Alors que le festival de Clermont-Ferrand a clôturé le plus grand rendez-vous de passionnés de court-métrage du monde, nous avons rencontré Jacques Curtil, cofondateur de l’événement. Pour vous, il revient sur le palmarès, le marché du court, les tendances actuelles…
Que pensez-vous du palmarès 2012 ?
Il y a des films militants. En particulier le Prix du Public avec La France qui se lève tôt et le Prix Spécial du Jury avec La sole entre l’eau et le sable. Ce sont des films sans concession et c’est assez rare. C’est le gros avantage du court-métrage, comme les enjeux financiers ne sont pas trop pesants, les réalisateurs peuvent y aller franco. Mais c’est aussi vrai pour des films de genre ou des films expérimentaux.
Comment se porte le marché du court-métrage ?
Plutôt bien, si on se fie au nombre de films qu’on a reçu, environ 7.200, ce qui en fait 400 de plus que l’année passée. On ne connaît pas les mêmes soucis que l’industrie du long. Le cinéma, c’est l’adulte. Le court c’est l’enfant, qui est toujours en évolution, en recherche.
Comme les réalisateurs doivent, ou en tout cas devraient, passer par le court avant d’aller au long, pour apprendre la rigueur, on ne manque pas de scenarii.
Les films sont tellement différents selon les pays. Même si on constate un développement des coproductions au niveau international (seulement 1% en fait, mais en augmentation). Les films se font dans un pays, avec un réalisateur du pays, des acteurs du pays, un scénariste, des techniciens du pays. On évite totalement la standardisation.
Quelle est la tendance actuelle dans les courts ?
C’est difficile de sortir une ligne. Même si, de façon très globale, on note une morosité latente. Même quand il y a de l’humour, c’est un humour noir. Comme les réalisateurs ont, en général, entre 25 et 35 ans, ce sont des gens qui sont très immergés, impliqués dans la société, ils en sont le reflet.
Et les tendances à venir ?
Impossible à dire. Ça marche souvent en action/réaction. Peut-être que l’humour et la légèreté feront leur retour.
Si on se fie aux statistiques depuis qu’on a ouvert le festival au numérique en 2001, chaque année il y a une progression. On est passé de 2.000 à plus de 7.000 films visionnés. Il y a tout juste 2 ans, 60% des films étaient sur pellicule, aujourd’hui 70% sont numériques.
Avec plus de films et la possibilité technique aujourd’hui pour n’importe qui de réaliser un film, est-ce qu’il n’existe pas un risque de perdre en qualité ?
Oui. Mais c’est une phase de transition. La musique et la photographie connaissent exactement le même phénomène. Les gens se prennent pour de grands musiciens, de grands photographes ou de grands réalisateurs alors qu’ils ne font que tomber dans le système de consommation. Mais au final, c’est toujours les mêmes qui sortent du lot. Ça permet tout de même de faire émerger quelques personnes particulièrement talentueuses.
Avant, quand on tournait en 35mm, ça exigeait des connaissances techniques très pointues. La génération d’aujourd’hui baigne depuis toujours dans l’image. Avant, il y avait plein de films à jeter, ratés techniquement. Mal éclairés, mal filmés, mal tournés. Aujourd’hui, c’est peut-être le cas de 2% des films. Pas plus. Pour la nouvelle génération, l’image est devenue un langage. Je donne des courts dans les collèges, les gamins font des ellipses sans savoir ce que c’est. Il y a une connaissance instinctive de l’image.
Qu’est-ce qui vous plaît dans le court ?
Quand on y touche, on est mordu. Le court, c’est totalement addictif. Moi, j’avais fait des études de sports, mais comme j’avais marre d’entendre parler que de sports, je suis allé dans un ciné club. Et c’est avec ces mecs qu’on a lancé le festival. Ça fait 20 ans que ça dure.
Le court fait voyager, permet de comprendre comment fonctionne le monde, justement parce que chaque film est marqué par sa culture. Personnellement, le court me permet de comprendre l’humain. Ses différences et ses complémentarités.
Vous avez eu un coup de cœur personnel dans la sélection ?
Il y a un film nordique, Tuba Atlantic, qui parle d’un homme à qui il reste 6 jours à vivre. Tout jeune, parce que son frère était parti aux États-Unis, il a construit un tuba monumental pour parler avec lui mais il n’a jamais su faire fonctionner le tuba. Le mec est totalement fou, il dézingue les goélands à la mitraillette. Une jeune femme arrive, il la prend pour un ange, et elle rentre totalement dans son univers.
Il y a aussi un film italien, Les Morts d’Allos, où le réalisateur n’a utilisé que des images d’archives .