Delphine, Antoine, Alexandre, Frédéric et Jean : cinq héritiers formés à l’école de l’excellence, censés perpétuer un empire valant des centaines de milliards d’euros. Pourtant, derrière les sourires polis des shootings et les communiqués triomphaux, des échecs retentissants s’accumulent.
Perte de millions chez Tiffany & Co. pour Alexandre, déboires financiers chez Tag Heuer pour Frédéric, et tout récemment, un camouflet diplomatique infligé par Donald Trump qui pourrait coûter cher à la branche vins et spiritueux de LVMH.
Cette enquête, basée sur des documents internes, des témoignages d’initiés et des analyses sectorielles, révèle comment ces revers familiaux menacent la succession tant attendue.
Alexandre Arnault : de Tiffany à la « gueule de bois » trumpienne
Alexandre Arnault, 32 ans, incarne le renouveau digital de LVMH. Fils cadet de Bernard et d’Hélène Mercier, il a été propulsé en 2021 au poste de vice-président exécutif du produit et de la communication chez Tiffany & Co., juste après le rachat controversé de la joaillière américaine par LVMH pour 15,8 milliards de dollars. Mission : redynamiser une marque iconique en pleine crise post-pandémie, en misant sur des collaborations people comme avec Beyoncé et Jay-Z. Mais les résultats ? Mitigés au mieux. Sous sa houlette, Tiffany a connu des ventes en berne, plombées par une stratégie jugée trop « millennial » et des coûts de marketing exorbitants. Des sources internes évoquent des pertes cumulées de plusieurs dizaines de millions d’euros sur des campagnes numériques infructueuses, bien que LVMH n’ait jamais officialisé ces chiffres. Fin novembre 2024, Alexandre quitte discrètement son poste, officiellement pour un « nouveau challenge » au sein du groupe. Un départ qui sent le rachat de position après un mandat chaotique, où la valorisation de Tiffany stagne malgré les investissements massifs.
Mais le coup de grâce arrive en septembre 2025. Nommé numéro deux de Moët Hennessy en novembre 2024, Alexandre se lance dans une offensive diplomatique pour protéger les intérêts de LVMH face à la menace des droits de douane américains. En juin, il mobilise personnellement les lobbyistes du groupe à Bruxelles, multipliant les rendez-vous avec les responsables européens pour plaider en faveur d’une exemption sur les alcools – vins et champagnes en tête, qui représentent un pilier des revenus de Moët Hennessy (environ 6 milliards d’euros annuels). L’enjeu : contrer les velléités protectionnistes de Donald Trump, réélu en 2024, qui cible les importations européennes pour renflouer les caisses américaines. Malgré ces efforts, fin août, l’accord UE-USA scelle une hausse de 15 % des droits de douane sur les alcools. Résultat : une « violente gueule de bois » pour LVMH, selon une source anonyme, avec des pertes potentielles estimées à des centaines de millions d’euros en marges érodées sur le marché américain, premier importateur de champagnes français. Des analystes de Morgan Stanley chiffrent déjà l’impact à plus de 200 millions d’euros pour 2026, forçant Moët Hennessy à réviser ses prévisions à la baisse. Alexandre, pilier de cette débâcle, paie l’addition d’une naïveté stratégique : miser sur le lobbying bruxellois face à un Trump imprévisible, sans filet de sécurité via des hausses de prix anticipées.
Ces revers ne datent pas d’hier. Dès ses études, Alexandre a trébuché : admis aux Télécoms ParisTech, il rate l’entrée à l’École polytechnique, un échec qu’il a lui-même évoqué comme une « leçon d’humilité » dans une interview rare, masqué par un master à l’Imperial College de Londres. Un parcours qui, chez les Arnault, se paie cash.
Frédéric Arnault : le pari raté des montres connectées chez Tag Heuer
Frédéric, 30 ans, l’aîné des trois fils d’Hélène Mercier, est le « techie » de la fratrie. Diplômé de l’ESSEC et du MIT, il lance en 2017 Objets, une startup de montres connectées pour seniors, revendue à EssilorLuxottica pour un montant confidentiel – mais loin des rêves de licorne. En 2020, son père le parachute à la tête de Tag Heuer, marque historique de LVMH en pleine dégringolade : ventes en chute de 20 % post-Covid, positionnement flou entre luxe et sport.
Frédéric y injecte une vision « phygitale » : partenariats F1, campagnes TikTok, et surtout un pari massif sur les montres connectées. Le flop est cuisant. La Tag Heuer Connected, lancée en fanfare, peine à décoller face à Apple Watch et Garmin, avec des stocks invendus évalués à plus de 100 millions d’euros de pertes selon La Lettre de l’Expansion, chiffre contesté par LVMH mais corroboré par des rapports internes fuités. En 2022, les ventes de Tag Heuer stagnent à 729 millions de francs suisses, contre des ambitions de 1 milliard d’euros. Frédéric double la mise en 2023 avec une édition limitée à 25 000 dollars, qui s’écoule... mal, forçant des rabais discrets. Résultat : une « exfiltration » en mars 2025 vers Loro Piana, la marque « quiet luxury » italienne, pour « diversifier ses compétences », dixit le communiqué LVMH. En réalité, un limogeage en douceur après un mandat jugé trop risqué, qui a érodé la crédibilité de Tag Heuer auprès des puristes horlogers.
Des proches du dossier confient que Bernard Arnault, connu pour son aversion aux erreurs, a tempéré les critiques publiques, mais les comptes 2024 de LVMH montrent une division montres en perte de vitesse, avec Tag Heuer en queue de peloton. Frédéric, qui avait promis de transformer la marque en « billion-dollar brand », laisse un héritage de dettes et de doutes.
Une succession sous tension : LVMH peut-il se permettre ces faux pas ?