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Lumière sur une descente de police dans une librairie pour censurer un post Facebook

Lumière sur une descente de police dans une librairie pour censurer un post Facebook

Depuis 18 mois, les commerçants situés à proximité de la Halle de Bergerac vivent un douloureux calvaire : des travaux, prévus pour agrandir cet espace couvert, accumulent les retards. Avec pour conséquence une perte de chiffre d’affaires, des faillites, des fermetures d’établissements et une menace qui pèse sur les autres. Pour la librairie La Colline aux livres que Baptiste et Caroline Gros ont reprise en 2018, ce sont quelque 80.000 € de CA qui ont disparu.

Sans parler du bruit, des marteaux-piqueurs, et de l’odeur, comme l’aurait dit Jacques Chirac. Deux étés et une saison de Noël perdus pour des commerces qui se désolent : quel attrait touristique a un centre-ville aussi encombré ?

N’attendez rien !

Dès les premiers temps, la mairie, où siège Jonathan Prioleaud (Les Républicains), avait averti : aucune indemnisation n’interviendrait. Mais avec plusieurs mois de retards, un collectif de 17 commerçants a demandé la création d’une commission pour inverser la décision de l’édile. D’autant que la situation ne s’améliorerait pas : probablement faudra-t-il faire une croix sur les fêtes de Noël 2023.

Ce 3 octobre, La Colline aux livres réagit à une communication du maire : ce dernier annonce que la dernière partie des travaux nécessitera un blocage durant une trentaine de jours des accès. Avec les camions qui stationnent, les tranchées refaites, « on ne passe même pas avec une poussette », précise Baptiste Gros à ActuaLitté.

Avec son épouse, cogérante, ils décident d’une publication sur Facebook : « Nous savons les difficultés pour venir nous voir depuis plus d’un an et demi. Vous n’imaginez pas à quel point cette période est difficile moralement et financièrement. Sans aucune aide, c’est le prix de notre indépendance. Alors la librairie est tout de même ouverte ! Là, c’est le prix de notre engagement. »

Un message qui déclencha un enthousiasme manifeste, avec des centaines de réactions, et près de 700.000 consultations du message, a constaté ActuaLitté. Les cogérants décident de doubler leur message avec un texte de remerciement, qu’ils illustrent avec une photo les mettant tous deux en scène.

Police : supprimez cette photo !

Mais cette fois, la municipalité réagit : alors que les deux libraires s’activent sur leur stand à Gradignan, dans le cadre du festival Lire en Poche, trois agents de la police municipale se présentent à la librairie, armés et équipés de leur gilet pare-balles, ce 6 octobre vers 15 h. Ils sont accueillis par une jeune femme de 20 ans, apprentie, et complètement perdue. À ses côtés, l’autre libraire, salariée de 25 ans, intervient : les policiers sont-ils venus pour des emplettes ? Du tout.

Bergerac, la comédie municipale en 3 actes

« Ils ont montré une page où avait été imprimée notre dernière publication et leur expliquent que le bureau du maire a demandé la suppression de cette photo », poursuit Baptiste Gros. Motif ? « Incitation à la dégradation de biens publics », soupire le libraire. « Mais leur propos n’était pas clair, évoquant l’interdiction d’accès au chantier et d’autres choses encore. »

La photo incriminée par la mairie de Bergerac - Crédits photo : La Colline aux livres
La photo incriminée par la mairie de Bergerac – Crédits photo : La Colline aux livres

Pas de chance : la photo a été prise avec l’accord des ouvriers du chantier, qui cohabitent avec les libraires et les commerçants depuis plus d’un an et demi. Et qu’ils ont réalisée avec le sourire. En outre, l’élévateur n’a pas été blessé durant la photo et surtout, il n’appartient pas à la mairie, mais à l’une des entreprises responsables des travaux. « La demande de suppression du post est impérieuse et les agents de police nous renvoient à la chargée du commerce à la mairie », reprend Baptiste Gros. Laquelle explique que la première publication relevait de la déclaration de guerre…

Mieux : on évoque des vols sur le chantier et menace les libraires d’engager leur responsabilité si des dégradations ultérieures survenaient. « J’ai eu un message de Fabien Ruet, futur candidat à la mairie et membre de l’opposition PS : pour lui, il s’agit d’un abus de pouvoir à ne pas laisser passer. Un juriste m’a confirmé le côté ubuesque de la situation. »

Les dérives autoritaires…

Les deux jeunes libraires sortent de cette intervention choquées, autant que les clients présents dans les lieux. « Évidemment, on s’interroge sur les représailles futures : quand on en vient à ce que des policiers passent en librairie, qu’en sera-t-il des différents acteurs publics avec lesquels nous travaillons », interroge le directeur. Car un tel événement provoquera sans peine le bien connu effet Streisand : dès qu’on tente de censurer, et que la censure est rendue publique, le message est décuplé.

Recevoir Edwy Pleynel choquerait-il une mairie de droite ? La venue ce 10 octobre de Monique Pinçon-Charlot, sociologue française, dérangera-t-elle ? D’autant que la librairie a quelques distinctions à son actif : grand prix Livres Hebdo en 2020, bourse de la fondation Lagardère en 2019… Et pour compléter le tableau, Baptiste Gros siège au conseil d’administration du Syndicat de la librairie française et intervient comme formateur à l’INFL, institut de formation des libraires.

« Après avoir été responsable de la licence pro, je m’occupe de la formation d’une quinzaine de personnes chaque mois, qui souhaitent reprendre une librairie. » Sa compagne avait elle fondé sa première librairie à l’âge de 25 ans, et tous deux cumulent plus de 25 années d’expérience. « Alors que l’on parle de plus en plus de l’importance des commerces de proximité dans les centres-ville, on ne comprend pas la réaction du maire. »

Qui aurait assurément eu plus à gagner en se déplaçant en personne, pour tenter une conciliation, plutôt que d’expédier les forces de l’ordre.

Nice, deux minutes d’arrêt

La police et la librairie, on l’a vu dernièrement à Nice, ne se rencontrent que rarement pour des échanges de politesse. En novembre 2022, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin avait fait un déplacement qu’attendait de pied ferme la librairie Les Parleuses. Des messages attendaient le locataire de Beauvau, particulièrement explicites… au point que les forces de l’ordre étaient intervenues en bâchant la vitrine : cachez-moi ces pancartes que le ministre ne saurait voir.

Rappelons que ce 26 juin, la justice saisie de l’affaire avait sanctionné et condamné l’État français, estimant que l’action des policiers relevait d’« une décision illégale portant atteinte à la liberté d’expression ». Le tribunal administratif de Nice reconnaissait coupable d’une intervention motivée en « l’absence de toute menace à l’ordre public ».

« Un acte 2 aura lieu », précisait Me Questiaux, « avec la décision du tribunal administratif dans le cadre du recours au fond, lequel caractérisera la nature de la décision illégale, notamment la question du détournement de pouvoir. Cette audience nous permettra enfin de savoir si l’ordre émanait du ministre de l’Intérieur ou du préfet. » Une étape qui nécessitera un laps de temps bien plus long que la première.

Baptiste Gros le souligne : l’épisode niçois n’a rien de comparable avec ce que ses salariées ont enduré. « Cependant, la police municipale qui débarque, cela correspond à une dérive découlant d’enjeux politiques préoccupants. » La photo problématique a été retirée. La mairie de Bergerac étant fermée, nous les contacterons lundi pour obtenir leur réaction.

mise à jour 9 octobre – 8h50 :

La mairie de Bergerac a diffusé un communiqué intégralement reproduit ci-dessous.

Suite à une série de publications sur les réseaux sociaux, concernant un événement relaté par une librairie indépendante du centre-ville de Bergerac, et au regard d’une version unilatérale des faits, la Ville de Bergerac tient à apporter son propre éclairage.

Les entreprises travaillant sur et autour du chantier de la Halle nous ont fait part, à plusieurs reprises et depuis plusieurs semaines, d’incivilités (panneaux retirés, barrières de protection enlevées, public non autorisé sur le site…) et de faits délictuels (dégradations, vols de matériaux et d’outillage) qui engendrent des difficultés importantes quant à son bon déroulement et enfreignent par la même occasion toutes les règles de sécurité.

C’est à ce titre, qu’en effet 3 policiers municipaux se sont présentés le 6 octobre dans cette librairie, dans le cadre de leur tournée, pour rappeler aux gérants (absents le jour de la visite), que la publication dans laquelle ils se sont mis en scène, agrippés à un engin de chantier, contrevenait à toute règle de sécurité, comme d’ailleurs pénétrer dans une zone de chantier interdite au public.

Un très bon accueil leur a été réservé par les salariés présents. S’en est suivi un échange cordial, pédagogique et constructif.

Il est important de préciser que cette démarche a été à l’initiative des techniciens de la Ville, dans le cadre de leurs missions de prévention, sans demande spécifique des élus.

La force publique n’a pas le pouvoir de faire retirer une publication, néanmoins il a été indiqué aux personnes ayant échangé avec la Police Municipale que toute communication sur les réseaux sociaux peut engendrer une incidence en cascade sur les faits et les personnes exposées.

Les travaux de la Halle arrivant à leur terme dans quelques semaines, il serait regrettable bien évidemment qu’un incident malheureux ne vienne retarder la fin de ce projet et la réinstallation tant attendue des commerçants.

Nous rappelons que ce projet d’un montant global de 4,2 millions d’euros, retenu dans le cadre du programme « Action cœur de ville », va tendre à donner un nouveau visage à ce quartier historique.

Source : actualitte.com


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