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Jean-Claude Carrière

Jean-Claude Carrière

Un Oscar, un César, un Molière… C’est peu dire que Jean-Claude Carrière a réussi dans le métier. Enfin, dans l’un de ses métiers. Parce que, de l’extérieur, Jean-Claude Carrière a surtout réussi sa vie. Non. Il a réussi la vie. Celle qu’on imagine. Celle qu’on souhaite à ses enfants. Celle qui consiste à aller voir le monde et surtout à aller voir l’humain.
Comprendre et transmettre. Toujours. Une quête qu’il racontait dans un livre en 2015 et qui ne donne qu’une envie, s’asseoir des heures avec lui et l’écouter. À défaut, nous lui avons posé quelques questions. Des réponses reçues le dernier jours de 2015, avec la rigueur d’un homme qui avance.

Votre parcours pourrait se résumer à raconter et rencontrer ?
Je ne pense jamais à ma vie comme à un « parcours ». Pour aller d’où à où ? Je ne vois pas. Du néant au néant, de tout manière. C’est une longue somme de travail, plus ou moins réussi, c’est tout.

Vous avez touché à toutes les formes de narration. Est-ce que le livre en est sa quintessence, avant le film ? Ou est-ce tout simplement la parole ? Peut-être même le regard ?
Il n’y a pas d’écriture privilégiée, quelle drôle d’idée ! Pas de hiérarchie dans les moyens d’expression. La peinture est-elle au-dessus de la sculpture ? Cela n’a pas de sens. Il faut s’élever au-dessus de ces considérations d’examinateurs. Un scénariste n’est pas un romancier raté. Il écrit autrement, c’est tout.

C’est quoi le secret d’un scénario ? Les personnages ? Les dialogues ? Les situations ?
Aucun secret de fabrication, pas plus qu’ailleurs. Il faut que ce soir « intéressant », c’est tout. Le seul besoin est celui de connaître, aussi bien que possible, l’écriture cinématographique. Partir d’une situation, ou des personnages, cela n’a aucun sens. On en revient toujours au bon vieil « intérêt dramatique ».

La plus belle qualité humaine, c’est la curiosité ?
Oui, évidemment. Sans elle, rien ne se fait. Mais il est évident qu’elle ne suffit pas.

Vous êtes à la fois créatif et spirituel. En occident, on a l’impression que ces deux activités sont opposées. L’une dans le contrôle, l’autre dans le lâcher-prise. En fait, ce sont deux activités qui se recoupent, non ?
Je n’ai jamais compris le sens du mot « spirituel ». Si cela veut dire « activité de l’esprit », alors oui, cela concerne mon travail, comme celui de tous les auteurs et des scientifiques. Notre esprit travaille. Si cela veut dire autre chose (mais quoi?), je n’ai pas de réponse. Assez souvent, la religion a accaparé ce mot, pour l’appliquer précisément à des activités qui suppriment, et même interdisent, toute activité de l’esprit. Se rallier à un dogme et le répéter machinalement est le contraire du « spirituel ».

Raconter une histoire, c’est à la fois la plus ancestrale activité de l’homme et sa plus civilisée ?
Il y a mille façons de « raconter une histoire ». J’ai écrit tout un livre là-dessus. Mais il faut se garder de tout sacrifier au « récit », il faut le laisser aussi ouvert que possible. Sinon, on finit fabuliste, moralisateur, ce qui pour moi est la pire des conclusions.

Les écrivains, les scénaristes, les conteurs en général, disent toujours que leurs personnages finissent par avoir une vie indépendante, par dicter leurs mots et leurs actes à l’auteur. Vous vivez aussi ce sentiment ? Et si oui, comment expliquez ce phénomène à quelqu’un qui n’a jamais écrit ?
Sans aucun doute. Cette prise d’indépendance des personnages est souhaitable, cela signifie qu’ils sont vivants. Pour moi, elle est presque indispensable. Il m’est arrivé de me disputer avec certains de mes personnages, dont je n’approuvais pas le comportement, ou le langage. Dans ce cas – voici une règle – ils ont toujours raison.

J’ai lu que vous citiez Bunuel qui insistait à dire qu’il n’y avait rien à comprendre dans ses films, mais des choses à saisir, à attraper au vol. De votre côté, vous avez dit qu’il vaut mieux aller en Inde ou au ciné que chez un psy. Le bonheur et l’intelligence passent plus par les sens que par la raison ?
C’est une évidence. La raison (ou le raisonnement) se trompe toujours. Le sentiment est (quelquefois) juste. En fait, en pratique, il faut aller de l’un à l’autre, constamment, en pleine hésitation et incertitude. Surtout, ne pas forcer les personnages à aller contre eux-mêmes. Mais qu’ils nous surprennent, c’est le rêve.

Vous avez toujours préféré être dans l’ombre. Qu’est-ce qui vous dérange dans la lumière ?  
Ni ombre, ni lumière. Ces mots n’ont de sens que pour un éclairagiste. Mais il se peut que, dans l’ombre, la liberté se manifeste plus aisément. Quant à « être dans l’ombre », en ce » qui me concerne, je ne vois pas de quoi vous voulez parler. Des stars, peut-être ? Ce n’est pas du tout mon affaire.

Avoir des racines pour pouvoir partir. Parler d’un lieu précis pour parler du monde entier. Pour vous, c’est quoi un paradoxe ?
Oui, comme tout l’indique, pour qu’une histoire aille partout, il faut qu’elle vienne de quelque part, même d’un trou perdu. Et, si elle doit être entendue, et aimée par tous, il faut qu’elle soit dite par quelqu’un, par une voix particulière (cf Proust: « Tout grand auteur écrit dans une langue inconnue »).

Vous êtes un grand vivant qui embrasse la réalité. Vous êtes aussi un écrivain qui jongle avec la vérité. Pour vous, c’est quoi la différence entre la réalité et la vérité ?
La « vérité » n’a pas de sens. C’est un mot fourre-tout, un mot vide, qu’on emploie à tout bout de sens. La « réalité », en revanche, existe. Elle est toujours notre point de départ.

Amour est certainement le mot le plus employé au monde, alors qu’il n’y a pas deux personnes qui partagent la même définition du mot. Pour vous, on dit quoi, quand on dit « je t’aime » ?
Quant à l’amour, question bateau par excellence, si nous en connaissions le sens, nous cesserions tous d’écrire.

Quel scénario aimeriez-vous avoir écrit ?
Les scripts que j’aurais aimé écrire sont innombrables. Parmi ces dernières années, celui de Une séparation m’a étonné. D’autres aussi.

C’est quoi un grand réalisateur ?
Le réalisateur qui, à partir d’un scénario que nous avons écrit ensemble, me surprend (en mieux).


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