Mateusz Bialecki vient de signer un clip merveilleux qui donne envie de se déshabiller, de danser langoureusement pour oublier l’espace d’une minute notre quotidien. Mais avant ça, découvrons ce qui peut bien se cacher derrière Lomboy et son single « Loverboy »…
Quel serait l’univers de Wong Kar-wai sans ses effluves colorés, ses néons fonctionnant à l’ardeur des personnages traversant ses films ? Fantomatiques et attractifs, ils découlent de l’œuvre du hongkongais comme la musique qui les accompagne. Nous pensons alors subitement à l’étreinte passionné de « In The Mood For Love » ou aux fluorescentes photographies de ses « Blueberry Nights ».
En ce sens, Lomboy pourrait faire partie de cette famille de sens, d’artefacts langoureux et sinueux à souhait, de vapeurs érotiques et dignement mélancoliques. Famille nombreuse et fourmillant dans les quatre coins du globe, comme ce que l’artiste s’est attelé à faire depuis son indépendance. Autrichienne de souche, Tanja – de son vrai nom – a habité la Suède, l’Espagne, la Belgique pour fouler aujourd’hui et le temps qu’il faudra la France, à Paris même, où elle créa son nouveau groupe et le label qui le porte. « Je baigne dans la musique depuis toute petite et j’ai commencé mon premier groupe quand j’étais adolescente », déclare-t-elle. « J’ai aimé le hardcore et le metal, en gardant tout de même le goût de la musique mélodique, n’importe quel style. J’avais deux groupes avant, un groupe de filles appelé Holly May et plus tard un groupe appelé Lonely Drifter Karen. J’ai commencé Lomboy parce que je voulais me séparer de mon précédent label. Je pense que des changements sont nécessaires pour briser les routines. Je voulais un projet solo qui me permette d’avoir une liberté et autonomie artistique, comme quelque chose que je sentais me glisser hors des mains. »
Pour son premier single, le sublime titre « Loverboy », Lomboy rénove les années d’avant ce deuxième millénaire où musique rimait avec liberté – libre clairvoyance et richesse absolutrice, ce temps où le tournant fut aussi radical qu’une route en épingle. Le titre apparaît en premier comme un grand spleen urbain, libéré dans un espace fait d’asphalte et de paradis artificiels. Des groupes comme Hooverphonic ou même Portishead viennent caresser cette douceur lancinante qu’est « Loverboy », barbotant dans l’électronique lounge des années 90. Mais une fibre pop quasi sulfureuse vient aussi édulcorer le titre : « Je le vois dans l’esprit de Sade ou à la fin des années 70, dans la veine des films érotiques des années 80. En fait, ce sont les bandes sons que j’échantillonne pour créer mes chansons. Je ne suis pas intéressé à faire une réplique mais j’aime utiliser cette texture et la mélanger avec un mode de production moderne. Quand je prends un échantillon, je ne suis intéressé que par la texture et non par la mélodie – j’essaie de faire mes propres mélodies en étirant, en lançant, en coupant, etc. C’est comme un vieux tissu pour une nouvelle robe. Une robe qui correspond à ma forme et ma vision, mais aussi à une histoire personnelle à raconter. »
Assumant cette tendance à couturer d’anciennes couleurs vintages à d’innombrables tissus actuels, Lomboy déroule dans « Loverboy » une toile d’ampleur exotique et orientale, sujette au dépaysement des contrées que l’artiste a foulé. « Outre les échantillons et la structure de base, j’ai travaillé avec le groupe japonais LAMP sur l’enregistrement du titre. L’échantillon a été doublé par une guitare acoustique, une basse, des tambours, des congas et des agitateurs. Nous avons enregistré le tout en un après-midi dans un studio de répétition à Tokyo. En pensant à cette chanson, ses paroles traitent du dévouement d’un homme qui sert une femme. Il se soucie, aime et met son propre ego de côté. C’est exactement ce que ces musiciens japonais ont apporté, et aussi musicalement à cette chanson. » Un rapport de soumission au corps, de dévotion dans le couple, de l’amour passionnel et déchirant au pays du soleil levant. « Loverboy » est ainsi fait, au centre d’une féminité assumée, non exacerbée mais charnelle – comme la voix langoureuse de Lomboy qui semble avoir caressé mille et une peaux.