POURQUOI LUI ?
Parce que Oscar Acosta était un ovni énorme qui piétinait le monde confortable des bien-pensants propres sur eux, animé par la rage des « petites gens » qu’il représentait et défendait (parfois gratuitement) dans les tribunaux. Parce qu’en mettant un terme à sa carrière d’avocat en 1967, il n’a pas abandonné sa vocation d’écrivain. Le tout dans une frénésie de drogues et d’alcool qui n’aura rien à envier à la « performance » de son ami le docteur H.S. Thompson, lui-même grand consommateur devant l’éternel. C’est l’époque qui voulait cela, quand les drogues n’étaient pas autant manipulées qu’aujourd’hui et qu’on trouvait d’excellents « Owsleys » à 3 dollars pièce au coin d’une rue de n’importe quelle ville américaine de plus de 20000 habitants. L’avocat charismatique, protecteur des minorités est l’un des exemples de ce que l’Amérique peut produire de sauvage, de subversif et de juste. Sans commune mesure avec l’American way of Life, il représente l’autre face d’un pays prétentieux qui se fait modèle de vertu tout en méprisant son petit peuple. C’est cet aveuglement qui crée des « monstres magnifiques » tels qu’Oscar Zeta Acosta.
Celui dont Thompson dira qu’il « n’avait pas peur du tout de tout ce qui marche sur moins de 3 jambes », celui qui vomissait régulièrement des gerbes de sang dues à ses ulcères gastriques, celui-là même qui défendait, en tant qu’avocat, des personnes avec qui il avait lui-même la veille, en tant qu’activiste, dégradé copieusement la pelouse du juge, cet ogre »trop bizarre pour vivre et trop rare pour mourir », ce « prototype personnel de Dieu » ne sera jamais déclaré officiellement mort. Son fils recevra un appel en 1974 durant lequel son père lui annonce qu’il s’apprête à « embarquer sur un bateau plein de neige blanche ». Puis rien. La disparition. Comme le disait Arthur Cravan :
Quand on a la chance d’être une brute, faut savoir le rester .
Son énergie incalculable fait aujourd’hui défaut, dans une époque où l’on intente un procès pour rien, où l’on se plaint de détails insignifiants tout en se complaisant dans le confort coupable de nos sociétés hyper consuméristes qui méprisent puis broient les plus faibles. Acosta est une ode étrange et démesurée à la vie. Dévorant l’existence, le crâne gavé d’amphétamines, il n’a jamais oublié d’où il venait, cette enfance pauvre et rude, les humiliations, les bagarres sauvages, l’alcool. Le petit mexicain obèse qu’il était a appris à ne jamais rien laisser passer, à devenir un adversaire redoutable partout et notamment dans les tribunaux. Mais tout acharné qu’il fut, il finira [probablement] absorbé par la force inéluctable des choses. Individuellement, la vie est un combat perdu d’avance.
Comme le disait Frank Zappa: « Dans le duel entre toi et le monde, parie sur le monde »
LE PASSAGE A RETENIR PAR COEUR ?
Dans un grondement de sabots qui projettent des tourbillons de poussière sur mon passage, j’engloutis des kilomètres de sable brûlant en m’efforçant de rester concentré sur la ligne blanche, mon seul repère. Sacramento, le lac Tahoe et les stations Shell. je dépasse des auto-stoppeurs chevelus. Je sème des Budweiser vides le long de la piste au cas où je perdrais le nord vu que je n’ai plus de psy ni de gourou et que leur magie m’est dorénavant inaccessible. Des grands immeubles et des kilomètres de bitume sombrent derrière moi à mesure que j’écrase à plein pied l’accélérateur de ma Plymouth 65. La tête pleine d’amphétes, la bite flétrie et une canette à la main, je m’agrippe tellement au volant que mes articulations deviennent rouges. Je m’engouffre à fond la caisse dans le désert de montagnes à la recherche de mon passé…
OU LE LIRE ?
Dans un open space, entre deux appels qu’on passe pour tenter de vendre une véranda.
A QUI L’OFFRIR ?
A vous qui vous trouvez trop moche, nul(le), gros(se), pauvre, roux, myope, chauve, mal foutu(e), à tous ceux qui ne répondent pas à la norme, qui sont discriminés pour quelque raison que ce soit. A tous ceux à qui on a envie de dire: « Ne lâche rien, jamais ».
A tous ceux qui vous trouvent moche, nul(le), gros(se), pauvre, roux, myope, chauve, mal foutu(e), à tous ceux qui voudraient vous rendre conforme, qui vous discriminent pour quelque raison que ce soit. A tous ceux à qui on a envie de dire: « Méfie-toi, je suis immense ».