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Le juge qui dénonce les pressions maçonniques

Le juge qui dénonce les pressions maçonniques

Défense de rupture ou problème de fond? Hier, le juge d’instruction de Grasse (Alpes-Maritimes) Jean-Pierre Murciano, convoqué devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) en vue d’une sanction disciplinaire, a demandé à ses juges de procéder à un outing d’un genre nouveau: déclarer s’ils sont oui ou non francs-maçons. Son avocat, Me Patrick Rizzo, explique: «M. Murciano estime qu’il est victime d’un complot. Depuis des années, certaines associations philosophiques ou maçonniques, notamment la GLNF (Grande Loge nationale de France), n’ont cessé de porter atteinte à son indépendance pour l’empêcher de faire son travail. Il a subi des pressions, des interventions, souvent le fruit d’interventions occultes liées à l’appartenance maçonnique.» Serment. C’est pourquoi il demande aux membres du CSM de se dévoiler publiquement: «Ce qui nous importe ici, c’est l’incompatibilité du serment maçonnique avec la déclaration des droits de l’homme, qui garantit un procès équitable.» Pour bien se faire comprendre, Me Alex Ursulet, autre avocat de Murciano, lance: «L’un des vôtres a peut-être prêté le serment suivant: « Je promets d’aider mes frères et de les secourir. Je préfère avoir la gorge tranchée plutôt que de trahir ce serment.» C’est la première fois que la question est posée à un si haut niveau de la justice française.

Guy Canivet, président de l’instance disciplinaire du CSM, n’est pas visé par l’allusion. Il refuse la méthode de l’outing: «Il faudrait nommer le magistrat.» Réponse: «Nous demandons la récusation de Jean-Claude Girousse, premier président de la cour d’appel de Lyon, qui a fréquenté des loges cannoises jusque dans une période relativement récente.» Peu habitué à ce genre d’arguments, le CSM ne répond même pas à la requête.

On en oublierait presque le corps du délit. Une attestation signée par Jean-Pierre Murciano, en décembre 1997, à l’attention de Bernard Tapie. Le juge d’instruction venait de recueillir une confidence de Michel Gallot, ancien président de la SDBO (filiale du Crédit Lyonnais), mis en examen dans une affaire immobilière à Cannes. Après interrogatoire, donc hors procès-verbal, Gallot avait glissé à Murciano que, contrairement aux dires du Lyonnais, la banque avait finalement gagné de l’argent grâce à Tapie (1,5 milliard de francs après la revente d’Adidas), mais que cela relevait d’un «secret de banque». Le juge Murciano n’est pas chargé de l’affaire, mais il rédige quand même une attestation à Tapie ­ en l’autorisant à la produire en justice dans le cadre de ses démêlés avec le Lyonnais ­ et à la juge Eva Joly, en charge de plusieurs dossiers pénaux concernant la banque. Murciano explique qu’il a agi «au nom du principe général de vérité, qui s’impose aux magistrats et aux simples citoyens».

«Propos de salon». Ce coup de pouce à Tapie provoque des remous. Eva Joly, après avoir quand même entendu Michel Gallot, fait la moue: sa confession à Murciano relève du «propos de salon». Gabriel Bestard, alors procureur à Paris, ne dissimule pas de quel côté son coeur balance: «Il s’agit d’une remise en cause du statut de victime du Crédit Lyonnais.» Un crime de lèse-majesté, à ses yeux. Elisabeth Guigou ouvre des poursuites disciplinaires au motif que Murciano aurait manqué «à l’honneur et à la discrétion» qui sied à un magistrat.

Le rapport avec les francs-maçons? Selon la défense, Jean-Jacques Mistral, président de la chambre d’accusation d’Aix, qui a plusieurs fois dessaisi le juge Murciano ­ du dossier Gallot, suite à la lettre faite à Tapie, mais aussi d’affaires touchant Michel Mouillot, ancien maire de Cannes et haut dignitaire de la GLNF ­ a «fréquenté des loges maçonniques dans le sud-est de la France», en compagnie de Jean-Claude Girousse.

Dans un autre registre, Murciano va encore plus loin en mettant en cause Sylvie d’Arvisenet, chargée de la section financière du parquet de Paris à l’époque des faits, qui coule aujourd’hui des jours heureux en pantouflant chez Vivendi (ex-Générale des eaux), société concernée dans plusieurs dossiers cannois instruits par Murciano. D’Arvisenet l’a mis en cause «au moment où elle négociait son emploi à la CGE», soutient ce dernier. Elle serait également intervenue pour empêcher l’incarcération de Gallot à Grasse. Convoquée comme témoin, la pantouflarde n’est pas venue s’expliquer.

Eric de Montgolfier, procureur à Nice, célèbre pour ses diatribes contre certaines dérives affairistes liées à la franc-maçonnerie, est, en revanche, venu témoigner en faveur de Murciano: «Franchement, je n’ai pas le sentiment qu’il ait porté atteinte à l’honneur. Je n’ai pas compris son dessaisissement. Je me réjouirais de pouvoir l’avoir à Nice.» Et de lancer une ultime pique contre les frères de la Côte: «Ce que je déteste à Nice, c’est qu’il faille se méfier de certains juges.» Manoeuvres. Jean de Maillard, président du TGI de Blois, a aussi évoqué ces manoeuvres de déstabilisation, dont la traduction de Murciano devant le CSM serait l’exemple: «Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’assassiner les juges en pointe contre la corruption, il suffit de tenter de les discréditer professionnellement.» Albert Lévy, ancien substitut du procureur de Toulon mis en examen parce qu’il «voyait des fascistes» partout, autre témoin à décharge de Jean-Pierre Murciano, a confirmé l’existence de ce genre de manoeuvres, qu’«elles viennent des politiques, d’un préfet, de la pègre ou d’avocats membres de loges». Tout cela n’enlève rien aux maladresses de Jean-Pierre Murciano. Ses défenseurs croient au contraire qu’il s’agit là du «coeur du sujet».

Source : Libé


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