Emmanuel Todd va en Russie et prédit l'avenir du monde

Connu pour ses travaux sur les structures familiales et leur influence sur les sociétés, Todd applique désormais son regard acéré aux dynamiques internationales, notamment à la confrontation entre la Russie et l’Occident.

Lors d’une conférence à l’Académie des Sciences de Russie, il a livré des prévisions audacieuses sur l’avenir de la Russie, de l’Occident et des relations internationales.

La résilience russe face à l’Occident

Selon Todd, la Russie ne se contente pas de résister à l’Occident : elle est en train de triompher de ce défi. Il affirme avec conviction : « La Russie a défié l’Occident et elle est en train de réussir ce défi », soulignant sa capacité à surmonter les sanctions et l’isolement. Cette résilience, explique-t-il, repose sur une stratégie économique pragmatique. Par exemple, il met en avant les droits de douane élevés imposés par la Russie, qui ont stimulé la production locale et réduit la dépendance aux importations. Todd précise : « En imposant des droits de douane élevés, la Russie a relancé sa production intérieure, là où les États-Unis, sous Trump, ont échoué à cause d’une industrie affaiblie ». Cette comparaison illustre une différence clé entre les deux puissances : la Russie adapte ses ressources à ses besoins, tandis que l’Occident peine à retrouver son autonomie.

Todd prédit que la Russie continuera à exploiter ses atouts – ressources naturelles et position géographique – pour maintenir son influence mondiale. Il note : « En tant que fournisseur clé d’énergie et de matières premières, la Russie est bien placée pour jouer un rôle central », envisageant un renforcement de ses alliances avec des puissances comme la Chine et l’Inde dans un monde multipolaire.

Les défis de l’Occident : entre amnésie historique et autodestruction

Todd porte un regard sévère sur l’Occident, qu’il juge fragilisé par ses contradictions internes. Concernant l’Union européenne, il déclare : « L’Union européenne est prisonnière d’une amnésie historique et d’une politique autodestructrice ». Selon lui, les sanctions contre la Russie ont davantage nui à l’Europe qu’à leur cible, révélant une dépendance énergétique et économique mal assumée. Il ajoute : « En s’alignant sur les États-Unis, l’Europe compromet sa stabilité, incapable d’apprendre du passé », pointant du doigt une absence de vision stratégique.

Pour les États-Unis, Todd reconnaît certaines intuitions pertinentes de Donald Trump, comme le protectionnisme et le contrôle de l’immigration. Cependant, il critique leur exécution : « Trump avait raison sur le protectionnisme et l’immigration, mais sa mise en œuvre a été chaotique, marquée par une gestion violente et un manque de cohérence ». Il met également en garde contre une vulnérabilité croissante, liée à la dépendance américaine aux technologies importées, notamment face à la Chine.

Une vision réaliste des relations internationales

Todd prône une approche qu’il qualifie de « réalisme stratégique », ancrée dans une compréhension des dynamiques anthropologiques et culturelles. Il rejette fermement la vision binaire opposant un Occident démocratique à une Russie autoritaire, qu’il juge « simpliste et déconnectée des réalités historiques ». Pour lui, la force de la Russie réside dans une tradition d’adaptation forgée par l’histoire, tandis que l’Occident s’enlise dans un excès d’idéologie. Il insiste : « Une analyse nuancée des spécificités de chaque société est essentielle pour anticiper l’avenir », appelant à dépasser les postures moralisatrices au profit d’un pragmatisme éclairé.