Enquête sur l’histoire sordide de Maude Julien : une enfance marquée par l’abus et l’emprise

Séquestrée et soumise à des tortures physiques et psychologiques par son père, Louis Didier, elle a été élevée dans l’isolement total avec l’objectif délirant de devenir une « superhumaine » ou une « déesse ».

Son récit, publié en 2014 dans le livre Derrière la grille (éditions Stock), a été traduit en anglais sous le titre The Only Girl in the World en 2017. Ce témoignage a récemment refait surface sur les réseaux sociaux, notamment via un post de l’utilisateur X @mk_polis daté du 16 juillet 2025, qui archive une interview de Maude Julien chez Thierry Ardisson en 2014 et la relie à des théories conspirationnistes sur la programmation mentale MK-Ultra.

Ce post, vu plus de 21 000 fois, présente des extraits vidéo où Maude décrit ses épreuves, précédés d’images de performances de Britney Spears interprétées comme des signes d’un contrôle mental similaire.

Cette enquête, basée sur des sources variées incluant des articles de presse, des témoignages et des analyses conspirationnistes, vise à explorer les faits établis de son histoire tout en examinant les interprétations alternatives.

Bien que mainstream, son cas soit vu comme un abus parental isolé dû à un père délirant, des observateurs comme @mk_polis y voient des liens avec des pratiques occultes et des programmes de contrôle mental. Nous adopterons une approche équilibrée, en citant des sources des deux côtés.

Le profil du père : Louis Didier, l’« Ogre »

Louis Didier, né en 1902 et décédé en 1981 à 79 ans, était un entrepreneur fortuné ayant fait fortune en vendant des actions de transport après la Seconde Guerre mondiale. Membre d’une loge maçonnique ésotérique, il était obsédé par des idées occultes, croyant en un monde déchu menacé par une « montée du mal ». Il est décrit comme « définitivement fou et alcoolique », avec des intérêts pour l’occultisme et la franc-maçonnerie. En 1936, à 34 ans, il « adopte » Jeannine, une fillette de 6 ans issue d’une famille pauvre, en échange d’une éducation, mais sans qu’elle ne revoie jamais ses parents – possiblement contre rémunération. Il élève Jeannine pour en faire son épouse, et ils conçoivent Maude exactement à la date prévue par Didier, le 23 novembre 1957.

Son objectif : transformer Maude en un être « supra-humain », capable de résister à toute épreuve et de « circuler entre les univers et de communiquer avec les morts ». Pour cela, il impose un régime d’isolement et de tortures dans une grande maison bourgeoise à Saint-Omer (Pas-de-Calais), entre Lille et Dunkerque. Jeannine, la mère, est complice, ayant elle-même été façonnée par Didier. Maude surnomme son père « L’Ogre », soulignant son emprise : « L’Ogre vous montre qu’il est l’Amour, avec un grand A. Tout ce qu’il fait est pour ton bien. Il installe une vie chronométrée dont il détient la télécommande. Puis, il instille la peur. Le monde extérieur est le danger. »

Les abus subis : une enfance de tortures et d’isolement

De 3 à 18 ans, Maude est séquestrée, privée d’école et de contacts extérieurs, subissant des « entraînements » extrêmes pour devenir « incassable ». Parmi les abus rapportés :

• Tortures physiques : À 8 ans, au moins deux fois par semaine, elle doit tenir une clôture électrique pendant 10 minutes sans réaction visible : « I held on with both hands, and it was most important to show no reaction at the moment of the power surges. » Elle est aussi forcée de boire du whisky, causant des dommages au foie, et de participer à l’abattage d’animaux. Un gilet avec des grelots l’oblige à rester immobile des heures : « Il m’a fabriqué un gilet avec des grelots pour que je ne bouge pas durant des heures. Petite fille, je vivais cela comme un entraînement. »
• Abus psychologiques et isolement : Une fois par mois, elle est enfermée toute la nuit dans une cave infestée de rats pour « méditer sur la mort ». Elle est suspendue au-dessus d’un précipice et privée de tout contact physique familial. Son père divise le monde en « esprit » (force) et « matière » (faiblesse), la forçant à appartenir au premier : « Dans le monde de mon père, il y avait d’un côté l’esprit, la force et de l’autre côté la matière où se trouvent les indolents, où se trouvent les faibles. Bien sûr je devais être du côté des esprits. Et pour cela il fallait un entraînement dans le monde. »
• Abus sexuels : De 3 à 13 ans, elle est violée par un ouvrier de la propriété.

Maude trouve du réconfort auprès d’animaux (un chien et deux poneys) : « I really think that, without my animals, I wouldn’t be alive today. They gave me physical contact and warmth because nobody [in my family] was allowed to touch each other in the house. I learned love and compassion from them. » Elle lit en secret des livres comme Le Comte de Monte-Cristo, s’identifiant à l’évasion.

L’évasion et la reconstruction

En 1972, à 15 ans, un professeur de musique, André Molin, entre dans sa vie. Il gagne la confiance de Didier pendant trois ans et obtient de l’emmener en cours à l’extérieur. À 18 ans, en 1975, Didier arrange son mariage avec un jeune musicien, à condition qu’elle revienne vierge après six mois pour finir sa « formation ». Maude s’enfuit définitivement. Didier meurt en 1981, libérant sa mère et elle.

Aujourd’hui âgée de 67 ans (en 2025), Maude est thérapeute spécialisée dans les traumas infantiles et l’emprise psychologique. Elle a deux filles et est grand-mère, vivant à Paris. Elle reste éloignée de sa mère, à qui elle dédie son livre, mais qui craint les révélations. L’écriture a ravivé des flashbacks, mais elle voit son livre comme « un manuel d’évasion » et « un livre d’espoir ». La maison de Saint-Omer est devenue un centre éducatif pour jeunes filles, où Maude a donné une conférence en 2013.

Liens avec MK-Ultra et rites maçonniques