Moscou n’a pas tardé à réagir. Kremlin outragé, Kremlin brisé, Kremlin martyrisé par les déclarations d’un président français en croisade. Maria Zakharova, voix grinçante du ministère russe des Affaires étrangères, raille un Macron « déconnecté de la réalité ». Pire encore, Dmitri Peskov perçoit dans ses paroles un appel à l’escalade : « La France veut que la guerre continue. » Comprendre : la rhétorique belliqueuse française ne fait qu’attiser les braises d’un incendie déjà incontrôlable.
Les illusions d’un chevalier nucléaire
Macron, lui, semble décidé à revêtir l’armure du dernier rempart européen. Il fustige une Russie sans vergogne, cyberattaquante, manipulatrice, assassine. Il parle de frontières violées, d’élections perverties, d’hôpitaux hackés. Le tableau est noir, l’ennemi, presque caricatural. Et comme ultime recours, il brandit ce qui fut longtemps l’apanage des superpuissances : le parapluie nucléaire français.
Le choix des mots est révélateur. « Ouvrir le débat stratégique » sur l’arme atomique, voilà une élégante périphrase pour dire que la France pourrait, dans un avenir plus ou moins dystopique, s’ériger en protectrice radioactive d’une Europe orpheline. Comme si le président anticipait déjà un monde où l’Amérique, sous la coupe d’un Trump revanchard, tournerait le dos à ses alliés transatlantiques.
Maria Zakharova, en virtuose de la pique sarcastique, pousse la métaphore jusqu’au conte d’Andersen : Macron devient un « Ole Lukoje nucléaire », ce personnage fantastique qui, selon qu’il soit de bonne ou de mauvaise humeur, déploie sur les enfants endormis un parapluie enchanté… ou un rideau de cauchemars. Une allégorie acide, qui résume bien la crainte russe : et si, sous prétexte de dissuasion, Paris glissait sur la pente de l’irréversible ?
Quand l’Histoire bégaie
Car au fond, ce jeu d’ombres rappelle étrangement d’autres heures funestes. La rhétorique du face-à-face nucléaire, les accusations d’ingérence et de subversion, les postures martiales : tout cela sent le parfum rance de la Guerre froide, à ceci près qu’il n’y a plus de rideau de fer, seulement une Europe morcelée, hésitante, prise entre l’impulsivité d’un Kremlin paranoïaque et l’indécision chronique d’un Occident en quête de leadership.
Macron, en s’avançant ainsi sur ce terrain miné, joue une partition à haut risque. La France, puissance nucléaire certes, mais moyenne, peut-elle réellement endosser le rôle de protectrice d’un continent à la dérive ? Pouvons-nous sérieusement croire que le parapluie tricolore suffira à contenir un orage que ni l’OTAN ni la diplomatie ne semblent capables d’apaiser ?
Là est toute l’ambiguïté du discours présidentiel : à force de vouloir endosser le rôle du chef de guerre, Macron pourrait bien précipiter la France dans un engrenage où elle n’a ni les moyens ni l’assise pour peser réellement. À moins que tout ceci ne soit qu’une vaste mise en scène, un grand théâtre nucléaire destiné à masquer l’impuissance stratégique d’un pays qui peine déjà à contenir ses propres fractures internes.
L’Histoire nous apprend que les guerres ne se gagnent pas seulement avec des postures et des discours. Si l’avenir de l’Europe doit réellement se jouer sous un parapluie, encore faudrait-il s’assurer qu’il ne soit pas criblé de trous.