Pourquoi elle ?
Parce qu’elle est plus que l’auteur de La Vie sexuelle de Catherine M. Parce qu’elle a écrit un livre unique sur l’enfance. Comme si Michel Butor avait réécrit Les Confessions en imitant le style de l’Étranger. Parce qu’un adulte qui parle de son enfance sans s’en servir pour justifier ce qu’il est devenu, ça donne une dissection atemporelle et amorale.
Parce que l’existence ne s’écrit pas comme un roman, la cohérence n’est construite que par le souvenir.
Où le lire ?
Chez le psy. Il vous croira guéri. Ou dans un jardin d’enfant, parce que rarement livre a été écrit sans béatifier l’enfant.
Le passage à retenir par cœur ?
« L’enfance est heureuse, car la spéculation mentale n’y rencontre pas de contradiction. C’est parvenu à l’âge adulte que nous nous croyons contraint à faire preuve d’une cohérence qui impose de renoncer à certaines aspirations et à certains désirs, sous prétexte qu’ils seraient incompatibles avec d’autres que nous exprimons. Or, nous nous sommes tous fabriqués au hasard des vents qui apportent et emportent pêle-mêle ce qui se trouve sur leur passage, si bien que de devoir choisir et d’être tiraillé entre les pôles naissent des souffrances sans fin. Mais la cohérence n’est pas une vertu en soi, elle n’est qu’une commodité sociale qui bride la plupart des vies multiples dont nous portons en nous le potentiel, et ceux à qui l’on reproche d’avoir une double, voire une triple vie, sont certainement plus fidèles à eux-mêmes, si tant est que cette notion soit aussi une valeur, que ceux qui revendiquent la rectitude de leur conduite ».
À qui l’offrir ?
À personne. On n’offre pas son journal intime.
« Une enfance de rêve », Catherine Millet, Flammarion 2014, 284p., 19,50 €.