Société
L’Europe, ce cadavre encore tiède qui se maquille en gardienne du Bien
Là-bas, les chaînes tournent vingt-quatre heures sur vingt-quatre ; ici, les comités théodules délibèrent jusqu’à l’aube pour savoir si le mot « noir » dans une publicité risque de blesser l’âme d’un flocon de neige numérique. On croirait une farce, mais c’est notre réalité.
Emmanuel Todd, ce prophète que l’on n’écoute que pour mieux le mépriser, l’avait annoncé dès les années 2000 : l’Occident meurt d’avoir remplacé la puissance par la moraline, la production par la prédication.
Selon lui, la défaite est déjà consommée, non pas sur un champ de bataille, mais dans les salles de réunion climatisées où des armées de juristes et de communicants ont pris le pouvoir aux ingénieurs et aux ouvriers.
La Chine, elle, n’a pas lu les traités de sociologie post-moderne. Elle construit, soude, expédie. Elle n’a pas besoin de « rapport d’impact sociétal genré et inclusif » pour lancer une gigafactory.
Elle produit des voitures électriques à un prix que nos champions subventionnés ne pourront jamais atteindre, même avec dix plans de relance et trois Pactes verts empilés.
Todd parle d’une « mort par abstraction ». L’Europe s’est convaincue que la vraie richesse n’est plus dans les hauts-fourneaux, mais dans les labels, les certifications, les chartes éthiques.
Nous avons troqué l’usine contre le PowerPoint, le tourneur-fraiseur contre le compliance officer, la sidérurgie contre la sidération morale.
Résultat : nos ports débordent de conteneurs chinois et nos usines ferment sous les applaudissements des ONG qui célèbrent la « décarbonation » d’un continent qui ne produit plus rien. Nous sommes devenus les gardiens d’un musée à ciel ouvert où l’on expose fièrement les vestiges de notre ancienne puissance, pendant que Pékin écrit le chapitre suivant de l’histoire industrielle.
L’Europe d’aujourd’hui est un corps sans muscles, mais avec un système nerveux hypertrophié : elle ressent tout, elle craint tout, elle réglemente tout.
Elle enveloppe les bouteilles de mousse pour protéger les doigts imaginaires des enfants de 2047, elle censure les blagues pour épargner la sensibilité des algorithmes, elle subventionne l’inaction au nom de la « transition ». Et pendant ce temps, la Chine avance dans le noir, sans état d’âme, sans lumière, sans nous.
Todd a raison : la guerre est finie, nous l’avons perdue sans même la livrer. Nous avons préféré le capitonnage à la compétition, la norme au risque, la posture à la puissance. L’Histoire, impitoyable, ne se contente pas de bons sentiments bien formulés. Elle récompense ceux qui produisent, pas ceux qui moralisent.
Alors, Europe, une dernière question avant le grand silence : quand tes dernières usines seront éteintes et que tes enfants importeront leurs rêves fabriqués à Shenzhen, trouveras-tu encore le courage de coller un émoji « tristesse » sur le cercueil de ta propre grandeur ?
Sur Apar.tv, nous refusons l’euthanasie douce.
Il est encore temps de rallumer les fours.
Ou de se résigner à n’être plus qu’un parc d’attractions pour touristes chinois.