employés de start-up aux jeunes milliardaires désabusés en passant par des soldats de l’armée Américaine. Il y a un mois, sans que personne n’en parle, plus d’une douzaine d’aviateurs de l’US Air Force ont été incriminés dans un vaste réseau de trafic de LSD à l’intérieur même d’une base militaire qui contrôle 400 missiles balistiques intercontinentaux qui sont tous capables de créer des chocs nucléaires dévastateurs.
Près de la moitié des aviateurs ont été reconnus coupables d’utilisation ou de deal de LSD. Un des aviateur a même reconnu que, sous l’influence du LSD, il n’aurait pas été en mesure de réagir correctement si soudainement il avait été appelé au devoir. Pour les autres, ils ont déclarés que « les minutes ont semblé des heures, que les couleurs semblaient plus vibrantes et plus claires, et qu’en général, ils se « sentaient plus vivant. »
En parallèle, toute l’avant-garde de la Silicon Valley s’est tournée vers le LSD dans le but d’augmenter leur productivité. Par exemple un célèbre capital-risqueur de 27 ans à San Francisco, ingère 15 microgrammes de LSD chaque matin pour se sentir beaucoup plus productif, dit-il, mais personne d’autre au bureau ne sait ce qu’il fait. « Je le considère comme ma petite gâterie. Ma vitamine secrète « , dit-il. « C’est comme prendre des épinards quand vous êtes Popeye. »
Et oui, le regard sur les psychédéliques est en train de changer. Selon un étude publié par deux chercheurs norvégiens, les Américains âgés de 30 à 34 ans sont les plus susceptibles d’avoir essayé le LSD. Une nouvelle enquête montre en parallèle que la consommation de drogues a chuté parmi les jeunes (comme dans la plupart des pays riches). Pourtant, l’utilisation du LSD a récemment augmenté, et les risques perçus de cette drogue ont diminué chez les 13-17 ans.
C’est très probablement la Silicon Valley qui a ouvert la voie à ce changement de perception en vantant régulièrement les mérites du microdosage. On peut donc facilement avancer que cela va influencer la façon dont l’Amérique, et plus largement l’Occident, voient les substances psychédéliques.
Scientifiques, ingénieurs, architectes, tous sous LSD ?
Pour mémoire, les effets du LSD ont été découverts accidentellement. En avril 1943, Albert Hoffmann, un scientifique suisse, ingérait par erreur une petite quantité du produit chimique, qu’il avait synthétisé quelques années plus tôt mais qu’il n’avait jamais testé. Trois jours plus tard, il prenait exprès 250 microgrammes de médicament et faisait un très mauvais « trip ». Mais en se réveillant le lendemain matin, surprise, il se leva avec une «sensation de bien-être et de vie renouvelée».
Pendant les dix années qui ont suivies, le LSD a été utilisé de façon récréative par un groupe restreint de personnes, comme par exemple l’écrivain Aldous Huxley. Mais ce n’est que lorsque le LSD a été produit en masse à San Francisco dans les années 1960 qu’il a vraiment décollé.
Il y a toujours eu des groupes d’ingénieurs informatique qui croyaient en parallèle des hippy qu’il existait un lien de causalité entre la créativité et le LSD. Oui le LSD a eu un lien fort avec le développement de l’industrie des ordinateurs personnels à travers la contre-culture des années 1960. Dans un centre de recherche de Menlo Park de plus de 350 personnes – en particulier des scientifiques, des ingénieurs et des architectes – ont pris part à des expériences avec du LSD pour voir comment cela affectaient leur travail. Pour eux, les psychédéliques étaient un excellent moyen de vous apprendre à sortir des sentiers battus.
Ce qui est drôle, c’est que San Francisco est encore l’épicentre de cette nouvelle tendance, tout comme elle l’était au cours de l’engouement initial il y a 50 ans.
Tim Ferriss, investisseur et auteur, a déclaré en 2015 dans une interview à CNN que «les milliardaires que je connais, presque sans exception, consomment régulièrement des hallucinogènes». Steve Jobs parlait souvent de la façon dont «prendre du LSD était une expérience profonde, l’une des choses les plus importantes de ma vie».
D’ailleurs, on pourrait facilement penser que Microsoft, le principal concurrent d’Apple, serait une entreprise plus originale si Bill Gates, son fondateur, avait connu le LSD…
Comment la nouvelle science des psychédéliques nous enseigne la conscience, la mort, la dépendance, la dépression et la transcendance:
L’un des premiers effets psychédéliques du LSD est de dissoudre le sentiment de soi. Ce qui explique l’expérience mystique ou spirituelle. Autrement dit, le LSD agit directement sur le récepteur de la sérotonine, ce qui semble augmenter l’excitabilité du cortex, le cerveau devient alors beaucoup plus « ouvert ».
C’est sans doute pour cela que la mode est actuellement au microdosage. Et le microdosage est en ce moment très populaire parmi les personnes technologiquement averties et en bonne santé physique. Parce qu’ils s’intéressent à la science, à la nutrition et à la chimie de leur propre cerveau.
Des propriétaires d’entreprise aux écrivains en passant par les ingénieurs, beaucoup cherchent des moyens d’échapper à l’automatisation dans la «nouvelle économie». Et le LSD permet de penser différemment et d’avoir une «perspective plus large» sur sa vie.
L’utilisation croissante de la marijuana à des fins médicales, et sa légalisation dans de nombreux pays, a également conduit les gens à regarder les drogues comme le LSD plus favorablement.
De nos jours, vous l’aurez compris, prendre du LSD c’est comme aller faire du yoga ou manger sain. A savoir maintenant si les geeks de la Station F à Paris vont copier leurs idoles de Californie, c’est une autre question. Mais il le faudrait vu le manque de créativité qui règne à l’intérieur du nouveau temple immobilier du couple Niel-Arnault.
Timothy Leary, l’inventeur de la meilleure signature autour du LSD : « turn on, tune in and drop out » :
C’est Timothy Leary qui a donné au LSD une signification politique et créative particulière. Il a été le plus grand évangéliste des drogues psychédéliques en occident, préconisant leurs pouvoirs pour aider « l’expansion de l’esprit. »
A tel point qu’il a fait face à des accusations de possession de drogue débutant en 1965, se faisant arrêter à plusieurs reprises, mais échappant à une importante peine d’emprisonnement (et faisant pression publiquement pour obtenir du soutien).
Quelques années plus tard, il a assisté à un des fameux «Bed-Ins» de John Lennon et Yoko Ono à Montréal, au cours duquel le couple est resté au lit pour protester contre la guerre américaine au Vietnam. Aux côtés de Ginsberg, Leary a chanté l’air anti-guerre de John Lennon, « Give Peace a Chance ».
Puis, à la fin de la décennie, des changements majeurs sont arrivés à l’échelle nationale et dans la vie personnelle de Leary. La culture du disco a émergé, et la drogue cool qui a marqué l’ère était en train de passer du LSD à la cocaïne.
Leary a finalement été emprisonné pour possession de drogue en 1970, mais il s’est échappé de prison avec l’aide d’une organisation activiste radicale appelée Weathermen (ou Weather Underground). Il a trouvé refuge en Algérie avec Eldridge Cleaver et les Black Panthers.
Les agents américains des stupéfiants retrouvèrent finalement la trace de Leary en Afghanistan, et Leary retourna en prison en 1973. Son sort amplifia sa renommée, pour que finalement le gouverneur Jerry Brown lui pardonna ses excès en 1976.
Le plus fou dans cette histoire c’est que Leary a ensuite manifesté un intérêt passionné pour la technologie, à tel point que dans les années 1980, il a développé une douzaine de jeux vidéo, dont l’un incluait des graphiques de Keith Haring et des écrits de William S. Burroughs (si vous retrouvez l’un de ses jeux, appelez nous, on sort le carnet de chèque immédiatement).
Les artistes et le LSD:
Les voyages induits par le LSD dans les années 60 ont donné naissance à une nouvelle esthétique qui résonne encore aujourd’hui dans les pratiques artistiques.
Beaucoup de peintres expressionnistes abstraits étaient très enthousiastes après l’utilisation du LSD. Ce qui a probablement amené la conscience psychédélique a transformé l’art moderne. De la Spiral Jetty de Robert Smithson en 1970 ou des sculptures en acier massives de Richard Serra, tous sont les héritiers de l’esthétique hallucinogène. On pense aussi à l’artiste Adrian Piper qui a fait des autoportraits colorés et fracturés et Yayoi Kusama qui a créé ses miroirs psychédéliques et s’est entourée d’utilisateurs de LSD. Ou encore le peintre Fred Tomaselli et l’inénarrable Robert Crumb qui déclare ouvertement que les visions qu’il a eu avec le LSD continuent de l’inspirer.
Certes, le LSD n’a pas aidé tous les artistes qui l’ont pris, l’excellent Peter Doig, par exemple l’a utilisé au lycée et a ensuite totalement abandonné.
Quant à la jeune génération, Jonah Freeman et Justin Lowe en ont développé un projet immersif, « Bright White Underground », créant une sorte de « maison sécurisée » du LSD.
Normal alors que le LSD recommence alors à avoir une immense influence sur le graphisme ou la publicité dans ce début de XXIème siècle. L’influence de Wes Wilson et de Milton Glaser, par exemple, qui ont créé des affiches, des logos et des campagnes remplis de couleurs vives qui semblaient vibrer ou tourbillonner, revient en force. Et ce n’est sans doute pas pas pour rien que le premier mouvement d’avant-garde du XXIème siècle se nomme aujourd’hui LSD Infiltrationnistes…