A part les créations originales réalisées par l’artiste américain MARK EVEN, cela faisait très longtemps que l’on avait pas ressenti une sensation pareille en se promenant dans une ville. Au détour des rues d’Arles, de mystérieux mots apparaissent sur les murs de la vieille ville. Des affiches sur les façades des musées et des écoles, des galeries ou encore des commerces.
Une vingtaine d’oeuvres sous forme de « statements », traduire par communiqués, manifestes ou relevés, que nous affectionnons particulièrement chez APAR.TV.
Relevés, c’est donc le titre de l’exposition qui a lieu depuis le 21 Avril dans la sublime ville d’Arles,, dont les commissaires sont:
Fabien Vallos et Laetitia Talbot.
Les œuvres, banderoles, affiches, journaux, tracts, et même set de tables entrent en résonance avec les sites choisis. Une lecture à double niveau, puisque l’oeil est d’abord attrapé par le support et prend toute sa force dans son contexte.
C’est un hommage vibrant à l’Art Conceptuel des années 60 selon lequel l’art doit être une source d’informations.
« Le point de départ du projet de l’exposition RELEVÉS est l’invitation faite par Lætitia Talbot à venir penser la présence des énoncés des artistes conceptuels (tels qu’ils avaient été montrés dans l’ouvrage Art conceptuel, une entologie) dans l’espace public. Pour cela a donc été conçue, pour l’espace public de la ville d’Arles, la présence d’une série d’œuvres emblématiques de l’art conceptuel (les statements de lawrence Weiner, la publication de la pièce Schema (1966) de Dan Graham dans un journal quotidien, la diffusion d’une affiche de 1976 de Art and language, la diffusion du texte d’une chanson éditée en 1995, etc.) et la présence d’une série de pièces uniques commandées pour l’exposition (les pièces des collectifs A Constructed World et Art & language, de l’artiste Yann sérandour ou encore de l’écrivain Antoine Dufeu).
Toutes ces pièces existent dans l’espace public sous la forme d’énoncés linguistiques qui se saisissent de supports spécifiques (façades de musée, galeries d’art, journaux quotidiens, commerces, murs et rues) : elles sont alors banderoles, bâches, affiches, tracts, articles, fiches, sets de tables, cartes, sons, journaux, etc.
Si l’on admet avec Joseph Kosuth que «l’art n’existe que conceptuellement» (in Art after Philosophy, 1969), cela signifie alors deux choses fondamentales. D’abord que l’art trouve son lieu d’existence dans sa projection et non en tant qu’objet. Ce qui signifie alors que ce qui importe pour l’œuvre est le lieu – l’espace – où elle peut advenir. ensuite cela signifie que l’art, comme avoir lieu, trouve sa puissance d’existence dans sa teneur d’instantiation. Or l’instantiation de l’œuvre signifie qu’elle est en mesure d’insister dans le lieu où elle advient. Comment pouvons-nous définir le caractère de l’instantiation ? Il est la puissance à insister sur ce qui doit advenir par l’agir. Il y a donc une relation entre un insister et un exister. l’insister est une manière de se ternir ferme dans l’agir tandis que l’exister est une manière de sortir de l’agir pour advenir à l’être. Ceci est la forme dialectique propre à l’histoire de l’œuvre. Ce qui signifie alors que nous avons deux concepts apposés, l’instance et l’existence. Or si l’œuvre n’existe que conceptuellement alors elle doit se saisir d’une puissance particulière qui est celle de l’instance en tant qu’avoir lieu. D’autre part, si nous acceptons encore (avec Kosuth) de penser l’art après la philosophie cela signifie que nous pouvons penser l’art après l’histoire métaphysique de l’être (ce qui est encore précisément l’affirmation de Martin Heidegger lors de la conférence La fin de la philosophie et la tâche de la pensée, donnée le 21 avril 1964 à Paris). Ce qui importe alors ce n’est pas que l’œuvre peut ou doit être mais que l’œuvre advienne conceptuellement selon les formes et les lieux de son instantiation. Or c’est très précisément ce qu’énonce et ce que montre la pièce de Dan Graham intitulée Shema (1966) et que nous publions sous une forme singulière de son instantiation dans le journal La Marseillaise le 21 avril 2017.
C’est précisément en ce sens que Douglas Huebler écrit en 1969 « Je préfère me contenter de prendre acte de l’existence des choses en termes de temps et/ou d’espace ».
Or il ajouta dans les mêmes commentaires, en 1969 :
l’art est une source d’informations
C’est aussi profondément ce que nous désirons inscrire dans l’exposition RELEVÉS : chaque œuvre est ici une source première d’informations sur l’histoire de l’art et de la réception et une source seconde d’informations sur l’histoire politique de notre commun, de notre altérité et de la fonction essentielle de l’espace public, de la fonction essentielle de ce que l’on nomme l’aître.
Fabien vallos (avril 2017)
Musée de l’Arles Antique
Oeuvre de Lawrence Wiener
Photo : Pauline Assathiany
Fondation Vincent Van Gogh
Oeuvre de Art&Language
Photo : Pauline Assathiany